Le virus a illuminé les failles béantes de la gestion du pays par son président. L'incohérence des propos, l'infantilisme des actions, le triomphalisme permanent au sujet de perspectives faussement optimistes ont cédé la place à la colère, à l'insulte, à la menace, l'incapacité de Trump à juguler la crise se nourrissant de la déprime de ses concitoyens et des critiques qu'une partie des républicains partage avec les démocrates. Le bilan est en effet terrible, comme il pouvait l'être pour une épidémie incontrôlée et comme il l'est dans des pays comparables aux États-Unis. Le langage corporel, déjà si peu subtil, a été remplacé par l'imprécation non contre la mortalité et la souffrance des Américains mais contre le mur de scepticisme qu'ils opposent aux déclarations pompeuses de Trump.
Le voilà qui exprime un prodigieux agacement dicté par la haine de la Chine et le ressentiment contre l'Europe. Qu'il devine, sans le dire, que le camp démocrate est en ordre de bataille pour la campagne électorale qui commencera en septembre, après les deux conventions. Qu'il comprend qu'il perd le contrôle des événements, dès lors que son grand-œuvre, la prospérité, se transforme en déroute économique et sociale. Alors, il lui faut sortir le grand jeu. Il ne gouverne plus, il tire sur la foule de ses détracteurs depuis la Maison Blanche. Il annonce qu'il va se servir d'un article jamais utilisé de la Constitution pour suspendre les débats au Congrès. Un propos sacrilège qui lui vaut non pas des injures, mais l'accusation de forfaiture. Le président le plus mal élu de l'histoire qui, pour gagner son second mandat, en arrive à baillonner les deux chambres, rejoint les Xi, les Poutine et les Erdogan. Sa naïveté mêlée de cynisme l'incite à rêver d'une Amérique où il aurait les pleins pouvoirs, juste pour ne pas être agacé dès l'heure du petit déjeuner.
République bananière
Personne, y compris parmi ses conseillers les plus fidèles, n'approuve, au fond de son cœur, ce président psychopathe. Le malaise national est immense, fait de peur du virus, d'accablement face à l'incompétence des dirigeants, et de consternation devant le manque des moyens nécessaires pour réduire une crise sanitaire que personne n'a prévue et que beaucoup ont minimisée. Le gouverneur de l'État de New York, Andrew Cuomo, dit qu'il n'obéira pas à un ordre de déconfinement du président et que si le président maintient son oukase, l'affaire sera portée devant les tribunaux, jusqu'à la Cour suprême. Comme pour le port d'armes, au moins un homme et pas des moindres, a décidé que la Constitution n'est pas la Bible, que, si elle présente des dispositions inadaptées à la société contemporaine, elle doit être amendée, et que seule l'opposition actuelle pourra mener cette tâche à bien. La première puissance du monde réduite à une république bananière !
Comment ne pas voir que les contrariétés dont souffre Donald Trump aujourd'hui étaient inscrites dans son destin dès qu'il fut élu ? Cet homme finalement fragile est un menteur, n'aime vraiment personne, se croit irremplaçable parce qu'il a construit des immeubles à New York, alors qu'il aurait dû prendre quelques cours de droit. Il a échoué partout, en Corée du Nord, en Afghanistan, en Iran, son isolationnisme a favorisé l'ascension de la Chine et de la Russie, a affaibli l'Europe et l'OTAN et son plus grand succès, l'emploi au moyen de la planche à billets, s'est transformé en une crise économique comparable à celle de 1929. Difficile de faire pire et, heureusement, M. Trump ne peut pas annuler les élections de novembre prochain.