On attendait les femmes, elles déçoivent : talonnée par Michel Barnier et devancée par Xavier Bertrand, Valérie Pécresse compte ses minces chances. Marine Le Pen est chaque jour un peu plus ringardisée par le nouveau Don Quichotte de la politique, j'ai nommé Éric Zemmour. Anne Hidalgo, avec ses moins de 5 %, n'a qu'un choix : rejoindre Yannick Jadot. Alors, c'est l'arrivée des Verts ? Rien n'est moins sûr. Comme il est traditionnel de le dire, les enquêtes d'opinion ne montrent pas qui va gagner, mais offrent seulement la photo du rapport de forces à un instant donné. Ce qui devrait signifier, selon un autre adage, que le résultat final en avril 2022, ne ressemblera nullement à ce que disent aujourd'hui les sondages.
Peut-être la sagesse des spécialistes devrait-elle quand même reconnaître que, jour après jour, semaine après semaine, il y a un candidat qui sort du lot, et c'est Emmanuel Macron, qui se situe à 25 % ou plus et l'emporterait avec un écart raisonnable s'il affrontait une des stars de la politique, mais obtiendrait un triomphe s'il était opposé à un original. Peut-être la même sagesse les conduira-t-elle à admettre qu'il n'existe pas de précédent d'un président sortant dont la cote dépasse les 40 % ; et qui se trouve sur une pente ascendante à mesure que le temps passe.
On constate en outre que les adversaires de M. Macron se nourrissent des difficultés du pays. À n'en pas douter, l'exécutif ne répond qu'avec une très grande lenteur à la hausse des prix de l'énergie. Vous voyez, crient-ils, nous sommes gouvernés par des incapables. En attendant, c'est le bon peuple qui trinque. Qu'est-ce qu'ils y gagnent ? La campagne a commencé au début de l'été sur une toile de fond sinistre, avec une pandémie interminable, des inégalités croissantes dues au même phénomène, le dépeçage du pouvoir par les banderilles des oppositions dirigées contre un seul homme. Ou un homme seul. Elle a pris, malgré l'été et, en définitive, des vacances plutôt agréables pour la plupart des Français, un ton strident, plein de malédictions, de colère et de rancœur. Elle se poursuit, c'est une volière avec un nuage d'oiseaux assassins prêts à fondre sur le malheureux qui, de l'Élysée, nous nargue et serait indifférent à toutes nos infortunes.
Le chômage baisse, quel problème !
Mais quoi ? Le taux de chômage qui continue à baisser, quel problème ! Ce n'est pas ça qui va servir les intérêts si divers de la gauche ou de la droite. La croissance qui renfloue les caisses de l'État... et si ça continuait comme ça jusqu'en avril ? Alors, on cherche d'autres approches. Il n'est pas possible d'avoir subi tant de tempêtes et de ne pas s'atteler à un projet de révolution. C'est la faute de l'Europe, sortons de l'Europe ! C'est la faute des riches : rétablissons l'impôt sur la fortune ! Bref, c'est la faute de Macron. Jamais peut-être et dans l'ensemble du spectre idéologique tant d'efforts n'ont été fournis pour convaincre les Français qu'ils n'ont jamais été aussi malheureux. Pas quand ils faisaient la guerre d'Algérie. Pas lors de la crise financière de 2008. Pas pendant l'Occupation. Non. Maintenant.
On doit mépriser les sondages jusqu'à ce jour d'avril 2022 où nous en ferons un grandeur nature. À l'Élysée se trouve un démocrate ; il n'est pas combattu que par des démocrates, mais aussi par des gens dont la victoire serait irréversible cinq ans plus tard. Écoutez votre papa, Mme Le Pen : il ne cesse de répéter que vous perdrez. Quant à l'autre, l'histrion, le produit de son époque tourmentée, sacré génie par le peuple parce qu'il a réinventé le fascisme, il ne fait que faciliter la tâche de Macron. Le président a raison : il ne réagit ni aux attaques ad hominem ni à ses propres erreurs. Il laisse la pétaudière continuer à produire des borborygmes, à clapoter dans une bouillie infâme, à courir vers l'échec. C'est la France et c'est la vie.