C'est en se sédentarisant que l'homme a commencé à cultiver contre nature. Il y a 8 000 ans, notre ancêtre chasseur-cueilleur bougeait et recherchait sa nourriture. L'homme est devenu éleveur, et agriculteur, « il voulait pérenniser ses ressources, selon ses besoins », explique Alexandre Hilereau.
Ce jeune pharmacien de Compiègne (Oise) se félicite que la faculté (de Caen) lui ait « beaucoup appris sur la botanique, la mycologie », et l'ait ouvert à l'écologie. Aujourd'hui, avec sa femme (et leur petit Raphaël de 3 ans), ils s'adonnent à la permaculture, la « culture permanente ».
« La terre doit toujours avoir un couvert végétal, un sol nu n'existe pas dans la nature, ou alors c'est le désert. » Dans le petit jardin, derrière sa maison de la rue Saint-Fiacre (qui est le saint patron des jardiniers !), il cultive de tout, mais vraiment de tout. On y voit des tomates sous une vigne de chasselas, des salades, des courges associées à du maïs et des légumineuses, « un système écologique à trois plantes qui s'entraident », des choux, des aromatiques, un pommier, des herbes à tisanes, des fèves qui « nourrissent l'homme, puis les tomates », des poireaux, des courgettes, des oignons, des patates douces (sans arrosage), des fraises, des cornichons, du céleri, des pommes de terre, des carottes.
Diversité et durabilité
« Tout est bio, en semences reproductibles, des variétés anciennes, explique Alexandre Hilereau. C'est un maraîchage sur un sol vivant qui favorise la diversité, la variété des végétaux. Il y a un maximum d'insectes, et tout est toujours sous paillage. La terre dessous est légère, vivante, magnifique. »
« La permaculture que nous voyons en ce moment est une révolution agricole, à l'encontre de 8 000 années de court-termisme. Si on veut éviter des déserts, il faut recherche la durabilité. »
Le confrère est intarissable, il cite, par exemple, la ferme d’un hectare de l'abbaye bénédictine du Bec-Hellouin (Eure) dont la productivité et la diversité sont inégalées. « La permaculture rend la terre très fertile, affirme le confrère. Elle nous renvoie à nos contradictions : quel travail voulons-nous, quelle vie voulons-nous avec des millions de chômeurs ? Il faut retrouver une échelle humaine ! » Tout l'inverse d'une monoculture intensive dont, par exemple, la Picardie est une vitrine.
Le jardinier explique où placer les plantes qu'on utilise le plus, plus près de la maison, celles qui demandent le plus de soins, les plus accessibles.
Copier la nature
« Il faut copier la nature, l'adapter à l'homme, dans le respect de la nature », ajoute-t-il.
Alexandre Hilereau n'est pas autosuffisant, car un jardin en permaculture prend un temps dont ne dispose pas un jeune installé et un jeune papa. Mais il fait son pain, le paillage économise l'eau, il échange des légumes avec des voisins contre des œufs, ou des cerises, « il y a toujours quelqu'un d'intéressé ».
« Le sol est notre héritage, depuis des millions d'années, poursuit le jardinier pharmacien. La pharmacie m'a servi à m'ouvrir l'esprit, comme quand on visitait les biotopes des rives de l'Orne, à la faculté. Il faut recentrer sur l'humain, retrouver le respect des personnes, de toute forme de vie. C'est aussi une manière de vivre et de travailler, de mieux prendre en charge les patients. »