SELON Florent Saint Martin, professeur associé à Sciences Po Paris, les récents scandales liés à des médicaments ou à des dispositifs médicaux ont mis en évidence « de profonds dysfonctionnements » au niveau des agences sanitaires européennes. Il estime que le « système de gestion des risques sanitaires a longtemps été trop imperméable aux exigences de transparence, tout en étant trop perméable aux conflits d’intérêt ». Il pointe notamment la difficulté d’accès du public aux données scientifiques. « Le peu d’enthousiasme des agences du médicament à faciliter l’accès du public à ces données scientifiques, en particulier sous couvert de protection de la "confidentialité commerciale", a longtemps fait obstacle à l’élaboration d’analyses indépendantes de ces données par des chercheurs », souligne-t-il.
Autre point noir, un rapport d’audit, publié le 11 octobre 2012 par la Cour des comptes européenne, a mis en évidence l’absence de gestion appropriée des conflits d’intérêt au sein des agences européennes d’évaluation. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne du médicament (EMA), sont notamment épinglées pour leur mauvaise gestion du phénomène de « porte tournante », c’est-à-dire la circulation des personnels entre secteur public et secteur privé. « Ce phénomène est susceptible de créer un conflit d’intérêt majeur, car le soupçon plane qu’un responsable d’agence convoitant un poste dans une industrie qu’il est censé réguler n’agisse par de manière impartiale vis-à-vis d’elle », relève Florent Saint Martin. Il cite le cas de l’ancien directeur exécutif de l’EMA, recruté par un bureau conseil travaillant pour des laboratoires pharmaceutiques, fin décembre 2010, peu après son départ de l’Agence. La spécialité du bureau était de conseiller les laboratoires afin d’optimiser leurs dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché…
Sunshine act à l’européenne.
Afin de faire émerger une « culture de l’indépendance », Florent Saint Martin préconise de travailler notamment sur la transparence au travers de quatre axes : « Faire appliquer des obligations de transparence déjà existantes, y compris en ayant recours au médiateur européen, faire appliquer les règles en matière de gestion des conflits d’intérêt, renforcer les mécanismes de lancement d’alertes et renforcer les obligations de transparence. » Il salue certaines avancées récentes, comme la mise en place par l’Agence européenne du médicament en avril 2012 d’une procédure de « rupture de confiance » en cas d’omissions volontaires dans les déclarations de conflits d’intérêt. Néanmoins, il estime qu’il reste des progrès à faire. Il plaide pour la définition « d’un socle commun de principes et de règles » par la Commission européenne en matière de liens d’intérêts. Il est également favorable à la création d’une autorité ou d’un comité de déontologie chargé de donner un avis sur les cas problématiques de conflits d’intérêts au sein des institutions et organes de l’Union européenne. Enfin, il souhaite l’adoption d’un Sunshine act à l’européenne dans le domaine de la santé et de la sécurité alimentaire. « L’objectif d’un tel texte serait de rendre obligatoire la publication par les firmes, qu’elles soient du secteur pharmaceutique ou agroalimentaire, des conventions et de tous les avantages en nature ou en espèces qu’elles procurent, directement ou indirectement, à des experts ou à des organisations », précise-t-il.
Pour lui, « la transparence est un moyen efficace pour faire progresser l’indépendance », condition sine qua non pour bénéficier d’un système de gestion des risques sanitaires au service de l’intérêt général. Ce système doit « reposer sur une expertise scientifique irréprochable, capable d’éclairer les décideurs sur les risques associés à certaines substances et produits », conclut-il.
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