L’avenant n° 1 à la convention pharmaceutique a été signé le 10 juin, au siège de la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM), par Thomas Fatôme, directeur général de la CNAM, et Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Visiblement très pressés, ils n’ont pas attendu l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui aurait souhaité poursuivre les négociations pour trouver un « meilleur accord pour améliorer la marge des pharmacies ». Pour Pierre-Olivier Variot, son président, « les dernières propositions de l’assurance-maladie sont mieux-disantes mais pas beaucoup plus, elles sont encore très insuffisantes. Ce ne sont pas les 20 millions d’euros qui ont été mis sur la table entre la dernière et l’avant-dernière proposition de l’assurance-maladie qui vont changer quelque chose, même si ça va dans le bon sens. Politiquement, c’est important que certaines choses aient été modifiées, mais économiquement, on est très loin du compte. » L’USPO ne signera donc pas cet avenant.
Urgence et précipitation
Ce qui a précipité la signature, c’est la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron à l’issue des résultats des élections européennes, et la perspective d’un nouveau gouvernement. Ce qui a aussi fait apparaître davantage d’incertitudes sur le texte conventionnel. La lettre de Frédéric Valletoux garantissant des avancées économiques dans la substitution des biosimilaires et des hybrides, qui apporteraient une partie de l’argent nécessaire au maintien du réseau (voir encadré), « ne vaut plus rien », selon Pierre-Olivier Variot. Pour mémoire, les syndicats avaient en partie ciblé les discussions de la négociation conventionnelle sur la substitution des biosimilaires et des hybrides et exigeaient trois éléments : une rémunération digne de l’assurance-maladie, un engagement du gouvernement à publier un arrêté fixant l’égalité des marges et la promesse du ministre délégué à la Santé de presser la mise en place de remises accordées par les industriels, sur le modèle de la substitution des génériques. Si une rémunération est bien fixée dans le texte conventionnel de l’assurance-maladie, l’arrêté d’égalité des marges est toujours en attente et les remises dépendent maintenant de l’influence d’un homme, Frédéric Valletoux, aujourd’hui sur la sellette.
Face à ce retournement de situation, « la FSPF ne revient pas en arrière mais elle passe un coup d’accélérateur, explique Philippe Besset, président du syndicat signataire. On avait décidé de signer cet avenant pour de bonnes raisons. C’est une signature de combat et je le répète, la mobilisation continue. » Souhaitant d’abord une signature rapide « car chaque jour compte pour la rémunération des officines », Philippe Besset est pressé par le temps politique. « Il n’y a plus de parlementaires mais il y a toujours un gouvernement. Il faut que l’avenant économique à la convention pharmaceutique, ainsi que la convention des médecins avec l’assurance-maladie, soient publiés au « Journal officiel » avant le 7 juillet [date du deuxième tour des élections législatives anticipées, NDLR] pour une continuité. La publication au « JO » engage le gouvernement à poursuivre », explique le président de la FSPF, qui a dans la foulée contacté tous ses interlocuteurs de la CNAM et du ministère de la Santé pour signer au plus vite. Sans oublier d’autres textes qui ne peuvent plus attendre pour débloquer la situation économique des pharmacies : le décret « territoires fragiles » pour diriger les aides conventionnelles destinées aux pharmacies essentielles, donné en relecture auprès des représentants des pharmaciens le 7 juin, et l’arrêté d’égalité des marges sur les biosimilaires et les hybrides, promis pour fin juin. Le timing est plus que serré.
Ça passe ou ça casse
« Le texte de l’avenant doit aussi être relu par l’Ordre des pharmaciens, l’Union nationale des complémentaires santé (UNOCAM) et la Direction de la sécurité sociale. C’est serré, mais on peut y arriver. Une publication sous un délai aussi court, c’est déjà arrivé, sous Xavier Bertrand en 2012 », se souvient Philippe Besset.
« Avec la dissolution surprise de l’Assemblée nationale annoncée le 9 juin par le président de la République, la profession aurait eu une opportunité en or de pouvoir peser sur ces élections législatives, sur les futurs députés et le futur gouvernement ! Or cette signature précipitée compromet gravement l’influence des pharmaciens auprès des candidats puisque leur cas sera désormais considéré comme réglé », regrette Pierre-Olivier Variot. « C’est d’autant plus regrettable que nous avions montré une belle image d’unité et de solidarité lors de la grande journée de mobilisation du 30 mai dernier », poursuit-il.
Pour autant, il « n’entend pas céder un pouce de terrain » et poursuit le combat.
La substitution biosimilaires/hybrides : cœur des négos
La substitution des biosimilaires et des hybrides a constitué l’un des points majeurs de ces négociations conventionnelles. Car c’est une manne d’économies pour l’assurance-maladie et une source de rémunération pour les officinaux, estimée à un milliard d’euros par an pour les trois prochaines années, selon l’USPO. Une somme que l’assurance-maladie et les pharmaciens pourraient se partager, mais l’assurance-maladie a déjà mis les médecins sur le coup. Dans la convention médicale signée avec les syndicats médicaux le 4 juin, la CNAM promet de reverser aux médecins 50 % des économies réalisées en 2025 sur la substitution du ranibizumab (Lucentis). « Il ne restera rien pour les pharmaciens », s’agace Pierre-Olivier Variot.
La FSPF table une même échelle d’économie : 1,4 milliard d’euros à horizon 2027 pour les biosimilaires et 1,4 milliard d’euros sur les hybrides, soit 2,8 milliards d’euros. « En 2027, cette convention rapporte, hors aides pour les officines fragiles, 27 000 euros par an en moyenne par pharmacie. Si on rentre les biosimilaires, c’est au minimum 37 000 euros par an et par pharmacie. Il y a 10 000 euros de plus de remise de biosimilaires au minimum, sur des hypothèses d’un taux de substitution de 50 % sur un répertoire moyennement élargi et au taux de remise à 15 % », calcule de son côté Philippe Besset, président de la FSPF.
L’USPO est bien plus mitigée. « On ne connaît pas le champ d’application de la substitution des biosimilaires car c’est encore entre les mains de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), ni la hauteur des mesures. Il faut savoir Jusqu’à combien les laboratoires peuvent donner. » C’était tout l’enjeu des engagements de Frédéric Valletoux.
Anne-Hélène Collin
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