La prime Macron aurait-elle vécu ? C’est la question qui se pose à la lecture des premiers sondages de l’année. Cette prime, défiscalisée et exonérée de charges sociales, avait pourtant connu des débuts prometteurs. En 2019, année de sa création véritable, 5,5 millions de salariés en ont bénéficié. En effet, 75 % des entreprises, soit 408 000 employeurs, avaient joué le jeu, accordant pour 30 % d’entre eux, le montant maximum, soit 1 000 euros, et pour 58 % moins de 400 euros. En moyenne, 400 euros de pouvoir d’achat supplémentaire avaient été ainsi redistribués à des salariés touchant moins de l’équivalent de trois SMIC mensuels, soit environ 3 600 euros.
500 euros en moyenne en pharmacie
Parmi ces patrons de TPE, les titulaires d'officines s'étaient montrés plus généreux que la moyenne. Les cabinets d’experts-comptables interrogés en attestent, dans les pharmacies, la prime Macron a atteint en moyenne 500 euros. « Cette somme a été octroyée aux pharmaciens adjoints, tandis que les préparateurs ont touché entre 200 et 500 euros, les autres personnels plutôt entre 100 et 200 euros. À préciser bien entendu qu’il s’agit de moyennes », analyse Olivier Desplats, expert-comptable, commissaire aux comptes et dirigeant du cabinet Flandre Comptabilité Conseil à Marcq-en-Baroeul (Nord). Un quart des titulaires qu'il suit a opté pour la prime Macron en 2019. Ce taux atteint 37 %, pour une somme médiane entre 400 et 500 euros, dans la clientèle de Joël Lecoeur, expert-comptable, associé du cabinet LLA Experts-Comptables et président de Groupement CGP (Conseil Gestion Pharmacie). Un effort qui mérite d’être relevé puisque, précise-t-il « la grille des salaires a de surcroît connu des évolutions significatives au cours des deux dernières années ». De son côté, Carole Lejas, expert-comptable - commissaire aux comptes, associée au cabinet Exco Valliance FP à Mérignac, note qu’environ la moitié de ses clients pharmaciens ont versé une prime Macron, entre 700 et 1 000 euros, à leurs salariés.
Il y a cependant de forts risques pour que cette générosité ne se manifeste pas cette année. Les titulaires qui se déclarent opposés au versement de la prime Macron, ne sont pourtant pas revenus sur leurs bonnes intentions. Pas davantage la plupart des autres patrons de TPE. Seule la complexité qui marque désormais le dispositif semble en cause. Bercy a en effet conditionné l’octroi de cette prime à l'existence d'un accord d’intéressement. En un mot, l’employeur ne pourra récompenser ses salariés que s’il a conclu, au préalable, un accord d’intéressement recueillant l’adhésion des deux tiers des salariés et soumis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Il devra être mis en place au cours du premier semestre 2020, au plus tard, comme le précise Joël Lecoeur, « dans les six mois qui suivent l’ouverture de l’exercice. Ce qui veut dire que les officines ayant bouclé leur exercice le 30 septembre auront jusqu’au 31 mars pour conclure cet accord ».
Autant dire que cette nouvelle charge administrative, doublée du coût de son accompagnement par un service juridique (expert-comptable ou avocat spécialisé en droit social) qui peut osciller entre 800 et 1 200 euros, en dissuadera plus d’un, comme le prouve l'enquête réalisée sur le site du « Quotidien du pharmacien » (voir ci-dessous). Les pharmaciens ne sont pas les seuls à faire ce constat. Car Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a beau vouloir assouplir le dispositif pour accepter un accord unilatéral dans les entreprises de moins de 11 salariés, Alain Griset, président de l’U2P, n’en dénonce pas moins le formalisme qui pèse sur cette prime. D’accord sur le principe, beaucoup de patrons de TPE ne la verseront pas cette année pour échapper aux complications administratives supplémentaires, mais aussi à une source de conflit inutile au sein de l’entreprise.
Critère de productivité
Le succès de la prime Macron ne sera donc pas reconductible. Mais il s'agit surtout d'un « flop » pour Bercy, qui pensait par ce biais inciter les entreprises de moins de 10 salariés à mettre en place des accords d’intéressement. Certes, l’accord d’intéressement peut être un outil managérial intéressant, comme le relève Olivier Desplats. Du reste, constate son confrère Joël Lecoeur, il n'est pas rare que les titulaires, parmi les plus jeunes, y aient recours « pour motiver les équipes ». « Il nécessite toutefois d’être expliqué et commenté en réunion aux membres de l’équipe officinale », ajoute Olivier Desplats.
Pour autant, il ne semble pas approprié, de l’avis des experts-comptables, de le mettre en place actuellement, tant le modèle économique de l’officine se trouve aujourd’hui dans une période transitoire, avec les incertitudes inhérentes à toute mutation. « Un accord d’intéressement pourrait être contre-productif car nous ne disposons pas du recul nécessaire pour en mesurer l’impact réel sur l’entreprise », expose Olivier Desplats. La raison en est simple. Le socle de l’intéressement repose sur l'évolution de la marge brute globale (hors médicaments remboursables) à laquelle aura été retranchée l’évolution des frais de personnel. En un mot, le résultat redistribué aux salariés sera le fruit de leur productivité. Un critère d'autant plus difficile à appréhender que le modèle de l’officine s'oriente désormais vers une économie de services.
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