Annoncé en grande pompe par le ministère de la Santé début septembre pour prévenir la bronchiolite chez les nourrissons exposés au virus respiratoire syncytial (VRS), l’anticorps monoclonal Beyfortus semble plus difficile à se procurer que prévu pour les pharmaciens d’officine. Des difficultés qui s’expliqueraient par un engouement inattendu des parents et des prescripteurs, qui provoque déjà des tensions d’approvisionnement sur le dosage de 50 mg, destiné aux bébés de moins de 5 kg.
Dans cette pharmacie de quartier à Vaulx-en-Velin (Rhône), les parents qui ont commandé le Beyfortus pour leur bébé sont inquiets : la livraison n’est pas arrivée en ce 22 septembre, alors que le titulaire a passé les commandes dès le 18 septembre et qu’elle était promise sous 4 jours ouvrés maximum. « Nous avons commencé les commandes dès que cela a été ouvert, témoigne le titulaire. La procédure est un peu complexe. Nous devons nous connecter avec notre identifiant RPPS, nous recevons ensuite une requête sur notre téléphone et devons effectuer une double authentification. Ensuite il faut remplir le formulaire de commande, en nous engageant auprès de Santé publique France à ne commander qu’une dose par prescription. Nous ne pouvons pas faire de stocks. »
Olivier Rozaire, président de l’URPS pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes, confirme les difficultés remontées par ses confrères : « Il y a eu un engouement assez inattendu sur le Beyfortus de la part des prescripteurs dès les premières heures où le produit était disponible et un grand nombre de commandes ont été réalisées dès le début alors que nous nous attendions à un déploiement au fil des jours et des semaines. »
De plus, contrairement à ce qui était autorisé, certaines pharmacies ont tenté de faire des stocks. « Certaines ont commandé d’avance, s’agissant de produits qu’ils ne payaient pas, 10-15 boîtes voire plus. Quelques-unes ont même tenté d’en demander une cinquantaine. Par conséquent, Sanofi les a contactées individuellement pour s’assurer qu’elles disposaient des prescriptions correspondantes. Cela a rajouté des délais à la livraison », souligne-t-il. En outre, l’État a acheté un total de 200 000 doses réparties entre le dosage à 50 mg, surtout pour les maternités, et le dosage à 100 mg, orienté vers les officines. « Nous nous attendions donc plutôt à des prescriptions de 100 mg mais les parents sont nombreux à être venus avec des ordonnances pour le traitement à 50 mg en pharmacie », ajoute-t-il.
Pour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), « Beyfortus est victime de son succès. Alors que l'on compte 700 000 naissances chaque année, Santé publique France a tablé sur une adhésion des parents à hauteur de 30 % - comme pour la vaccination contre le rotavirus, NDLR - soit 200 000 doses nécessaires. Or il semble que l’engouement soit bien supérieur ». Pour lui, ces retards à l’allumage sont plutôt de « petits cafouillages au démarrage plutôt que de grosses difficultés. En effet, la France a décidé de prendre un an d’avance sur reste du monde, donc nous essuyons les plâtres. Mais en même temps nous sommes fiers, car si nous étions dans un circuit normal, nous aurions perdu un hiver ! », évoque-t-il. « Selon les remontées du terrain, seul le Beyfortus 50 mg est sous pression et non le 100 mg. Ce dosage est destiné aux bébés jusqu’à 5 kg, cela concerne donc les bébés nés entre le 15 août et le 15 septembre. À ce stade, nous avons eu l’assurance par Sanofi que toutes les commandes qui ont déjà été passées seront honorées », rassure-t-il. « À partir du 15 octobre, le sujet devrait être derrière nous. Pour le moment ce n’est pas un souci, car l’épidémie n’a pas encore commencé. »
Par ailleurs, Philippe Besset indique que « le ministère de la Santé est mobilisé sur le sujet et il est probable qu’il mette en place une priorisation vers les maternités pour les tout nouveau-nés ». Contactés par le « Quotidien du pharmacien », le ministère de la Santé et le fabricant, Sanofi, n’ont pas pu répondre dans les délais impartis.
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