Comme de nombreux marchés ces derniers mois, le rayon des bains de bouche n'a pas traversé les débuts de la crise sanitaire sans en supporter les conséquences… Pas forcément malheureuses, si l'on en croit Alice Benazra, chef de produits Fluocaril, Parogencyl et Regenerate chez U.Labs : « Pendant le confinement, l'hygiène bucco-dentaire s'est développée car il était plus compliqué d'aller chez le dentiste. Les consommateurs ont pallié cette difficulté en prenant particulièrement soin de leurs dents et de leur bouche. » Une autre conséquence, cette fois liée aux mesures de protection contre le Covid-19, résulte directement du port du masque. Confrontés à leur propre haleine, un certain nombre de personnes ont pu réaliser l'importance d'observer une bonne hygiène bucco-dentaire !
À cette prise de conscience, s'est ajouté le souci de protéger sa santé buccale par une routine renforcée dans l'objectif de retarder la consultation chez le dentiste. « Les bains de bouche constituent le second segment de l'hygiène bucco-dentaire en valeur, soit près d'un tiers du marché total. C'est aussi un secteur fortement valorisé qui est amené à croître si l'on considère les études portant sur les habitudes d'hygiène des consommateurs. »
Une perspective que les chiffres du marché global ne reflètent pas pour l'instant puisque les ventes de bains de bouche en pharmacies (30 millions d'unités pour 123 millions d'euros) accusaient une légère baisse de 2,6 % en volume et 1,5 % en valeur en un an au mois d'août dernier (IQVIA Pharmastat). La vente des formules cosmétiques est appelée à connaître une forte croissance dans les mois qui viennent. Bien que mineur en termes de parts, ce segment évoluerait à la hausse depuis quelque temps, une tendance que confirment deux constats, l'investissement de nombreuses marques d'hygiène bucco-dentaire dans ce secteur, d'une part, la croissance de ses ventes de 3,1 % en volume en CMA à août (IQVIA Pharmastat), d'autre part.
Évolution constante
Dans cette logique, les marques Fluocaril et Parogencyl, récemment rachetées à Procter & Gamble par Unilever, sont particulièrement actives : la première capitalise sur sa notoriété et son expertise en matière de prévention des caries – en première place au palmarès des maladies dentaires – pour mettre en avant son bain de bouche bi-fluoré 25 mg à l'effet antibactérien et prévenant la formation des caries. Un spray buccal pour adultes à l'effet fraîcheur vient le seconder. Parogencyl, pour sa part, reste centré sur la santé gingivale - au 2e rang des problématiques bucco-dentaires – avec un bain de bouche à l'action antibactérienne. Lancé cette année, il se destine à prévenir l'inflammation des gencives et la sensibilité dentaire. Une 3e marque, Regenerate, propose de réinventer l'expérience du bain de bouche en présentant Regenerate Expert, une formule moussante conditionnée en flacon pompe à presser en bouche. Sans dilution ni rinçage, la formule entend améliorer l'absorption du fluor par l'émail et se positionne ainsi sur le segment de la lutte contre l'érosion dentaire.
De nouveauté, il en est aussi question chez Pierre Fabre Oral Care qui a lancé en début d'année la gamme de bains de bouche à usage quotidien Eluday labellisée « Origine France Garantie ». Anciennement connue sous le nom d'Éludril Care, sa formule initiale, à visée antiplaque s'accompagne désormais de trois nouvelles références étudiées pour répondre à des besoins distincts du consommateur : Eluday Intense est conseillé à ceux qui souhaitent une fraîcheur forte en bouche ; Eluday Protect se destine à une action complète pour préserver l'émail des dents et protéger les gencives ; Eluday Blancheur entend prévenir la formation des colorations liées à la consommation de café, thé, tabac, grâce à sa technologie filmogène. « La fraîcheur est une des premières attentes des utilisateurs de bains de bouche car elle prolonge la sensation d'avoir une bouche propre après le nettoyage des dents, explique Jessica Souque, directrice marketing des marques Elgydium, Inava, Eluday et Arthrodont chez Pierre Fabre Oral Care. Arrivent ensuite la protection contre les caries et tous les problèmes de gencive résultant de la plaque dentaire. » Elle confirme l'évolution constante du segment des formules cosmétiques (+5 % à +8 % depuis plusieurs années) et précise la hausse de 11 % en valeur qu'il a connu au cours des huit derniers mois.
Bien d'autres gammes pourront bénéficier de cette tendance porteuse, comme Listerine chez Jonhson & Johnson Santé Beauté France, CB12 chez Mylan, Alodont Care (Fraîcheur, Protection gencives) et Alodont Protect (saignement occasionnel des gencives) chez Bouchara Recordati, bain de bouche Méridol Protection Gencives et solutions dentaires Elmex (Anti-caries, Junior, Protection Email Professional, Sensitive Professional) chez Colgate (Gaba), Gum (Activital, Aftaclear, Gingidex, Halicontrol, Hydral, Original White, Ortho, Sensivital) chez Sunstar, Buccotherm Bain de bouche chez PFOC, bains de bouche Sensodyne (sensibilité) et Parodontax (saignements) chez GSK…
Remboursables et non remboursables
Les bains de bouche antiseptiques (chlorhexidine, hexétidine…), pour leur part, ne suivent pas la tendance des formules cosmétiques. Largement majoritaires sur le marché qu'ils occupent, à hauteur de 85 % en volume et 80 % en valeur, ils ont connu une baisse de 3,3 % de leurs ventes en volume durant les douze derniers mois (CMA à août 2020, IQVIA Pharmastat). Une situation qui résulte du confinement selon Jessica Souque. « Il s'est produit un effondrement des ventes de bains de bouche remboursables, moins 10 % en valeur sur les huit premiers mois de l'année, sous l'effet d'un arrêt total des prescriptions puisque les dentistes avaient fermé leurs cabinets. » Le levier principal de la vente des formules remboursables étant la prescription médicale, ce segment a été lourdement affecté au début de la crise sanitaire. « Depuis la fin du déconfinement, on assiste à un redémarrage en force dans ce secteur », nuance la directrice marketing, en soulignant les bons résultats de la référence Eludril Pério, bain de bouche sans alcool à la chlorhexidine qui coexiste avec Eludril Gé, également remboursable.
Le segment des bains de bouche traitants non remboursables aurait, en revanche, profité de la période de confinement car les produits hors prescription sont devenus des solutions de secours dans beaucoup de problèmes bucco-dentaires. « En cumul fixe à août, les bains de bouche traitants non remboursables comme Eludril Pro (+22 %) ont gagné 11 % en valeur. » Si, pendant le confinement, de nombreuses personnes se sont aussi tournées vers les bains de bouche antiseptiques pour se protéger du virus, tous les produits antibactériens – soin des plaies, désinfectants ménagers – ont été plebiscités. Mais il faut rappeler qu'il existe un cadre défini pour l'utilisation des bains de bouche avec AMM qui sont préconisés dans le traitement d'appoint des affections ou infections de la bouche (gingivite, parodontite…), après une opération des dents ou des gencives, ainsi qu'en cas de petites lésions de la muqueuse. Une ou plusieurs indications que partagent la plupart des formules du segment comme Paroex (Laboratoire Centre Spécialités Pharmaceutiques), Hextril (JJSBF), Alodont (Bouchara Recordati), Prexidine (Xo) (...) qui coexistent avec de nombreuses solutions génériques à l'hexétidine ou la chlorhexidine (Mylan, Biogaran, Sandoz, Arrow, EG, Teva…). Dentex (Colgate), pour sa part, est un bain de bouche à l'action oxygénante antiseptique qui cible les irritations mineures de la muqueuse et des gencives.