Le manque de recherche sur les pathologies de la muqueuse buccale et l’absence de recommandations conduisent les praticiens à faire des investigations nombreuses parfois infructueuses, souvent anxiogènes et générant nosophobie ou cancérophobie. Fréquemment rencontrées en pratique quotidienne, des lésions buccales, voire une douleur buccale isolée, évoquent le plus souvent des aphtoses ou des mycoses Mais beaucoup de diagnostics sont portés par excès et certaines formes doivent faire l'objet d'une consultation spécialisée.
« Les mycoses récidivantes réfractaires aux traitements antimycosiques doivent faire envisager une erreur diagnostique ou bien une authentique mycose pérennisée par des facteurs favorisants non contrôlés, constate le Pr Mathab Samimi. La prévention des aphtoses récidivantes ou les aphtes de grande taille, longs à cicatriser, nécessite des traitements par colchicine, ou le cas échéant par thalidomide. Ils doivent toutefois être réservés aux patients ayant des poussées fréquentes et invalidantes. Un essai thérapeutique français sera prochainement disponible, afin d’évaluer l’aprémilast chez les patients ayant une aphtose résistante à la colchicine. » Moins connues, d'autres pathologies posent des difficultés d’orientation diagnostique. Le manque de connaissances scientifiques et cliniques amène à prescrire des traitements inadaptés.
Des symptômes cliniques évocateurs
Toute plaie de la bouche qui ne cicatrise pas en un mois doit faire consulter. Un examen systématique de la bouche par les dentistes ou les praticiens doit être encouragé pour améliorer la prise en charge. Ainsi la langue géographique est une pathologie parfaitement bénigne, facile à identifier, qui se traduit par une dépapillation douloureuse et cyclique de la langue donnant un aspect typique de « carte géographique ». Les glossodynies se manifestent par des douleurs neuropathiques chroniques pour lesquelles les patients ont souvent subi de multiples examens (scanners, nasofibroscopie, fibroscopie gastrique, biopsie de glande salivaire, prélèvements locaux…) et reçu des traitements restés inefficaces. « Le tableau clinique est pourtant très caractéristique et le diagnostic assez facile, indique le praticien. Il s’agit d’une brûlure permanente de la pointe de la langue évoluant selon un rythme journalier très particulier avec une langue cliniquement normale. Un événement de vie traumatique dans les mois précédant l’apparition de ces douleurs est souvent retrouvé. Les cancers buccaux, posent le problème d’un diagnostic tardif en raison de leur caractère souvent indolent. Seulement un tiers d'entre eux est détexté à un stade localisé, alors qu’ils sont tout à fait accessibles à l’examen clinique. » Le lichen oral, un peu moins fréquemment observé, est une maladie inflammatoire chronique. Non traité et mal contrôlé, il peut se cancériser dans 1 % des cas. Des recommandations viennent d’être publiées par le GEMUB (voir encadré).
D’après une intervention du Pr Mathab Samimi aux Journées dermatologiques de Paris
2020.