Il ne faut pas croire que les épisodes, bizarres et incompréhensibles qui jalonnent le chemin vers les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin prochains ne représentent que les aspects les plus délirants de la commedia dell'arte politique. Ce qui hache la droite classique en menus morceaux, ce sont des différences idéologiques. On comprend que Xavier Bertrand se refuse à plonger un orteil dans le bouillon infernal du machiavélique RN et qu'il recadre Guillaume Peltier, numéro 2 des Républicains lorsque celui-ci avoue ses affinités avec Robert Ménard, maire de Béziers et apparenté RN. Certes, M. Peltier ne manquera pas de rappeler à M. Bertrand qu'ayant quitté LR, il n'est pas fondé à lui donner des leçons. Ce qui, cependant, est sûr, c'est que la sortie de M. Peltier présente l'inconvénient d'affaiblir théoriquement M. Bertrand qui cherche à être réélu à la tête de sa région, les Hauts-de-France, dont il a fait le tremplin qui le hissera à la présidence de la République.
Là-dessus, voilà que Valérie Pécresse, elle aussi ex-LR, mais toujours présidente rééligible de la région Île-de-France, estime qu'elle a vocation à créer un grand mouvement qui rassemble les centres dont le plus surprenant est qu'il existe déjà et qu'elle semble ne pas en déceler la présence : c'est tout simplement la REM, celle-là même que toutes les droites confondues, y compris leurs dissidents, ont décidé de battre quoi qu'il en coûte, comme si le pire qui puisse se produire serait la réélection d'Emmanuel Macron. On nous permettra de choisir un autre épouvantail, d'autant qu'on ne voit pas comment la sympathique Valérie peut créer un front républicain sans le concours des marcheurs.
Un champ de ruines
Gilets jaunes, réformes que l'on prétend inexistantes ou pas achevées, Covid et autres malheurs ont fait du paysage politique français un champ de ruines, avec des partis autrefois puissants qui ont perdu leur énergie et qui, surtout, ne veulent pas comprendre que la population française attend autre chose que le retour au passé. L'équation est pourtant claire et, comme on ne peut pas douter de l'intelligence des Pécresse, Bertrand et Peltier, on leur rappellera d'une part que leur capacité de persuasion est limitée et d'autre part que le salut de la France, tout entier contenu dans le front républicain, doit rassembler certes les centristes mais aussi tous les électeurs qui sont effrayés par les extrêmes et leurs programmes catastrophiques. On a donné une très mauvaise réputation aux réformes macroniennes, et affirmé qu'il y aurait une issue dans une révolution d'extrême gauche ou d'extrême droite. Ce n'est même pas logique.
Ce qui serait plus logique consisterait à fixer l'idéologie que l'on souhaite servir sans faire le moindre écart et en donnant aux Français un espoir, celui d'une France un jour décovidée, apaisée (si c'est possible), prospère grâce à la croissance ; et à comprendre que la réforme n'est pas celle d'un jour mais celle de tous les jours et qu'on ne la termine jamais. Le président de la République a payé cher sa volonté de changement et la moindre des gratitudes serait, s'il faut qu'il fasse un seul mandat, de dire qu'on va travailler essentiellement dans le sillon qu'il a tracé. Au lieu de quoi, même ceux qui ont avec lui les affinités les plus nombreuses pensent qu'ils ne seront pas élus s'ils ne jurent pas au préalable qu'eux aussi sont ses ennemis.
C'est une formidable coalition qui se dresse devant Macron. Elle est composée de matériaux si divers qu'elle ne serait capable de réaliser qu'un objectif unique, la disparition politique de Macron. La question n'est pas de savoir s'il doit obtenir ou non un second mandat, elle n'est pas non plus celle de savoir si Mme Pécresse ou M. Bertand feraient de bons présidents, car nous sommes en démocratie et nous nous gardons bien de nous livrer au culte de la personnalité. Il nous faut de la stabilité, de la sécurité, de la croissance, de l'emploi et cet ingrédient, décidément si rare, un espoir.