Des faux frères. Ainsi peut-on qualifier Agde et le Cap d’Agde. L’une est austère et patrimoniale, l’autre hédoniste et superficielle. À l’engorgement estival de la seconde – mais cet été, cela risque d’être différent –, on préfère l’Histoire et l’authenticité de sa voisine.
Car Agde est une ville bimillénaire, fondée par les Grecs au IVe siècle avant J.-C. Ils y ont importé la vigne, fait prospérer le commerce et la pêche. Ils y ont aussi bâti des maisons avec la pierre trouvée sur place, du basalte, issu d’une ultime résurgence du Massif Central sur les bords de la Méditerranée. Résultat, une ville « noire » à l’air rude, ramassée en ruelles étroites comme le sont tous les bourgs méditerranéens, mais sans cet air chaleureux que donne la pierre calcaire quand elle brille au soleil du sud.
La place de la Glacière, cernée de façades mal dégrossies, incarne cet air d’Antiquité qui souffle sur la ville. Les quais de l’Hérault, fleuve en fin de course avant son grand bain en Méditerranée, sont bordés de façades droites et alignées qui donnent à Agde un faux air de port crétois.
Le centre ancien porte les marques d’une richesse commerciale évanouie. De beaux hôtels particuliers (comme ceux de la place de la Marine) rappellent de vieilles fortunes maritimes. Après le transfert du port au Grau d’Agde dans les années 1980, Agde s’est assoupie. Et même paupérisée. Une balade dans la vieille ville le prouve. Occupée par une population en majorité inactive – le taux de chômage du bassin d’Agde est l’un des plus élevés de France -, elle accueille une importante communauté gitane.
Mais un vent de renouveau balaie depuis peu la belle Grecque. À l'initiative des institutions locales et des artistes, des pas-de-porte inoccupés sont investis par des artisans d’art. Il y en a près d’une trentaine, sculpteur, plasticien, sérigraphe, bijoutier… fédérés autour de la Galerie de la Perle Noire. Avec un chef de file devenu presque star, Philippe Montels, et ses inédites créations de bijoux en cotte de mailles. Cet élan est aussi symbolisé par la réouverture de la Villa Laurens. De style Art Nouveau, la bâtisse d’un dandy agathois est en passe de devenir un foyer d’art contemporain.
Escapades à vélo
Du haut du clocher de la cathédrale Saint-Etienne, on embrasse d’un coup d’œil tout le paysage : le fleuve Hérault et son miroir d’eau placide, hôte de joutes nautiques l’été ; les toits de tuiles de la vieille ville ; le Canalet, bras d’eau reliant le canal du Midi à Agde ; au loin, la mer et le Grau d’Agde. Autant de motifs de balades hors la ville. La plus facile consiste à traverser le pont sur l’Hérault et à rejoindre à pied le canal du Midi.
En temps estival normal, c’est l’affluence. L’œuvre de Pierre-Paul Riquet est devenue un « boulevard du loisir » envahi de pénichettes. Et Agde, port de plaisance du canal, est un carrefour. Le Canalet permet de rejoindre l’Hérault et la mer. Une écluse ronde, unique en France, donne accès d’un côté à l’étang de Thau et à Sète, de l’autre à Béziers et à l’Aude.
En quelques coups de pédale depuis Agde, les cyclistes peuvent rejoindre l’embouchure du canal dans l’étang. À 6,5 km, le lieu se nomme la pointe des Onglous. Situé sur la commune de Marseillan, il est symbolisé par un phare à tourelle rouge, au bout d’un chemin de halage. Après, il ne reste que 2 km aux bateaux venus de Toulouse ou de l’Atlantique pour rejoindre la ville de « Cette » (Sète), comme il est écrit sur un vieux panneau posé sur l’ancienne maison portuaire.
L’autre escapade à ne pas manquer conduit au Grau d’Agde, en bord de mer. En suivant la rive gauche de l’Hérault, on parvient sans encombre à l’embouchure du fleuve, bordé d’un alignement de boutiques et de restaurants de poissons. Certains s’amuseront à traverser l’Hérault par le bateau passeur pour gagner La Tamarissière, sur la rive droite.
La criée et son exposition permanente, Le Belvédère, valent à elles seules l’excursion au Grau d’Agde. C’est l’une des quatre criées à poissons de la Méditerranée française, avec Sète, Le Grau-du-Roi et Port-la-Nouvelle. Spécialité de la place : le poulpe blanc. Chaque jour de la semaine, mareyeurs et acheteurs de la grande distribution se disputent les lots de poulpes et de merlus, maquereaux, daurades, loups, raies, soles…, pêchés par les chalutiers, les palangriers et une flottille d’une centaine de petits pêcheurs côtiers. Oui, décidément, nous préférons cette ambiance typique à la frivolité du Cap d’Agde.