Le Quotidien du pharmacien. - Quels enseignements peut-on tirer du premier bilan de l’activité de vos clients en 2020 ?
Philippe Becker. - Nous avons effectivement fait un test sur environ 300 pharmacies qui ont clôturé leurs comptes sur les trois premiers trimestres de 2020. Il convient donc d’être relativement prudent sur des conclusions que nous affinerons forcément lorsque nous pourrons ajouter à cette population les pharmaciens ayant une activité sur l’année civile 2020.
Ceci étant précisé et malgré une année très chaotique, l’activité a progressé sur notre panel de 2,40 % ce qui est supérieur à l’année précédente. Ce ne sera pas une surprise que de dire que les pharmacies de quartier et rurales ont mieux tiré leur épingle du jeu que celles de centre-ville.
Toujours sur le plan de l’activité officinale, comment celle-ci a-t-elle évolué au cours de l’année 2020 ?
Christian Nouvel. - Il est intéressant de noter que sur le deuxième trimestre la dynamique est plus forte. Si toutes les pharmacies observées ont été impactées par le premier confinement et la fermeture des cabinets médicaux, on sent une vraie reprise à partir de mai/juin. Il ne serait donc pas surprenant que l’évolution sur 2020 soit proche de + 3 %. Attention cette moyenne cache comme chaque année des disparités puisque, sur cet échantillon, un tiers des officines voit le chiffre d’affaires baisser significativement – 3,48 % et là encore on trouve beaucoup de petites pharmacies dans cette catégorie.
Selon vous, il y a donc eu transfert de clientèle !
Philippe Becker. - C’est certain et les pharmacies de proximité en ont profité au détriment de celles qui vivent avec une clientèle de passage. S’agit-il d’un changement profond de comportement des patients ou simplement d'une tendance liée à la conjoncture sanitaire ? L’avenir le dira. Cela étant dit, une récente étude démographique sur le mouvement de la population française, bien antérieure à la crise du Covid 19, montre que certaines régions gagnent des habitants au fur et mesure des années au détriment d’autres, moins attractives aux yeux des Français. Il y a là une réflexion à avoir si on envisage une future installation.
De plus si le télétravail devient une norme dans le futur, les cartes seront rebattues une nouvelle fois !
Christian Nouvel. - C’est tout à fait vrai ! Moralité : Il faudra aussi étudier la démographie et la sociologie avant de s’installer !
La marge brute semble s’affaiblir en 2020. Est-ce une surprise pour vous ?
Christian Nouvel. - C’est vrai qu’en pourcentage nous notons une baisse moyenne de 0,5 % sur les 300 pharmacies analysées. Il est trop tôt pour rendre des conclusions définitives tant que nous n’avons pas les données sur l’évolution de la part des médicaments remboursables sur 2020, comparée à 2019. Cette variation négative n’est pas, malgré tout, particulièrement inquiétante car en valeur absolue, et ce du fait de la progression de l’activité, la marge en euros augmente de 4 000 euros en moyenne par pharmacie.
On peut s’attendre à une stabilisation de la rentabilité ?
Philippe Becker. - Oui, c’est le pronostic que nous conforterons lors de la sortie de notre étude complète en septembre 2021. À titre indicatif, nous nous attendons à une consolidation de l’excédent brut d’exploitation (EBE) pour les officines qui ont progressé en termes d’activité.
Comment voyez-vous l’année 2021 sur le plan économique ?
Philippe Becker. - C’est une question à laquelle il est difficile de répondre car nous ne savons pas comment nous allons juguler la pandémie et quelles seront ses conséquences économiques à moyen terme. En réalité, la situation vécue par les pharmaciens a montré une vraie capacité de résistance et surtout d’adaptation. Nous l’avons maintes fois souligné, la dernière décennie qui a été dure sur le plan économique pour les officinaux, a renforcé leur solidité financière. Sans parler d’effet d’aubaine, les pharmaciens ont été et seront toujours considérés comme des « activités essentielles ». Plus encore, ils vont certainement être au centre du dispositif de vaccination lors de sa deuxième phase et donc renforcer leur image de professionnel de santé.
Christian Nouvel. - Il est aussi important de souligner que les officinaux qui sont soumis à l’impôt sur les sociétés vont bénéficier d’une baisse de son taux qui passera de 28 % à 26,5 % pour la tranche de bénéfice supérieure à 38 120 euros. Sur ce même registre, les impôts de production vont diminuer en ce qui concerne les officinaux au travers de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont le taux sera divisé par deux à compter de 2021. Ces deux mesures vont par conséquent renforcer la rentabilité après impôts des pharmacies et ainsi généreront un flux de trésorerie positive.
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