Les officinaux sont au front, depuis plus d'un an et demi, pour faire face à la pandémie actuelle et son lot d'incertitudes. Le quotidien d'un bon nombre de pharmaciens s'est alourdi. Il a souvent fallu optimiser la communication au sein des équipes, réorganiser les plannings, se former aux nouvelles missions liées au Covid, être à la pointe de l'actualité pour informer et rassurer les patients… Ce véritable cataclysme nécessite, plus que jamais, un management efficace et bienveillant.
« Nous n'avons jamais dû autant nous adapter que durant ces 18 derniers mois ! » Cette affirmation d'Éric Myon - titulaire de la pharmacie homéopathique de l’Europe à Paris et secrétaire général de l'Union nationale des pharmacies de France - vaut pour la grande majorité des pharmaciens. La crise sanitaire a redistribué les cartes à l'officine. Les équipes ont dû faire face à l'urgence. Exemple frappant : dès le premier confinement, en mars 2020, elles se sont réorganisées pour assurer la continuité des traitements aux patients, dispenser des masques de protection aux professionnels de santé et parfois fabriquer des solutions hydroalcooliques. « Pour notre part, nous avons nommé un « responsable Covid » parmi notre équipe. Expert de ce virus, cet adjoint est chargé de faire respecter les procédures sanitaires au sein de l'officine. Il transmet ce qu'il faut savoir concernant le Covid, ce que nous pouvons dire à nos patients, la façon dont nous devons réaménager notre espace de vente pour faire respecter les gestes barrière… », détaille Éric Myon.
Optimiser la communication
Dans de nombreux cas, le Covid a favorisé la communication entre tous les membres de l'équipe : titulaires, adjoints, préparateurs. Tous devant adopter la même posture et disposer d'une information à jour concernant la pandémie face au patient. « Dès le début de la crise, nous nous sommes réorganisés : nous avons mené quelques réunions pour discuter des moyens à mettre en place pour protéger l'équipe et nos patients. Nous avons également multiplié les échanges non formalisés dès que nous le pouvions. Et cela, pour que l'équipe soit toujours au courant des dernières actualités liées au Covid. Nous avons également mis à jour notre document unique d'évaluation des risques (DUER), en y précisant ce que nous avons mis en place pour limiter les risques face au Covid », indique Sébastien Gallice, titulaire de la Pharmacie des Rosiers, à Marseille.
Pierre-Olivier Variot, président de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) et titulaire d'une officine à Plombières-lès-Dijon, confirme l'importance d'un management fondé sur l'écoute et l'échange. « Nous recevons beaucoup de messages de la part de la Direction générale de la Santé (DGS) concernant la conduite à tenir face au Covid. Nous devons les transmettre rapidement à notre équipe. Pour cela, nous avons dû mettre en place des procédures de communication efficaces : réunions plus fréquentes, signature systématique des messages de la DGS par chaque membre de l'équipe afin de s'assurer que tout le monde en a pris connaissance. En cas de message urgent de la DGS, nous surlignons les passages essentiels pour que tout le monde soit bien au courant de l'information », confie-t-il.
Savoir déléguer
Tests antigéniques, gestion des masques, vaccination, information des patients… Avec le Covid et les nouvelles missions qu'il a engendrées, le temps humain à l'officine doit être démultiplié. « Aujourd'hui, le titulaire ne peut quasiment plus rien faire seul. Il doit compter sur son équipe officinale. Les titulaires qui s'en sortent le mieux sont ceux qui savent déléguer des missions clés à leur équipe, aux assistants mais aussi aux préparateurs. La crise a, d'ailleurs, permis de valoriser leur métier, puisque ces derniers peuvent aussi vacciner les patients », assure Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO). Pour pouvoir déléguer, encore faut-il permettre à ses équipes d'apprendre les nouveaux gestes et process permettant de protéger la population contre la pandémie. « Cela a largement été le cas au sein des pharmacies françaises. Les officinaux ont montré leur capacité à s'adapter et à se former très vite. Le fait d’appartenir à un groupement a été une aide précieuse pour le décryptage et la mise en place des décisions gouvernementales qui évoluent très vite. En matière de vaccination par exemple, il faut transformer l'essai en permettant aux officinaux de vacciner pour d'autres pathologies et d'effectuer d'autres types de tests (glycémie capillaire, par exemple) », note David Kihouba, titulaire de la Pharmacie Lafayette du Faubourg Saint-Pierre à Montluçon (Allier).
Recruter et motiver les équipes
Mais le management post-Covid se heurte à une difficulté de taille : celle du recrutement de pharmaciens. « Avec les confinements successifs, nos équipes ont été réduites. Nous avons essayé de pallier cela en nous entourant d'étudiants motivés pour travailler en cette période chahutée. Aujourd'hui encore, nous devons faire face à des demandes exponentielles de tests Covid les vendredis et samedis matins. Toutes ces missions qui s'ajoutent à notre cœur de métier sont très chronophages. Elles s'accompagnent de tâches administratives importantes et ne sont pas rémunérées à leur juste valeur. Ce qui peut décourager les pharmaciens », souligne Éric Myon. Toutes les nouvelles activités liées à la pandémie ne peuvent être réalisées sans une équipe soudée. En tant que titulaire, il faut plus que jamais impulser une dynamique positive, un management bienveillant, à l'écoute de chaque salarié.
« Après plus d'un an et demi d'effort soutenu, les équipes sont parfois fatiguées, usées : il faut savoir les remotiver », ajoute Éric Myon. Le témoignage de Sébastien Gallice va dans le même sens. « Les officinaux ont beaucoup tiré sur leurs organismes : ils sont proches de la rupture Il faut que les équipes respirent. Or il nous est très difficile de trouver des remplaçants ou des intérimaires. Nous devons redorer le blason de l’officine avec les nouvelles missions, remettre en question la PACES en urgence et, si cela ne suffit pas, déployer une interprofessionalité avec les étudiants d’autres disciplines (médecine, infirmiers…). Nous l’avons réussi cet été. »
Créer une relation privilégiée avec les patients
Depuis le début de la crise, le pharmacien est devenu la porte d'entrée incontournable du système de santé. « Pendant le premier confinement, presque tous les cabinets de médecins étaient fermés. Nous nous sommes organisés en horaires décalés. Nous avions la possibilité de renouveler les traitements des patients chroniques. Ceux-ci ont pris l'habitude de poser leurs questions aux pharmaciens (sur le coronavirus, la vaccination…). La crise a eu le mérite d'accentuer la confiance que les Français accordent aux officinaux », note Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pour certaines pharmacies, le Covid a été l'occasion de se rapprocher des patients, en leur offrant de nouveaux services. « Lors du premier confinement, nous avions mis en place un système de livraison à domicile pour les patients chroniques. Un service que j'effectuais personnellement après la fermeture de la pharmacie, pour les personnes qui ne pouvaient pas se déplacer », indique David Kihouba. La crise sanitaire a accéléré la mise en place d'autres types de services permettant de fidéliser la patientèle. « Un bon nombre d'ordonnances ont été envoyées en version numérique, le « click & collect » s'est organisé. Certains pharmaciens ont étoffé leurs fichiers clients numériques ou encore, envoyé des newsletters. Pour ne pas perdre de vue les patients, beaucoup de pharmaciens réfléchissent désormais aux moyens de digitaliser la communication », conclut Luc Besançon, délégué général de NèreS.