Dans une tribune au vitriol, paru dans « Le Monde » mardi, un Collectif de huit syndicats de professionnels de santé, dont la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), et une association de patients*, regrette que le gouvernement et les parlementaires aient détricoté la proposition de loi Rist, qui visait à lutter contre les déserts médicaux en ouvrant l’accès direct à certaines professions tout en étendant leurs compétences.
La proposition de loi déposée par Stéphanie Rist (députée Renaissance du Loiret) ouvrait ainsi l’accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA), aux kinés et aux orthophonistes, donc sans passer par un médecin, et étendait les compétences de plusieurs professions paramédicales. Les signataires constatent qu'elle a été « vidée de son contenu initial. C’est un coup d’épée dans l’eau », regrettent-ils.
Alors que le texte initial prévoyait que l’accès direct aux paramédicaux puisse se faire à l'échelle des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), cette référence a été supprimée par les sénateurs. « La restriction de l’accès direct aux seules structures d’exercice coordonné, peu nombreuses, n’aura aucun impact sur l’accès aux soins. Cela rendra les parcours de soins illisibles pour les patients et créera une rupture d’égalité pour les usagers. Les patients ne verront aucune amélioration. »
« En quelques heures de débat parlementaire, la transformation urgente de l’organisation des soins a été renvoyée à plus tard. Une fois de plus. Une fois de trop », s'insurge le Collectif. Conclusion : « le gouvernement comme les parlementaires reculent. »
Pourtant, les signaux d'alarme ne manquent pas, entre vieillissement de la population, crise des urgences et déserts médicaux (plus de six millions de patients n’ont pas accès à un médecin traitant, dont plus de 600 000 sont en affection longue durée). « Le tsunami sanitaire susceptible de submerger notre système de santé a commencé à déferler », alerte la tribune.
Les professions de santé signataires se disent prêtes à relever le défi de l’accès aux soins, à condition que l’on mobilise « pleinement » leurs compétences. « Rien n’est plus évident que la nécessité de recentrer la ressource médicale, devenue rare, sur les cas les plus complexes, en déléguant tout ce qui peut l’être », soulignent-ils.
Pas à la place du médecin, mais au contraire en soutien. « Tous, nous pensons que le médecin doit être le garant du parcours de soins du patient. Personne ne songe à le remplacer. Il s’agit seulement d’utiliser pleinement les compétences de chacun. »
Rappelant la demande d’Emmanuel Macron, en janvier, d'« une prise en charge plus collective des patients », les signataires se font pressants : « Prolonger le statu quo n’est plus une option face aux retards de soins, à l’encombrement des urgences et au détournement des patients vers les médecines alternatives. »
* Les signataires : Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ; François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes ; David Boudet, président de la Fédération nationale des podologues ; Sarah Degiovani, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes ; Luis Godinho, vice-président du syndicat des audioprothésistes ; Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs ; Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers ; Mélanie Ordines, présidente du Syndicat national autonome des orthoptistes ; Gérard Raymond, président de France Assos Santé, l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé.