Terre de naissance pour nombre d’explorateurs et d’aventuriers, la Bretagne compte également quelques pharmacies à l’esprit pionnier. Cinquante d’entre elles expérimentent actuellement un nouveau parcours de soins qui pourrait, à l’avenir, optimiser le rôle du pharmacien en tant que professionnel de santé. Mais là n’est pas son objectif premier.
Le projet Osys (Orientation système de soins) vise à réduire le nombre de consultations médicales et de passages non appropriés dans les services d’urgence dans treize situations cliniques que l’officine peut prendre en charge directement : rhinite, douleur pharyngée, douleur lombaire, diarrhée, vulvo-vaginite, céphalée, constipation, douleur mictionnelle, conjonctivite, piqûre de tique, plaie simple, brûlure au 1er degré, dyspepsie fonctionnelle. Face à ces symptômes, le pharmacien a trois possibilités d’action. Il peut répondre aux besoins du patient en lui dispensant un traitement OTC, il peut l’orienter vers une consultation médicale ou l’adresser à un service d’urgence. L’expérimentation, amorcée en juillet dernier, montre que les 3/4 des patients qui relèvent du dispositif sont pris en charge à l’officine.
Vers un parcours modèle ?
Dans sa démarche, le pharmacien est guidé par un arbre décisionnel validé, dispose d’une interface informatique dédiée au suivi des patients et d’un support de communication afin d’informer le public qu’il peut agir en premier recours dans 13 cas de petits maux quotidiens. « Après une journée de formation en duo avec un médecin, il peut détecter rapidement une situation à risque et, le cas échéant, y répondre, parfois en effectuant certains gestes de premiers secours comme retirer une tique de la peau par exemple », explique Martine Costedoat, fondatrice de l’association Pharma Système Qualité à l’initiative du projet Osys. La structure, dont la vocation est d’accompagner les pharmacies vers la certification qualité, a vu sa proposition sélectionnée par l’ARS de Bretagne lors d’un appel à projets voué à promouvoir les innovations du domaine de la santé (article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018). Une centaine de programmes ont ainsi été distingués dont huit, seulement, ont l’officine pour cadre.
Le dispositif Osys, pour sa part, s’avère prometteur selon un premier bilan chiffré. Un peu plus de 400 patients ont suivi son parcours à ce jour, dont 25 % seulement ont nécessité une consultation médicale. 99 % des personnes prises en charge par le pharmacien ont été satisfaites. « L’objectif est d’atteindre 7 500 triages à la fin de l’expérience », indique Martine Costedoat. Un seuil ambitieux si l’on considère le nombre de cas orientés à ce jour. « Les suites de la crise sanitaire ne nous ont pas permis de consacrer tout le temps nécessaire au protocole de triage », remarque Frédéric Delange, titulaire de la pharmacie de l’île de Groix participant à l’expérience. « Entre l’accueil du patient, son orientation et le soin de premier recours à effectuer si nécessaire, il faut compter entre 5 et 10 minutes, sans oublier les rappels à effectuer dans le cadre du suivi de la personne. » Un parcours que le pharmacien peut conduire plus sereinement aujourd’hui. « Le dispositif est bien en place à présent. Il va permettre de travailler beaucoup plus en lien avec le médecin en effectuant un tri des patients avant de les lui adresser accompagnés d’une fiche présentant le compte rendu synthétique de l'entretien réalisé à l’officine. » Pour Clément Beurel, cotitulaire de la pharmacie de la Cité, à Moncontour, l’intérêt du protocole est double : « Pouvoir prendre en charge un patient qui n’a pas accès au médecin et lui apporter une réponse, d’une part ; sécuriser la pratique habituelle comme les choix d’orientation que l’on est amené à faire grâce à l’arbre décisionnel qui balise le parcours, d’autre part. »
Fixée à 15 euros dans le cadre du projet Osys, l’indemnisation de chaque triage pourrait évoluer si une généralisation du système est décidée à la fin de l’expérimentation qui devrait se tenir à l’issue de la 2e phase, fin 2023. L’efficacité du parcours Osys en matière de prise en charge des petits maux et d’orientation du patient pourra alors être évaluée. L’expérience devrait aussi souligner le rôle du pharmacien comme une des portes d’entrée de l’offre de soins primaires et montrer l’intérêt d’une coopération interprofessionnelle pharmacien/médecin renforcée. S’il est validé, le dispositif d’orientation, soutenu par les URPS* et le CROP**, pourrait servir de modèle et être reproduit à l’échelle nationale.
* Union régionale des professionnels de santé pharmaciens de Bretagne, Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Bretagne.
** Conseil régional de l’Ordre de pharmaciens.