* Auteur de bandes dessinées (depuis « L’Écho des Savanes ») avant de devenir romancier (une vingtaine de titres jusqu’à « Crénom, Baudelaire ! »), Jean Teulé rappelle, dans « Azincourt par temps de pluie », une des plus belles pâtées prises par l’armée française. Pendant la Guerre de Cent Ans, le 25 octobre 1415, alors que les « Rosbifs », épuisés, ne voulaient que regagner leur île, les « Froggies », dix fois plus nombreux et voulant se couvrir de gloire dans la grande tradition de la chevalerie française, sont allés se faire massacrer comme un seul homme, pour une erreur de tactique sous une pluie battante, dans une bataille inutile. (Mialet-Barrault, 202 p., 19 €)
* Journaliste et romancier, Jean-Marie Quéméner interroge l’histoire, puis il imagine. Dans « Sombre éclat », l’histoire, véridique, est celle du tirailleur sénégalais Charles Ntchorere, plusieurs fois décoré pour sa bravoure et qui, fait prisonnier le 7 juin 1944, a été considéré comme un animal par les nazis et exécuté d’une balle derrière la tête. La fiction est un dialogue entre le Blanc et le Noir, l’officier allemand et le capitaine français, sur les concepts d’humanité, d’honneur, de nation, de combat, d’amour, de vie. (Plon, 132 p., 14,90 €)
* Wu Ming, qui signifie « Anonyme », est un collectif de quatre auteurs italiens à succès. Dans « Proletkult », ils imaginent qu’Alexandre Bogdanov – le médecin, économiste, philosophe, révolutionnaire, écrivain de science-fiction – reçoit la visite d’un personnage sorti des pages de son roman « l’Étoile rouge ». On est en 1927 et c’est l’occasion de revenir sur la réalité soviétique en mettant le doigt sur ce qui n’a pas fonctionné ou dévié depuis la révolution d’Octobre, dix ans auparavant, de se souvenir des années d’exil avec Lénine ou Gorki, de rêver aussi d’une planète rouge qui peut-être existe, ailleurs. Un étonnant mélange des genres entre réalité et utopie. (Métailié, 345 p., 22 €)
* Sacré roman bulgare de l’année, « les Dévastés », de la dramaturge et romancière Théodora Dimova (« Mères »), évoque la terrible épuration qui a suivi l’arrivée au pouvoir des communistes en 1944, et ses stigmates. Les voix de trois femmes et d'une petite fille, dont les maris et père ont été torturés et exécutés, s’entremêlent pour décrire la vie d’avant le coup d’État, l’angoisse qui se diffuse peu à peu au sein de l'élite qualifiée de « monarcho-fasciste », le climat de terreur généralisé ; et pour faire le portrait d’une société dans laquelle la tragédie, longtemps tue, est devenue un douloureux secret. (Syrtes, 224 p., 21 €)
* Couronné du prix Médicis étranger 2016 pour « les Élus », Steve Sem-Sandberg a remporté le prix August 2019 en Suède, l'équivalent de notre Goncourt, pour « W. ou la guerre ». Dans le sillage de l’écrivain (et médecin) allemand Georg Büchner, mort du typhus en 1837, à l’âge de 23 ans, avant d’avoir pu achever sa pièce « Woyzeck », il nous plonge dans la sanglante histoire européenne à travers celle, véridique, de ce simple soldat condamné à mort pour avoir poignardé sa maîtresse et exécuté trois ans plus tard, au terme d’une longue controverse psychiatrique. (Robert Laffont, 433 p., 21,90 €)
* Que s’est-il passé en Laponie pendant la guerre ? La Finlandaise Petra Rautiainen brise le silence dans « Un pays de neige et de cendres », un premier roman récompensé. Le récit s’appuie sur les recherches d’une journaliste venue écrire, en 1947, sur la reconstruction de la région. Interrogeant notamment un jeune soldat finlandais qui, en 1944, officiait comme traducteur dans un camp de prisonniers dirigé par les Allemands, elle va peu à peu comprendre ce que le peuple autochtone Sami a subi dans l’indifférence la plus totale. (Seuil, 310 p., 21 €)
* Originaire de Jersey, Jenny Lecoat, raconte, dans « la Clandestine de Jersey », les aventures d’une jeune Juive autrichienne qui, deux ans après avoir fui l’Anschluss, a dû se cacher à nouveau sur l’île occupée. Elle a vécu pendant près de deux ans recluse dans la maison d’une habitante (Dorothéa Le Brocq, honorée plus tard du titre de Juste parmi les Nations), avec pour seules et rares visites celles d’un lieutenant allemand qui était tombé amoureux d’elle. (Mercure de France, 300 p., 23,80 €)
*Suzanne Maudet (1921-1994) avait 22 ans lorsqu’elle a été arrêtée pour faits de résistance et déportée, le 14 juin 1944. Elle a fait partie, en avril 1945, des quelque 5 000 femmes entraînées sur les routes par les SS fuyant devant l’approche de l’armée américaine ; la plupart sont mortes de faim, de froid et d’épuisement, les autres étaient abattues mais neuf d’entre elles, unies par l’amitié et une formidable envie de vivre, se sont échappées. « Sans haine mais sans oubli » est son récit. (Arléa, 158 p., 10 €)