Le Quotidien du Pharmacien.- La récente étude publiée par la société Interfimo fait ressortir un réel dynamisme, pour de pas dire une certaine euphorie, sur le marché de la transaction officinale. Avez-vous le même ressenti sur le terrain ?
Catherine Baffos.- Dans la vallée de la Loire, nous constatons effectivement une forte appétence des acquéreurs qui sont nombreux à rechercher la bonne affaire. Cette situation a pour conséquence une forme de « surchauffe » qui se traduit, comme d’habitude, par une augmentation assez significative des prix de vente pour les pharmacies recherchées.
Quels sont les profils d’officines recherchées dans votre région ?
Catherine Baffos.- La cible des acquéreurs est l’officine dont le chiffre d’affaires, toutes activités confondues, avoisine les 2 millions d’euros. La situation géographique importe moins que le volume d’activité ! Pour ces pharmacies, la valorisation tend à atteindre l’équivalent d'un chiffre d'affaires annuel hors taxes. Bien évidemment, il faut considérer que la vallée de la Loire est très attractive
Cette surchauffe ne va-t-elle pas créer une bulle comme dans le début des années 2000 ?
Philippe Becker.- Sur les valorisations moyennes que fait ressortir l’étude Interfimo sur la France entière nous sommes loin d’une bulle puisque la pharmacie moyenne se vend 6,3 fois son EBE reconstitué. Sur ce plan, on peut être rassuré mais le début 2022 marque un changement de tendance avec un marché à deux vitesses qui fait de plus en plus la part belle aux grosses officines et délaisse les petites. Le phénomène n’est pas nouveau mais il nous semble qu’il s’accentue, ce qui fait que les valeurs moyennes peuvent perdre une partie de leur signification.
Le fait que les taux d’intérêt commencent à remonter ne crée-t-il pas une incitation à acquérir au plus vite ?
Catherine Baffos.- C’est un scénario qu’il faut prendre en considération car la grosse inconnue est effectivement le niveau du coût du financement dans les prochains mois. Il ne faut pas perdre de vue que le marché de la transaction a été boosté par des conditions d’emprunt que l’on n’avait jamais vues auparavant. À titre d’exemple, il était courant de voir des offres bancaires à des taux inférieurs à 0,8 % par an, hors incidence de l’assurance.
Depuis quelques mois et tout particulièrement depuis que l’inflation réapparaît de manière importante, les taux remontent et on se situe entre 1,5 et 2 % par an, rien de très inquiétant encore, mais jusqu’où cela ira-t-il ? De plus, il faut aussi considérer que certains établissements bancaires dans ma région deviennent plus frileux et plus exigeants : il y a de l’attentisme ce qui est normal car il est bien difficile de prédire ce que seront l’économie mondiale et celle de la France dans 6 mois.
Les aides à l’installation qui fleurissent depuis un ou deux ans via ce que l’on appelle les boosters d’apport ne peuvent-elles pas être un relais si les banques ferment un peu le robinet du crédit ?
Philippe Becker.- Nous savons tous que le problème numéro un des jeunes diplômés est leur cruel manque de fonds personnels pour acquérir leur première officine et on ne peut que se féliciter que les groupements, des grossistes ou des institutionnels aient pris le problème à bras-le-corps. En proposant des prêts ou participations au capital, il faut néanmoins faire attention à ce que la solvabilisation indirecte de potentiels acquéreurs n’ait pas pour effet une élévation des prix de vente. C’est un peu notre crainte actuellement !
Nous avions évoqué l’avantage de l’amortissement fiscal du fonds commercial. Vous sembliez très réservé à ce sujet. Comment ce "plus" fiscal est-il appréhendé en région ?
Catherine Baffos.- Les agences de transaction mettent en avant cette faculté qui est, rappelons-le, temporaire, et qui trouve sa limite dans une potentielle fiscalisation à la revente du fonds, comme cela a été expliqué dans les colonnes du « Quotidien du pharmacien » il y a quelques semaines. Il n’en demeure pas moins que les acquéreurs sont sensibles à cette incitation fiscale car son avantage immédiat est une baisse de la charge fiscale et aussi des cotisations TNS. Le problème est que depuis 2013 et la publication du décret sur les SPFPL, nous sommes sur un marché de vente de parts sociales ou d’actions. Par conséquent, il faut « détricoter » des montages juridiques souvent complexes pour revendre les fonds au lieu des titres de sociétés.
Philippe Becker.- Là aussi il y a potentiellement un risque sur la valorisation des fonds car cet avantage fiscal peut rendre une opération d’acquisition possible alors que dans un contexte normal, elle ne le serait pas. En créant une solvabilité apparente, on multiplie artificiellement les potentiels acquéreurs dans un marché où le nombre d’officines est en décroissance. Il faudra regarder par conséquent comment les banquiers vont intégrer l’amortissement fiscal du fonds dans leurs calculs pour décider de prêter…
Le contexte de la pandémie et du redémarrage de l’inflation rend complexe les approches prévisionnelles, que conseillez-vous ?
Catherine Baffos.- Les résultats exceptionnels de l’année 2021, qui sont une bonne nouvelle car ils ont permis de consolider la trésorerie des pharmacies françaises, doivent être analysés avec lucidité pour deux raisons : rationnellement, on ne peut imaginer que l’augmentation de volume d’activité proche de 7 %, que nous constatons, sera reproductible en 2023. En revanche, l’inflation sur les charges fixes et les frais de personnels va s’inscrire dans la durée. Cela peut créer un effet de ciseau sur la rentabilité.
Philippe Becker.- C’est la raison pour laquelle nous incitons nos clients à profiter de l’amélioration récente de leur trésorerie pour renforcer leurs capitaux propres sans trop prélever ou distribuer de dividendes.
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