Les objectifs visés par les personnes qui pratiquent ces régimes restrictifs peuvent être très différents : s’agit-il de prévenir le risque de cancer ? D’optimiser les effets des traitements ? De réduire leurs effets secondaires ?
Si les modifications métaboliques dues au jeûne commencent à être bien connues chez une personne bien portante, elles le sont beaucoup moins en présence d'une tumeur. Pour évaluer le bien-fondé des allégations positives du jeûne sur la tolérance et l'efficacité des traitements anticancéreux, les experts du Réseau national alimentation cancer recherche (NACRe) ont examiné l'ensemble des données scientifiques disponibles et les ont publiées en 2017 dans le rapport « Jeûne régimes restrictifs et cancer ». La voie la plus communément concernée par une carence d'apports caloriques et glucidiques est celle de l 'IGF1 (insulin growth factor1) qui est un facteur de croissance tumorale. En induisant une diminution de la disponibilité du glucose dans l'environnement cellulaire ou une insulinopénie, le jeûne ou les régimes de restriction calorique contribuent à réduire les taux circulants d'IGF1 et à inhiber les signaux de prolifération et de croissance au sein de toutes les cellules, tumorales et normales. Mais la cellule normale garde ses capacités d'adaptation dans ces situations d'agression métabolique, elle se place en état de maintenance en utilisant d'autres substrats énergétiques que le glucose. Des mécanismes complexes de protection et de recyclage des éléments cellulaires sont mis en jeu pour assurer la viabilité de la lignée. Ce schéma relationnel est intéressant concernant la chimiothérapie car elle cible les cellules en division.
Des réponses différentielles au stress
Le fait de jeûner mettrait au repos toutes les cellules mais protégerait les cellules saines des effets de la chimiothérapie, seules les cellules cancéreuses devraient être détruites, d'où le concept d'une résistance différentielle au stress (differencial stress resistance, DSR). Parallèlement, le jeûne pourrait augmenter la sensibilité des cellules tumorales à la chimiothérapie mais pas celle des cellules saines, d'où l'hypothèse d'une sensibilisation différentielle au stress (differential stress sensitization, DSS). En résumé, les cellules tumorales ont plus de difficultés à s'adapter aux conditions extrêmes du jeûne, ce qui les rend plus vulnérables aux effets de la chimiothérapie, alors que, dans les mêmes conditions, les cellules saines sont capables d'adopter un mode de fonctionnement protecteur qui les aide à mieux supporter les effets toxiques de la chimiothérapie. Une possible intervention nutritionnelle sur le métabolisme cellulaire tumoral, éloignée des modalités thérapeutiques, ouvre la voie à de nouvelles recherches scientifiques.
Des études cliniques sont en cours pour valider ou déconseiller le rôle du jeûne de courte durée en concomitance avec la chimiothérapie. Effectivement, toutes les cellules tumorales ne consomment pas les mêmes nutriments en fonction de leur position au sein de la tumeur ou selon le degré de développement de celle-ci. Il est donc probable que des modifications d’équilibres métaboliques généraux n’aient pas toujours les mêmes effets sur les cellules tumorales. Actuellement chez l'homme, il n'y a pas de preuve d'un effet protecteur du jeûne en prévention primaire à l'égard du développement des cancers ou pendant la maladie, qu'il s'agisse d'un effet thérapeutique propre ou d'une interaction avec les traitements anticancéreux.
Sensibiliser les patients aux risques
Le seul point commun à la majorité des études cliniques est que les régimes restrictifs ou le jeûne intermittent induisent une perte de poids significative. Or les recommandations nutritionnelles du patient en oncologie restent inchangées : les besoins sont hypercaloriques (30 à 35 kcal/kg de poids corporel) et hyperprotidiques (1,5 g/kg de poids corporel). Dans ces conditions, il semble difficile de promouvoir ces pratiques. Par ailleurs, le pourcentage de patients dénutris est très important en cancérologie, avec plus d'un patient sur deux en fonction de la localisation et le stade de la maladie. Cet état amène à une diminution de la réponse à la chimiothérapie, une augmentation des infections nosocomiales et à une diminution de la survie. Des études récentes montrent l'impact de la sarcopénie sur la tolérance à la chimiothérapie : plus la masse musculaire est faible, plus le seuil de toxicité de la chimiothérapie est bas, ce qui conduit à une diminution des doses de traitement et donc une diminution de l'efficacité des protocoles proposés.