Tout commence à la fin du XIXe siècle, a rappelé en introduction Alain Philippon (membre émérite de l’Académie vétérinaire de France, ancien chef de laboratoire à l’Institut Pasteur). Albert Calmette, médecin colonial ayant fondé le premier Institut Pasteur d’outre-mer à Saïgon (Indochine), est sensibilisé aux ravages causés par la tuberculose. De retour à Paris, il se voit confier par Louis Pasteur la mission de créer un nouvel Institut Pasteur, à Lille. Au sein de cet établissement, il décide d’essayer de mettre au point un vaccin contre la tuberculose et recrute, pour le seconder, un vétérinaire, Camille Guérin.
Un premier vaccin testé en 1902
De fait, un premier vaccin, dénommé « Bocco vaccin » est testé en 1902. Vaccin vivant atténué constitué de Mycobacterium bovis, et administré par voie intraveineuse, celui-ci induit une protection faible et de courte durée. De plus, les germes s’éliminent par le lait et les selles. Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier.
Après avoir surmonté de nombreuses difficultés techniques, les deux chercheurs finissent par obtenir une souche atténuée de Mycobacterium bovis par cultures successives sur des tranches de pomme de terre glycérinées. Au 30e passage, la bactérie est devenue avirulente et génère une immunité sur diverses espèces animales : veau, cobaye, souris, bœuf, cheval, singe. Le bacille de Calmette et Guérin (BCG) est né.
Par précaution, Calmette et Guérin poursuivirent le processus d’atténuation jusqu’au 231e passage (soit plus de 13 ans de culture, car la croissance des mycobactéries est très lente) avant de vacciner l’espèce humaine.
La première vaccination avec le BCG a lieu le 1er juillet 1921 au bénéfice d’un nouveau-né, né d’une mère décédée en couche de la tuberculose. Le succès est au rendez-vous.
Le premier congrès mondial sur la tuberculose se tiendra à Paris en 1948 sous la présidence de Camille Guérin (Albert Calmette ayant disparu en 1933).
Le BCG en 2022
Preuve que l’intérêt ne faiblit pas, on comptabilisait au 30 janvier 2022 plus de 22 500 publications concernant le BCG (dont plus de 150 dès décembre 2020 sur BCG et Covid-19). Les grandes campagnes de vaccinations coordonnées dans les années soixante-dix par l’OMS et l’UNICEF ont démontré sans ambiguïté l’efficacité préventive du BCG chez le nouveau-né (mais hélas beaucoup moins chez l’adulte)… et aussi contre diverses infections virales ; sans doute en rapport avec la capacité du BCG à stimuler l’immunité cellulaire.
Le BCG a donné lieu à de très nombreux travaux dans d’autres infections à mycobactéries, comme la lèpre ou l’ulcère de Buruli (1), des maladies parasitaires, comme la maladie de Chagas et la babésiose (2). Dans un autre ordre d’idées, le BCG a été à l’origine de l’immunothérapie des cancers, dans le cancer de la vessie et le mélanome malin.
De manière surprenante, des recherches menées en Australie conduisent à penser que le BCG pourrait jouer un rôle préventif dans l’asthme et certains eczémas, tandis que l’informatisation des dossiers hospitaliers en France depuis les années quatre-vingt-dix a permis de dégager d’intéressantes corrélations entre la vaccination par le BCG et une protection contre la survenue d’une maladie d’Alzheimer.
Vers de nouveaux vaccins
Des mesures précises, aujourd’hui possibles, de l’immunogénicité des différentes souches de BCG utilisées dans le monde permettent de mieux comprendre les discordances observées vis-à-vis de leur pouvoir immunostimulant, tandis que les progrès de la génomique ouvrent sur la perspective de vaccins plus efficaces de nouvelles générations dont plusieurs candidats sont d’ores et déjà à des stades de développement plus ou moins avancés. Citons, par exemple, un vaccin de type M. bovis développé par le Max Planck Institute allemand, des vaccins subunitaires, un vaccin recombinant et un autre type de vaccin mettant à profit M. marinum, une mycobactérie à croissance rapide à l’origine du granulome des aquariums.
Une nécessité, quand on pense que la tuberculose demeure un problème de santé publique prégnant au niveau mondial avec un nombre de décès estimé en 2021 à 1,5 million.
1) Causé par Mycobacterium ulcerans, l’ulcère de Buruli (considéré par l’OMS comme une maladie tropicale négligée) sévit dans 33 pays (Afrique de l’Ouest, Amérique, Asie, Pacifique occidental) et entraîne des lésions cutanées importantes et irréversibles.
2) Maladie infectieuse causée par un protozoaire du genre Babesia. Elle se caractérise par une maladie fébrile, une anémie hémolytique, et des manifestations variant d'une infection asymptomatique à une maladie fulminante pouvant être fatale.
D'après une séance quadri académique du 15 décembre 2022