Tout tourne autour de la proposition de loi Sécurité globale dont l'article 24 aurait été rédigé au mépris de la Constitution. Les événements de la rue s'imprimant aussitôt sur les consciences, le grave incident au cours duquel un producteur de musique, Michel Zecler, a été tabassé par quatre policiers déchaînés, rend le projet éminemment suspect : on accuse le pouvoir d'introduire des règles anti-démocratiques dans le texte et de songer davantage à protéger les forces de l'ordre que les civils les plus pacifiques.
Là-dessus, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, défenseur ardent de la police, prononce sur les ondes son premier réquisitoire contre cet abus de pouvoir. Mais ne voilà-t-il pas que son prédécesseur, et pas nécessairement son meilleur ami, Christophe Castaner, actuellement chef de la majorité à l'Assemblée nationale, le critique publiquement, ouvrant de la sorte une querelle intestine qui nuit à la cohésion de la République en marche (REM). Du brouhaha et de l'émotion naît la conviction générale que, décidément, l'article 24 doit être réécrit, tandis que des voix s'élèvent, surtout à l'extrème-gauche, pour le supprimer et supprimer la loi tout bonnement.
Tout va s'arranger : la REM est prête, munie d'une argumentation serrée, mais surtout conforme aux prescriptions constitutionnelles, à réviser la proposition de loi. Que nenni, répond de sa voix forte Gérard Larcher, président du Sénat. Le texte a été adopté en première lecture par l'Assemblée, il appartient donc au Sénat de le changer et de le renvoyer à la chambre basse. On ne niera pas la logique de sa démonstration, on se contentera de juger excessives les accusations d'anti-constitutionnalisme proférées contre la majorité.
Un moment de panique
Il y a eu certainement un moment de panique à l'Élysée, surtout lorsqu'on a appris qu'Emmanuel Macron avait tancé vertement ses troupes et, principalement ses députés ; l'exécutif, dès lors, n'a pas eu d'autre objectif que de passer à un autre sujet. Il en existait heureusement un autre, le projet de loi sur le séparatisme, transformé en « projet confortant les principes républicains », 57 articles, donc du grain à moudre. On s'acheminait vers une issue, même si le nouveau sujet contenait beaucoup d'obstacles à franchir car, entretemps, le gouvernement a décidé de fermer 76 lieux de culte musulman, démontrant ainsi qu'il a plus le courage de faire que de dire. M. Macron avait l'intention de s'exprimer sur un média destiné aux jeunes, le 3 décembre, il a annulé cette prestation pour évoquer, le même jour, la mort de l'ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, auquel il a été souvent comparé.
Ouf ! Est-on sorti de l'ornière, la nuit des longs couteaux est-elle terminée ? Non, elle laissera des traces, surtout à cause du comportement parfois enfantin des élus de la majorité et de la conviction affichée des oppositions que les gens de la REM, législatif et exécutif confondus, sont des amateurs. Et que le Premier ministre, Jean Castex, est dépourvu de toute autorité, qu'il ne contrôle pas ses troupes, et qu'il risque de se transformer en boulet attaché au pied de Macron. C'est, bien sûr, aller vite en besogne, mais cette séquence montre que la REM, ou ce qu'il en reste, n'a pas besoin d'être poussée vers l'abîme, qu'elle y va joyeusement et avec inconscience.
Le plus terrible, c'est que la France a à la fois besoin d'ordre et besoin de se protéger contre le terrorisme islamiste. Et que, au lieu d'engager dans le calme les textes qui lui procureront à la fois la sérénité du peuple et la sévérité contre les atteintes au droit, on y va dans l'incohérence absolue. Vous avez dit amateurisme ? Vous n'avez pas tort.