Si les recommandations nutritionnelles en matière de diversification alimentaire font l’unanimité, il existe des points de divergence concernant l’apport en produits carnés et en végétaux. C’était le thème d’une conférence organisée début février par le Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS).
Avant trois ans
À partir de quatre mois, l’introduction de nouveaux aliments fait l’unanimité entre Santé publique France et le FFAS. La diversification alimentaire doit donc débuter entre quatre et six mois chez tous les nourrissons. « Depuis une publication du “New England Journal of Medicine” en 2015, on sait que même chez un nourrisson avec un eczéma sévère, on diminue considérablement le risque allergique en introduisant dans cette tranche d’âge des aliments à fort potentiel allergisant, tels que l’arachide et l’œuf (et par extension, on introduit tôt également les autres aliments à fort potentiel allergisant). Il faut juste introduire ces aliments les uns après les autres, à quelques jours d’intervalle », a insisté le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition pédiatrique (hôpital Trousseau, Paris).
Il est aussi essentiel que les textures évoluent pour éviter que l’enfant refuse une alimentation en morceaux après 12 mois. Pour bien faire, la texture doit être lissée avant huit mois (en raison du risque de fausse-route), grumeleuse avant 10 mois et sous la forme de petits morceaux dont on augmente la taille et la dureté après 10 mois.
« Attention, la diversification alimentaire ne signifie pas l’abandon du lait », a rappelé le Pr Tounian, qui plaide pour que le nourrisson de 6 à 12 mois conserve au moins trois biberons ou trois tétées par jour pour assurer ses besoins en acides gras essentiels. « Le lait infantile apporte suffisamment de fer, mais pas le lait maternel, raison pour laquelle les enfants allaités après six mois doivent être supplémentés en fer, a rappelé le nutritionniste. Après 12 mois, le lait de croissance permet encore de couvrir les besoins en fer (0,7 mg/jour). Il est ainsi recommandé jusqu’à ce que l’enfant consomme 100 à 150 g de produit carné par jour, car une carence en fer est associée à des défauts du développement cérébral. »
Et pour le Pr Tounian, il est illusoire de se passer du lait de croissance : « pour couvrir les besoins en fer, il faudrait 40 litres de lait de vache ou 1,4 kg de légumineuses ou 930 g d’épinards cuits par jour, ce qui est évidemment impossible », a-t-il insisté. Les végétaliens ont aussi leur lait infantile : il existe des préparations infantiles à base de riz (à ne pas confondre avec les boissons au riz), et les recommandations sont d’apporter 700 ml de 6 à 12 mois, puis 500 ml de préparation de deuxième puis troisième âge (à donner idéalement jusqu’à l’adolescence pour couvrir les besoins).
Intérêt de la viande chez les 3 à 17 ans
Les risques liés aux excès de sel, de sucre et de protéines ne sont pas démontrés chez l’enfant. À condition de donner de la viande bien cuite et du fromage à base de lait pasteurisé avant cinq ans (pour éviter un syndrome hémolytique et urémique), le Pr Tounian estime que les produits animaux, et en particulier carnés, sont très intéressants. « Ils apportent suffisamment de fer quand les enfants cessent de prendre du lait infantile en quantité suffisante », a-t-il souligné.
Après l’âge de trois ans, le pédiatre conseille un produit carné deux fois par jour, toujours pour l’apport en fer, sept à huit fois mieux absorbé que s’il s’agissait de fer végétal. Les besoins sont de 1,1 mg pour les 7-11 ans et le double pour les adolescents. « Or, pour absorber 1 mg de fer, il faut 130 g de bœuf… contre 1,5 kg d’œufs ou 1,3 kg d’épinards cuits ou 2 kg de légumes secs cuits », a-t-il donné comme exemples. Avant de rappeler qu’il n’y a pas de risque à consommer trop de viande pour un enfant : pas de risque accru de cancer du côlon ou d’insuffisance rénale comme chez l’adulte. « À défaut, un dosage de la ferritinémie et, si besoin, une supplémentation s’imposent », a-t-il ajouté.
Enfin, contrairement à Santé publique France, le Pr Tounian ne fait pas des cinq végétaux par jour une priorité : « aucune étude en pédiatrie ne prouve l’intérêt de suivre cette recommandation utile pour l’adulte. Si l’on se réfère à notre pratique quotidienne, un végétal par jour suffit. »
*Le Fonds français pour l’alimentation et la santé repose sur une parité entre les membres du secteur économique et du secteur scientifique.