Cette semaine, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) n'a eu de cesse de rappeler sa position. « Pour l'instant, nous ne souhaitons pas voir une utilisation généralisée des doses de rappel pour les personnes en bonne santé qui sont entièrement vaccinées », a réaffirmé son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, pointant les faibles couvertures vaccinales en Afrique et les inégalités d'accès aux vaccins. « Ce n'est pas que les pays africains n'ont pas la capacité ou l'expérience de déployer des vaccins, c'est qu'ils ont été laissés pour compte par le reste du monde », dénonce-t-il.
Un intérêt à démontrer
Des experts internationaux - dont des membres de l'OMS - ont par ailleurs publié leur point de vue dans le « Lancet ». Selon eux, les données actuelles ne permettent pas de se prononcer en faveur d'une dose de rappel dans la population générale. En phase avec l'OMS, ils estiment qu'il y a davantage urgence à vacciner les populations non vaccinées à travers le monde.
S'appuyant sur les données des essais cliniques et les études observationnelles, ces experts ont rappelé l'efficacité des vaccins contre les formes sévères de Covid, y compris avec le variant Delta. « Par conséquent, les données actuelles ne semblent pas indiquer la nécessité d’un "boost" dans la population générale, chez laquelle l’efficacité contre les maladies graves reste élevée », estiment-ils. Et de préciser que la diminution du titre d'anticorps neutralisants n'est pas nécessairement prédictive d'une diminution de l'efficacité des vaccins au fil du temps. « Cet effet pourrait s’expliquer par le fait que la protection contre les maladies graves est assurée non seulement par des réponses en anticorps, qui peuvent être de courte durée pour certains vaccins, mais aussi par des réponses "mémoire" et l’immunité à médiation cellulaire, qui ont généralement une durée de vie plus longue », explicitent-ils.
De fait, les experts considèrent qu'il est essentiel de démontrer l'éventuel intérêt d'une dose de rappel avant de déployer sa mise en œuvre. « Le message selon lequel un rappel pourrait s’avérer nécessaire prochainement, s’il n’est pas justifié par des données et des analyses solides, pourrait nuire à la confiance dans les vaccins et saper les messages sur l'intérêt de la primo-vaccination », craignent-ils.
D'autant plus qu'une dose de rappel n'est pas anodine. « Il pourrait y avoir des risques si les rappels sont introduits à grande échelle trop tôt ou trop souvent, en particulier avec les vaccins qui peuvent avoir des effets secondaires d’origine immunologique (comme la myocardite, qui est plus fréquente après la seconde dose de certains vaccins ARNm ou le syndrome de Guillain-Barré, qui a été associé aux vaccins à adénovirus), soulignent-ils. Si un rappel inutile provoque des effets indésirables importants, il pourrait y avoir des répercussions sur l’acceptation de la vaccination, au-delà des vaccins Covid ».
Les experts plaident ainsi en faveur de la vaccination en priorité des populations non encore vaccinées : « Même s’il s’avérait que le rappel diminuait le risque de maladie grave à moyen terme, les stocks actuels de vaccins pourraient sauver plus de vies s’ils étaient utilisés chez des populations non vaccinées auparavant que s’ils étaient utilisés comme rappel chez des populations vaccinées. » Pour eux, si les vaccins étaient mieux déployés dans des populations majoritairement non vaccinées, ils pourraient davantage contribuer à en finir avec la pandémie en inhibant l’évolution des variants.
Les experts du « Lancet » considèrent par ailleurs que « l'efficacité de la vaccination de rappel contre les variants en circulation pourrait être plus grande et durer plus longtemps si l’antigène du vaccin de rappel était conçu pour correspondre spécifiquement à ces variants », comme c'est le cas pour la grippe.
L'expérience israélienne en faveur du rappel
À travers une publication dans le « New England Journal of Medicine », l'expérience israélienne apporte de nouveaux éléments. Depuis fin juillet, une troisième dose du vaccin de Pfizer-BioNTech est possible pour toutes les personnes de 60 ans ou plus qui ont reçu une deuxième dose de vaccin au moins cinq mois plus tôt. Selon des résultats portant sur la période du 30 juillet au 31 août 2021, incluant 1 137 804 personnes, le taux d'infection Covid confirmée était plus faible d'un facteur 11,3 dans le groupe ayant reçu un rappel par rapport à celui n'en ayant pas reçu. De plus, le taux de forme sévère était inférieur d'un facteur 19,5.
Quant au vaccin de Moderna, une étude parue dans « Nature Medicine » présente les données intermédiaires d'un essai de phase 2a évaluant l'intérêt et la sécurité d'une troisième dose avec le vaccin (le vaccin initial ARN-1273 ou bien une forme adaptée aux variants). L'analyse montre que le rappel a entraîné une augmentation des titres d'anticorps neutralisants contre différents variants (y compris le Delta), quel que soit le vaccin utilisé.
À ce stade en France, une troisième dose est recommandée depuis plusieurs mois chez les personnes immunodéprimées, et une campagne de rappel a commencé le 13 septembre chez les personnes de 65 ans et plus et toutes les personnes présentant des comorbidités, avec une administration après un délai de six mois après la deuxième dose. Au-delà de ces indications bien précises, la Haute Autorité de santé ne recommande pas dans son avis du 24 août d'étendre cette campagne à la population générale.