C'est l'histoire d'un précurseur qui est évoquée ici. Un médicament, seul représentant de sa classe thérapeutique, qui va demeurer unique sur son marché et, dans le même temps, initier tout un champ des compléments nutritionnels. Son principe actif, la mélatonine, aura, il est vrai, suscité bien des attentes dans une population souffrant de troubles du sommeil…
C'est Israël et la ville de Tel-Aviv qui servent de berceau à la formule thérapeutique. En son sein, le laboratoire Neurim, fondé par les sœurs Zisapel – Nava et Yehuda, se penche sur la problématique du sommeil et de sa qualité. Au début des années 1990, l'entité se base sur plusieurs mécanismes physiologiques pour émettre une hypothèse : durant la nuit se produit une modulation de la sécrétion hormonale ; un neurotransmetteur capable de réguler le sommeil est alors libéré dans le cerveau. La possibilité d'une hormone pouvant agir sur la neurosécrétion en phase nocturne est dès lors supposée. Or, il existe une corrélation entre une baisse de la production de mélatonine et les troubles du sommeil dans la population des personnes de plus de 55 ans. L'apport de mélatonine en vue de rétablir la qualité du sommeil et restaurer le rythme circadien apparaît, sous cet angle, comme la réponse au problème. C'est en tout cas celle qu'avancera la formule de Circadin dosée à 2 mg de mélatonine par comprimé. Hormone essentiellement sécrétée pendant la nuit, la mélatonine a en effet pour principale fonction de synchroniser les rythmes biologiques induits par l'alternance jour/nuit. Elle participe également à leur contrôle ainsi qu'à celui de la température corporelle facilitant l'endormissement et le maintien du sommeil.
En 1995, l'hypothèse d'une amélioration de la qualité du sommeil des personnes âgées par un apport contrôlé de l'hormone sera confirmée lors d'une publication dans la revue The Lancet. Circadin peut alors faire son entrée sur le marché sous un statut de médicament.
Traiter la cause
La formule, dont le nom est une référence directe à la succession jour/nuit du rythme circadien, est indiquée en tant que traitement à court terme en monothérapie de l’insomnie primaire caractérisée par un sommeil de mauvaise qualité chez des patients de 55 ans ou plus. La prévalence de l'insomnie est en effet élevée chez les personnes âgées. Les sujets de plus de 65 ans ont ainsi deux fois plus de risques de voir leur sommeil s'interrompre que ceux âgés de moins de 45 ans. Au total, si 42 % des personnes âgées sont touchées par un trouble du sommeil, plus d'un tiers d'entre elles souffrent d'insomnie. L'existence d'une telle problématique chez une forte proportion de cette population peut toutefois s'expliquer. La mélatonine est une neurohormone physiologique produite par la glande pinéale. Sa sécrétion suit un rythme circadien qui commence en fin de soirée, atteint un maximum entre 2 heures et 4 heures du matin puis diminue en 2e moitié de nuit. Avec le temps, la glande pinéale se calcifie, entraînant de ce fait une diminution progressive de production de mélatonine endogène. À partir de 55 ans, cette diminution importante de l'hormone endogène est corrélée à une prévalence de plus en plus élevée de l’insomnie.
Circadin se présente donc comme le moyen de pallier la baisse de sécrétion hormonale. Mais là n'est pas son seul atout puisque la formule assure une libération lente de mélatonine pendant 8 à 10 heures, agissant ainsi au plus près du profil physiologique naturel. Ce mode de libération prolongée du principe actif permet d'apporter à l'individu la concentration optimale de mélatonine tout au long de la nuit. Les bénéfices pour le patient sont multiples : réduction de la latence d'endormissement, limitation considérable des réveils nocturnes, amélioration de la qualité du sommeil et respect de son architecture physiologique, régulation du rythme circadien… Les patients se réveillent plus facilement le matin et peuvent pleinement et avec énergie profiter de leurs journées. Sans dépendance, sans accoutumance, dénué de l'effet rebond que les autres traitements peuvent provoquer, le médicament à base de mélatonine se présente comme une puissante alternative aux hypnotiques. Quand les benzodiazépines et apparentés traitent les symptômes, non sans engendrer de lourds effets indésirables - comme la somnolence diurne qui comporte un risque d’accidents lors de la conduite de véhicules, l’amnésie antérograde ou le risque de chutes si le patient se lève la nuit, Circadin entend traiter la cause de l’insomnie avec un profil de tolérance très favorable.
Les enfants aussi
Il faudra attendre 2007 pour que la formule obtienne son AMM européenne. Circadin fait alors une entrée remarquée sur le marché français où il se présente sous la bannière du laboratoire Lundbeck. Cinq ans plus tard, le premier traitement à base de mélatonine intègre l'offre Biocodex. Médicament de prescription (liste II) non remboursé, il aura cependant été utilisé en France, dans un autre cadre que celui de son indication, bien avant que l'Union Européenne n'ait approuvé sa commercialisation. En effet, dès novembre 1998, Circadin est mis à disposition des enfants souffrant de troubles du rythme veille sommeil (TRVS) dans le cadre d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) nominative. À partir du mois d'avril 2008, le médicament sera commercialisé dans le cadre de son AMM « en monothérapie, pour le traitement à court terme de l’insomnie primaire caractérisée par un sommeil de mauvaise qualité chez des patients de 55 ans ou plus ».
Puis, de 2011 à 2014, une prise en charge à titre dérogatoire, suite à l’ATU, sera mise en place à hauteur de 500 euros par patient et par an. En 2015, une Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU) - remplaçant l'ATU - est instaurée par l’ANSM pour une durée de 3 ans avant d'être prolongée en 2018. Ce statut spécifique est décrété par les autorités de santé quand il existe un besoin thérapeutique non couvert et quand le rapport bénéfice/risque du médicament est présumé favorable comme c'est le cas pour Circadin. La prise en charge du traitement accordée dans le cadre de la RTU équivaut à un forfait annuel de 800 euros par patient. Il est alors indiqué dans le traitement des troubles du rythme veille sommeil liés à un syndrome de Smith-Magenis, un syndrome de Rett, un syndrome d’Angelman, une sclérose tubéreuse ou à des troubles du spectre autistique chez l’enfant de 6 à 18 ans.
L'éventail des possibilités de Circadin ne tardera pas à inspirer au laboratoire Biocodex une autre formule à libération prolongée de mélatonine. Mais cette fois, c'est une forme exclusivement pédiatrique qui sera développée. Commercialisé en avril 2020 sous le nom de Slenyto, le médicament est indiqué dans le traitement de l’insomnie chez les enfants et les adolescents de 2 à 18 ans présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et/ou un syndrome de Smith-Magenis, lorsque les mesures d’hygiène du sommeil ont été insuffisantes.
Riche en propriétés, multiple par ses applications, la mélatonine, hormone de la nuit par excellence, révélera-t-elle d'autres talents à l'avenir ? Dans la formule de Circadin, elle aura en tout cas convaincu, outre les prescripteurs et patients utilisateurs, deux sociétés savantes : La Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil ainsi que l'Association Britannique de Psychopharmacologie. La première, dans ses recommandations 2019, conseillait de privilégier la forme à libération prolongée - approuvée par l'EMA - avec Circadin chez les sujets de plus de 55 ans ; la seconde décrétait que dans la même tranche d'âge, « quand un hypnotique est indiqué (…), la mélatonine à libération prolongée devait être essayée en premier ».