C’est un effet bénéfique de la crise sanitaire. Il n’est désormais plus nécessaire de décliner le sigle de CPTS pour qu’un professionnel de santé sache ce qui se cache derrière ces quatre lettres.
« Tout le monde a compris le rôle que jouaient ces structures ambulatoires organisées par les professionnels de santé eux-mêmes », se félicite le Dr Claude Leicher, président de la Fédération des CPTS (FCPTS). De fait, pendant l’épisode de Covid-19, les CPTS ont fait la démonstration in vivo de leur utilité. Les CPTS ont fait fonctionner pleinement l’organisation des soins ambulatoires, que ce soit dans la répartition du matériel (masques, SHA, outils de protections…) aux professionnels de santé, ou la continuité des soins des patients les plus vulnérables. Ou encore, comme le souligne le Dr Leicher, le renouvellement des traitements dans lequel les pharmaciens jouaient « le rôle de vigie ». « La prise en charge de la population a été bien mieux assurée que dans les territoires dépourvus de CPTS. Rien d’étonnant puisque tous ces professionnels avaient une longueur d’avance, ils avaient déjà l’habitude de travailler ensemble », constate Pierre-Olivier Variot, pharmacien à Plombières-les-Dijon et membre du conseil d’administration de la FCPTS.
Force de frappe
C’est ainsi que les CPTS sont immédiatement passées à l’étape de la création d’un centre d’accueil Covid. À Liévin (Pas-de-Calais), une cellule d’accueil composée de deux salles de consultations Covid était mise en place dès le 17 mars grâce à la mobilisation de la CPTS, pluriprofessionnelle et plurisectorielle, et de ses 65 adhérents. La réactivité d’une telle structure en temps de crise a fini par convaincre les plus réticents parmi les professionnels. « Alors qu’à Noël, certains en étaient encore à freiner la mise en place de projets sur le territoire, ils ont été les premiers à rejoindre la cellule Covid et aujourd’hui ils veulent adhérer parce qu’ils en ont vu l’intérêt », s’enthousiasme Sophie Sergent, titulaire à Liévin et présidente de la CPTS Liévin-Pays d'Artois. La dynamique se propage à l’Hexagone. « La démonstration de ce que nous pouvions faire au sein d’une CPTS a donné envie à d’autres professionnels de s’y mettre », se réjouit Pierre-Olivier Variot, misant sur une montée en charge de ces structures, actuellement au nombre de 533 projets recensés, dont 60 en fonctionnement et 158 en amorçage.
Il serait dommage, après un si bel élan, de rétropédaler dans cette période post-confinement. Au contraire, on devrait pouvoir compter sur le « Ségur de la santé » pour accélérer le mouvement. Ce débat national sur la réforme du système de santé ne s’inscrit-il pas dans la même veine que les CPTS dont les projets sont, tous sans exception, orientés vers les liens ville hôpital ? En se donnant pour objectif de créer des territoires de démocratie sanitaire grâce à des jonctions entre les différents acteurs hospitaliers, ambulatoires, privés, publics et les différentes structures de soins, le « Ségur de la Santé » ne fait que dupliquer, à plus grande échelle, le principe même des CPTS. C’est-à-dire un projet de santé bâti à partir du diagnostic d’un territoire.
Ne pénaliser ni le patient, ni le pharmacien
Cependant, c’est au cours même du « Ségur de la santé » que quelques nuages sont apparus dans le ciel des CPTS. Plusieurs voix se sont en effet élevées pour revendiquer la suppression de l'adhésion obligatoire à une CPTS pour réaliser certaines missions, y compris officinales. Les déclarations de la Mutualité ne sont pas étrangères à ces prises de position. La mainmise potentielle des mutuelles sur les structures de soins ambulatoires, redoutée par certains acteurs de ville, incite les professionnels de santé, et notamment les pharmaciens, à une plus grande prudence. Sans compter l’impatience des syndicats d'officinaux de voir les nouvelles missions se mettre en place rapidement. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) tout comme l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) restent convaincues que la CPTS est l’idéal à atteindre. Mais un dogme est tombé. Selon eux, elle n'est plus nécessairement le passage obligé pour la réalisation des entretiens de chimio orale, l’application des protocoles de soins non programmés ou la mise en œuvre du statut de pharmacien correspondant (voir « Le Quotidien du pharmacien » du 23 juin 2020).
« Il ne faudrait pas priver un patient du bénéfice de ces nouvelles prises en charge par son pharmacien au motif qu’il n’y a pas de CPTS dans son territoire », argumente Pierre-Olivier Variot, également vice-président de l’USPO. La problématique est la même pour l'officinal. « Il est très compliqué d’imposer aux pharmaciens une évolution de leur métier conditionnée à quelque chose qui ne dépend pas d’eux. Cela peut créer des inégalités de traitement sur un territoire et au sein d’une profession », analyse Sophie Sergent, également membre du bureau de la FSPF *. Jean-Philippe Brégère, pharmacien et trésorier de la FCPTS, refuse, lui aussi, cette notion discriminante. Mais, il se veut rassurant : « être autorisé à réaliser des missions sans adhérer à une CPTS ne sera pas une échappatoire. D’ailleurs, tous les pharmaciens sont volontaires pour intégrer une CPTS. Ils ont été échaudés par la complexité des MSP et des SISA ! »
Le dilemme reste cependant entier. À ne pas vouloir pénaliser ni le patient, ni le pharmacien, ne risque-t-on pas de freiner le déploiement des CPTS sur le territoire ? Pour le Dr Leicher, la réponse tombe comme une évidence. Faire abstraction de la CPTS dans un exercice coordonné est tout simplement impensable. « Cela reviendrait à piloter un avion ou opérer un malade sans faire de check-list ! La coordination suppose, rappelle-t-il, qu’on se parle, qu’on reconnaisse le métier de l’autre et qu’on en découvre des aspects inconnus. Tout cela ne peut se faire au sein d’une équipe qui se crée ponctuellement pour se dissoudre ensuite. » Sophie Sergent est moins alarmiste. Cet assouplissement de la doctrine n’est en aucun cas un retour en arrière. « Et, assure-t-elle, les 1 000 CPTS seront au rendez-vous en 2022. » Elle rappelle que les pharmaciens et, de manière plus large, les professionnels de santé ont deux ans pour se mettre en ordre de marche, avant de risquer une pénalité de leur rémunération. Mais bien davantage que ce dernier élément, un autre argument prime, selon Sophie Sergent, « vous pouvez toujours mettre en place un exercice coordonné pour améliorer les pratiques, mais jamais vous n’aurez la force de frappe de la CPTS. L'épisode du Covid nous l'a démontré ».
* Présidente de la commission pharmacie clinique et exercice coordonné.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Gestion comptable
Fidéliser sa clientèle ? Oui, mais pas à n’importe quel prix
Portrait
Jérémie Kneubuhl : le pharmacien aux 50 millions de clics