Semaine après semaine, la France réalise toujours plus de tests de dépistage du Covid-19. Un peu plus de 200 000 tests PCR en juin, près de 500 000 en juillet et enfin plus d'un million début septembre… L’objectif annoncé par le gouvernement a finalement été atteint. « Ce nombre d'un million n'est pas un totem, c'est juste le reflet de notre capacité effective à tester », déclarait fin août Olivier Véran au lendemain d'un entretien avec des représentants des laboratoires de biologie médicale. S'il ne niait pas alors l'existence de quelques difficultés quant à l'accès à ces tests, le ministre de la Santé se félicitait alors que les délais pour recevoir les résultats soient « inférieurs à 36 heures dans 80 % des cas ».
Une déclaration qui suscite au mieux quelques interrogations lorsqu'on observe les files d'attente interminables de patients attendant parfois plus de 4 heures pour être dépistés ou lorsque l'on entend des témoignages d'autres personnes qui auront su qu'elles étaient positives au Covid-19 une semaine après leur test. Une lenteur plus que préjudiciable si l'on veut réussir à briser les chaînes de transmission. Comment faire pour réduire ces délais ? La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), des épidémiologistes, l'Académie de médecine ou encore le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM), pour ne citer qu'eux, ont récemment appelé à en prioriser l'accès aux patients qui en ont le plus besoin. Quitte à tester moins mais mieux. « Il serait plus utile de tester 500 000 personnes correctement au vu des moyens que l'on a, plutôt que faire du chiffre pour faire du chiffre », déclarait ainsi le président du SJBM, Lionel Barrand, dans les colonnes de « Marianne ».
Prioriser l'accès au dépistage
Conscient que de nombreux laboratoires ont de plus en plus de mal à tenir la cadence, Olivier Véran a affirmé que l’accès aux tests du Covid-19 allait s’améliorer d’ici « deux à trois semaines ». Ardemment demandée par certains, la priorisation, qui pourrait limiter les temps d'attente pour les cas les plus urgents, a dans les faits déjà débuté. Pour « fluidifier l'accès au dépistage », les ARS proposent depuis le 4 septembre de compléter en ligne le questionnaire demandé par les laboratoires. Trois niveaux de priorité ont été définis par le ministère de la Santé. Ainsi, « une personne présentant des symptômes du Covid-19, une personne contact ou tout individu ayant fréquenté un lieu où le virus circule activement, doit bénéficier d’un examen dans les 24 heures et obtenir les résultats dans les 24 heures suivantes ». En revanche, un dépistage pour « convenance personnelle, incitation de l'employeur, ou retour dans un pays nécessitant la réalisation d'un test n’est pas prioritaire et le rendu des résultats sera fonction de la capacité du laboratoire ».
Un ajustement qu'observe déjà François Blanchecotte, président du Syndicat national des biologistes. « Ceux qui veulent être testés uniquement parce qu'ils ont besoin d'être rassurés, environ 1 personne sur 4 selon mon estimation, sont incités à le faire hors laboratoire, notamment dans des sites municipaux », précise-t-il. Selon lui, la priorisation ne sera toutefois pas le seul moyen de raccourcir les délais d'attente. « Cela passe aussi par une bonne gestion des commandes de matériel, notamment les machines. Sans doute, les biologistes n'ont pas tous suffisamment investi, mais je pense, à l'image d'Olivier Véran, que la situation va s'améliorer d'ici à la fin septembre. » François Blanchecotte attend aussi de voir quel rôle joueront les tests salivaires. Les résultats d'expérimentations, menées pour s'assurer de leur fiabilité, devraient être dévoilés très prochainement. Des tests rapides antigéniques, reposant sur un prélèvement nasopharyngé mais capable de donner un résultat en moins de 15 minutes, sont également utilisés depuis cette semaine par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a annoncé Olivier Véran. À terme, ils pourraient être déployés dans d'autres lieux, comme les aéroports, pour repérer plus vite les personnes positives.
Après le TROD, quel rôle pour le pharmacien ?
L'un des outils de l'arsenal mis en place dans la stratégie globale de dépistage du Covid, le TROD Covid-19, que les officinaux peuvent vendre depuis juillet, n'a en revanche pas encore décollé. Aucun chiffre précis n'existe à ce jour au sujet du nombre de TROD Covid vendus en pharmacie depuis le début de l'été. Néanmoins, et comme l'OCP a pu le confirmer, leur usage en officine semble loin d'être généralisé. Selon un sondage en ligne sur le site Internet du « Quotidien », deux tiers des pharmaciens interrogés estiment que l'arrivée des TROD Covid au comptoir n'était pas une bonne idée. « Le TROD Covid sert surtout à satisfaire la curiosité du cobaye, qui espère à terme relâcher sa vigilance s'il est positif, s'estimant ainsi immunisé », déplore un pharmacien. À l’inverse, une consœur témoigne en avoir réalisé « une cinquantaine, dont 4 positifs. Les patients sont contents de ce service. Nous leur expliquons bien la différence entre le TROD-Covid qui teste les anticorps et le PCR qui recherche le virus avant de faire le test, certains le font, d'autres sont dirigés vers un laboratoire pour un PCR en fonction de leur demande et bien sûr s'ils présentent des signes de la maladie. Ce test serait encore plus utile si chaque pharmacie pouvait remonter ses résultats de façon simple et anonymisés, mais donnant le sexe, l'âge et éventuellement les pathologies du patient (comorbidité) sur une plateforme nationale qui pourrait s'en servir sur un plan épidémiologique ».
Alors que l'épidémie ne faiblit pas, bien au contraire, les Français sont de toute façon bien plus demandeurs en tests PCR. Si les officinaux ont bien toute leur place dans la stratégie de dépistage, ce serait plutôt par le biais d'autres moyens que par le seul TROD Covid-19, estime Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Le conseil pharmaceutique peut être d'une grande utilité pour déterminer quelles personnes devront être prioritaires pour se faire tester. Dans les mois qui arrivent, les pharmaciens vont recevoir de plus en plus de patients avec des symptômes proches du Covid. L'idéal serait de pouvoir les orienter vers les laboratoires qui pourraient leur réserver des créneaux horaires », détaille Philippe Besset, qui compte transmettre ces propositions à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Resterait ensuite à convaincre les laboratoires de l'intérêt de renforcer cette collaboration, un combat pas forcément gagné d'avance…