« Tu vois ta collection ? Eh bien, c'est toi ! » lui dit un jour le collectionneur Antoine de Galbert, originaire de Grenoble comme elle, alors qu'elle l'invite à arpenter les différents espaces de sa grande demeure de Seyssins en bordure de la ville alpine. C'est à l’intérieur de ce domaine verdoyant qu'elle a aussi fait construire une architecture noire comme les schistes lustrés des pics montagneux, conçue par l’architecte réputée Odile Decq, afin d’y accueillir en résidence des artistes contemporains qu’elle souhaite soutenir et promouvoir : « J'ai eu envie de créer un lieu pour aller plus loin que la collection et tisser un relationnel avec les artistes », explique-t-elle. Depuis 5 ans, la Résidence Saint-Ange (gérée par un fonds de dotation) a accueilli 9 artistes dans son écrin inspirant.
Si son goût et son initiative sont aujourd'hui reconnus, elle est pourtant venue tard à l'art, par hasard, après trois tranches de vie très différentes qui soulignent chacune un penchant pour l'entreprenariat : « C’est mon histoire à chaque fois, mes choix de vie et c’est pareil pour ma collection. » Ces derniers mots se posent sous un regard aussi perçant que les givres bleutés de sa région.
Après des études de pharmacie à Grenoble, Colette Tornier monte en 1972 sa propre officine qu’elle tient pendant 10 ans dans un village proche de Grenoble, avant de la revendre pour créer une société de matériel médical pour des soins à domicile qu’elle tient aussi pendant 10 ans : « J’ai étendu cette activité à la Drôme, la Savoie et jusqu’à Gap car à l’époque c’était un secteur assez nouveau en plein développement », précise-t-elle. Puis, elle vire de cap, lance des boutiques de décoration jusqu’au jour où elle est séduite par une œuvre du peintre espagnol Juan Ripolles découverte chez un ami. Tout a commencé là. Elle va en Espagne, prend des cours d’art à Drouot, fréquente le milieu des collectionneurs, achète beaucoup.
Elle vient d’acquérir la millième œuvre de sa collection personnelle qui compte de grands noms : Noël Dolla, Dewar & Gicquel, Gilles Barbier, Vera Molnar… Récemment, une grande ligne discontinue du sculpteur Bernard Venet a rejoint les 80 œuvres de son vaste parc, dont une cabane dans les arbres qu’elle a fait faire pour ses petits-enfants par l’artiste italien Loris Cecchini. « Je suis attirée par une œuvre et ensuite j’essaye d’en savoir plus. » Des coups de foudre, comme la voiture explosée de Stéphane Pencréac’h : « Elle était exposée devant la boutique Chanel à Paris et j’ai tout de suite eu envie de l’avoir. » De cet artiste, elle a aussi une nature morte en bronze qu’elle a accrochée sur le mur extérieur de sa maison et qui aurait pu parfaitement s’intégrer au décor des anciennes officines. « En 10 ans, je n’ai jamais rien revendu. Il y en a partout chez moi, je vis avec », confie-t-elle avec le sourire, alors qu’elle a reçu le Tout-Paris pour une dizaine de jours dans la galerie 24Beaubourg avant de retourner au milieu de ses montagnes.
L’exposition « La Résidence Saint-Ange 2015-2020 » s’est tenue du 15 au 24 octobre dernier au 24Beaubourg à Paris. Plus d’informations : residencesaintange.com