Seulement la moitié des femmes enceintes fumeuses réussissent à arrêter de fumer, alors que le sevrage est crucial pour la santé de la mère et de l'enfant. Si des études antérieures sur les incitations financières rapportent des résultats prometteurs, elles n'ont pas été introduites dans la pratique clinique, faute d’étude pivot.
Quelque 460 femmes enceintes fumeuses, suivies dans 18 maternités françaises, ont été incluses dans cette étude ; 231 femmes enceintes fumeuses désirant arrêter de fumer (et fumant plus de 5 cigarettes par jour à l'inclusion) ont été randomisées dans le groupe « intervention/incitation financière » et 229 dans le groupe contrôle avant la 18e semaine de grossesse. Elles avaient en moyenne 29 ans.
Six visites à la maternité ont été programmées. Après une date d’arrêt prédéfinie, les participantes du groupe contrôle recevaient 20 euros à chaque visite, mais l'abstinence n'était pas récompensée de surcroît. Les participantes du groupe « intervention/incitation financière » recevaient en plus de ces 20 euros, des bons d’achat de 20 euros dont le nombre augmentait progressivement avec la durée de l’abstinence tabagique. Toutes les femmes bénéficiaient d'un entretien motivationnel d’au moins dix minutes. Les participantes du groupe contrôle pouvaient ainsi obtenir un maximum de 120 euros de bons d’achat, celles du groupe « intervention/incitation financière », un maximum de 520 euros si elles restaient abstinentes tabagiques. Le recours à la cigarette électronique n'a pas été pris en compte.
Quatre fois plus de chances d'arrêter de fumer avec incitation
L’abstinence tabagique continue (abstinence de la date d’arrêt jusqu’à la dernière visite avant l’accouchement) était de 16 % (38/231) dans le groupe « intervention/incitation financière » et 7 % (17/229) dans le groupe contrôle. La probabilité d’être abstinente lors des visites était quatre fois plus élevée dans le groupe « intervention/incitation financière » que dans le groupe contrôle.
Par ailleurs, les femmes dans le groupe « intervention/incitation financière » fumaient significativement moins de cigarettes tout au long de la grossesse, rechutaient plus tardivement (à la cinquième visite versus la quatrième pour les autres) et avaient des envies de fumer plus faibles que le groupe contrôle.
Les bénéfices s'étendent à l'enfant : la récompense par bons d’achat était associée à une réduction de 7 % des issues néonatales négatives (2 % contre 9 %) et - selon des analyses a posteriori - à davantage de nouveau-nés avec un poids de naissance supérieur ou égal à 2 500 g.
Les auteurs concluent que l’incitation financière progressive par bons d’achat récompensant l’abstinence tabagique pendant la grossesse pourrait être introduite dans la prise en charge habituelle des femmes enceintes fumeuses. Restent à connaître le rapport coût-bénéfice et surtout l’acceptabilité de cette intervention. « Des sujets sensibles qui varient selon les contextes nationaux, culturels et socio-économiques », lit-on. Ainsi, en France, les thérapies des contingences (qui reposent sur l’utilisation de renforçateurs, par exemple de cadeaux pour conditionner le choix d’un sujet) sont encore peu utilisées dans la lutte contre les addictions.
* Réalisée par des équipes de l’AP-HP en collaboration avec l’EDHEC Business School, l’université Paris Nanterre, le CNRS1, l’université Paris Dauphine - PSL, le centre hospitalier Saint Joseph-Saint Luc de Lyon, le CHU Morvan à Brest et 18 maternités de France. L’étude a bénéficié d’une subvention de l’Institut national du cancer.