LA LOI médicament, définitivement adoptée à la fin de l’année 2011, est directement la conséquence de la crise du Mediator, qui avait éclaté un an plus tôt. Prenant l’affaire à bras-le-corps, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a demandé deux rapports à de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), remis en janvier et juin 2011, quatre rapports parlementaires (entre mars et juillet 2011) et organisé les Assises du médicament, dont la synthèse a été publiée en juin 2011. Le pharmacien est peu visé dans ces rapports, contrairement à l’industrie et aux autorités sanitaires. Ils mettent essentiellement en cause les défaillances de la pharmacovigilance et de l’AFSSAPS en général, ainsi que les conflits d’intérêts. Du fruit de ces cogitations, est née, le 1er août 2011, la loi votée le 19 décembre, visant à renforcer essentiellement le contrôle du médicament, et, dans une moindre mesure, celui du dispositif médical.
Quelles sont les conséquences de cette loi sur l’officine ? Olivier Lantrès, du Cabinet Field Fisher Waterhouse, a répondu à cette question lors du dernier congrès du groupe PHR. Selon ce spécialiste du droit pharmaceutique, six principales mesures vont impacter l’officine : la publicité des liens d’intérêt, leur rôle dans la pharmacovigilance, le renforcement de la dispensation en DCI, l’encadrement de la dispensation hors AMM, les garanties pour un approvisionnement continu, et l’élargissement d’accès au dossier pharmaceutique.
Publicité des liens d’intérêt : point phare de la loi, le texte, transposé du droit américain, exige des professionnels de santé de publier sur un site commun la totalité des liens d’intérêt entre les experts et les industriels de la santé. Le pharmacien est donc implicitement concerné par cette disposition, y compris pour les conventions passées avec les opérateurs de santé (laboratoires, dispositifs médicaux, cosmétiques…). Rien n’exclut notamment les conventions de coopération commerciale avec les génériqueurs et les avantages directs ou indirects, en espèce ou en nature, qui en découlent. Les avantages commerciaux devraient donc désormais être référencés sur le site.
Rôle dans la pharmacovigilance : tout effet indésirable doit désormais faire l’objet d’une déclaration, et non plus seulement les effets graves et inattendus. L’agence pourra décider l’interdiction de la délivrance de médicaments pour motifs de santé publique, limitée aux seuls lots de fabrication concernés, avec une exception pour les patients en cours de traitement. Cela signifie, en pratique, un accroissement de la charge de travail du pharmacien dans la gestion des effets indésirables.
Renforcement de la dispensation sous DCI : la prescription en DCI et l’utilisation de logiciels certifiés d’aide à la dispensation seront obligatoires d’ici à 2015. La délivrance générique sera de rigueur, sauf mention manuscrite contraire du prescripteur. Pour l’officine, ces dispositions vont renforcer la substitution et accroître le rôle de conseil des pharmaciens, qui devront s’équiper de logiciels certifiés.
Encadrement de la dispensation hors AMM : l’usage du hors AMM sera possible uniquement en cas de recommandation temporaire d’utilisation (RTU), sous la responsabilité du prescripteur. À défaut, le produit ne pourra pas être remboursé. Le prescripteur devra également mentionner « prescription hors autorisation de mise sur le marché » sur l’ordonnance. La responsabilité civile et pénale du pharmacien en cas de non-respect du bon usage pourrait être engagée en cas de dommage.
Garanties pour un approvisionnement continu : certains laboratoires pharmaceutiques ont parfois des difficultés de production industrielle ou pratiquent une politique de quotas et de contingentement afin de se prémunir contre les exportations parallèles. Or les grossistes-répartiteurs sont tenus à une obligation de service public d’approvisionnement et de continuité du marché. L’exploitant devra assurer une information sur tout risque de rupture de stock. En cas de défaillance, il encourt une sanction par la nouvelle agence du médicament, pouvant atteindre un million d’euros. Ces dispositions, avec quelques autres, devraient a priori permettre aux pharmaciens de rencontrer moins de difficultés dans l’approvisionnement.
Élargissement de l’accès au DP : l’accès au dossier pharmaceutique va s’élargir au ministre de la Santé, à l’agence du médicament, à l’Institut national de veille sanitaire (InVS), au pharmacien hospitalier et, à titre expérimental, aux médecins de certains établissements de santé. Cela pourrait entraîner un nouveau mode d’appréciation des pharmaciens d’officine et une opposition plus forte des patients informés à l’ouverture d’un DP.
Les premiers décrets de la loi, promulguée le 29 décembre dernier, devraient être publiés dans les prochaines semaines.
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