Le Quotidien du pharmacien. - Les pharmaciens vous interrogent-ils sur les règles de déductibilité fiscale des frais de déplacement ?
Philippe Becker. - C’est souvent une question qui survient lors d’une reprise ou à la clôture d’un premier bilan. Nous leur expliquons qu’il faut faire la part entre les déplacements nécessaires pour l’exploitation de l’officine, comme les livraisons ou la participation à des réunions professionnelles, et les trajets domicile/travail. Les règles ne sont pas les mêmes et dépendent aussi de leur statut juridique.
Quels sont les points clés à connaître pour éviter un redressement en matière fiscale ?
Christian Nouvel.- Pour être schématique, les frais de déplacement, hors trajets domicile/travail, sont déductibles à la condition d’être nécessaires à l’exploitation. Il faut que ces frais soient appuyés de justificatifs comme des factures de carburant, des notes de péage et, bien évidemment, que ces frais soient comptabilisés dans l’exercice fiscal. Attention, a contrario, si la société verse une indemnité forfaitaire mensuelle, elle sera alors imposable pour le titulaire.
Et pour les trajets entre le domicile et la pharmacie ?
Philippe Becker. - Pour les dirigeants de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), les frais de trajets exposés pour aller du domicile à la pharmacie sont des charges personnelles déductibles de leurs rémunérations. Ces frais sont, en principe, couverts par la déduction forfaitaire de 10 %, mais le dirigeant peut, si cela est plus intéressant, opter pour la déduction de frais réels. Dans cette dernière hypothèse, il peut déduire de plein droit ses frais à concurrence des 40 premiers kilomètres entre son domicile et la pharmacie, soit pour leur montant réel, soit en utilisant le barème kilométrique à condition d’être propriétaire de son véhicule. Le choix doit être fait chaque année et il va sans dire que ce choix dépend de plusieurs paramètres : la rémunération, l'importance du trajet et le coût d’utilisation du véhicule.
Le principe est-il identique pour les dirigeants de sociétés soumis à l’impôt sur le revenu ?
Christian Nouvel. - Le mécanisme est proche avec quelques différences : les frais de trajets d’un associé d’une société relevant de l’impôt sur le revenu (IR) sont déductibles de sa quote-part de résultat imposable. Mais à la différence des dirigeants des sociétés soumises à l’IS, il doit déduire ses frais de trajets domicile/pharmacie pour leur montant réel sans pouvoir utiliser le barème kilométrique. Il faut donc souligner l’importance qu’il y a à conserver les justificatifs (factures, tickets de péages, etc.).
Le pharmacien entrepreneur individuel a-t-il les mêmes possibilités de déduction ?
Philippe Becker. - Tout à fait, ils peuvent déduire de leur bénéfice imposable les frais de trajets correspondant aux 40 premiers kilomètres séparant le domicile de leur pharmacie. Ils ne peuvent pas utiliser le barème kilométrique sauf s'ils tiennent une comptabilité super-simplifiée, ce qui est rarement le cas.
Vous évoquez une tolérance de 40 kilomètres. Doit-on en conclure qu’au-delà de 40 kilomètres, rien n’est déductible ?
Christian Nouvel. - Si le trajet domicile/pharmacie est supérieur à 40 kilomètres, le pharmacien devra, pour déduire l’excédent, pouvoir justifier cet éloignement par des raisons impératives et non pas des convenances personnelles.
Y a-t-il un intérêt à acquérir un véhicule de société dans une officine ?
Philippe Becker. - L’utilisation d’un véhicule de société n’est pas illimitée comme on l'imagine parfois. Le véhicule doit être utilisé conformément à son objet. Il doit l'être pendant les heures d’ouverture de la pharmacie. Il n’est pas censé être utilisé les dimanches et les jours fériés. Le véhicule est assurable comme tel et il faut être conscient des limitations que pourrait opposer un assureur en cas d’accident lors d'un usage personnel. Cela peut toutefois avoir du sens pour des pharmacies qui ont développé des activités d’HAD/MAD car la TVA facturée lors de l’achat est récupérable et le véhicule est amortissable sans limite, contrairement aux véhicules dits de tourisme.
Justement, le véhicule de tourisme est-il encore souvent inscrit à l’actif des officines ?
Christian Nouvel. - De moins en moins, car le développement des sociétés et de la forme associative rend complexe et coûteuse l’achat par la pharmacie des véhicules de tourisme. En effet, si chaque associé demande l’achat par la société de son véhicule personnel, il faudra payer la taxe sur les véhicules de société qui est basée sur les émissions de CO2 (sauf véhicule hybride ou électrique). À titre d’exemple, un véhicule qui émet 160 g de CO2 coûte annuellement à la société 3 120 euros en 2018. Ajoutons que la TVA sur le véhicule de tourisme n’est pas récupérable et que leur amortissement global est limité selon les émissions de CO2.
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