Cas de comptoir
Le contexte : « Mon fils vient de se tordre le pied en descendant l’escalier. Le médecin n’est pas présent aujourd’hui. Peut-on attendre demain ? Que faire en attendant ? »
Votre réponse : Tout dépend de la situation clinique : quel âge votre fils a-t-il ? Quel mouvement a-t-il fait ? Est-ce la première fois ? Ressent-il une douleur ? Où se situe-t-elle ? A-t-il ressenti un craquement ? Y a-t-il une ecchymose ? Un gonflement ? Peut-il appuyer son pied ? Dans tous les cas, une consultation médicale s’impose.
Définitions
- Entorse : lésion ligamentaire due à un traumatisme (torsion de l’articulation), avec élongation voire déchirure des ligaments, sans déplacement permanent des surfaces articulaires.
- Tendinite : regroupe assez largement diverses pathologies du tendon (tendinopathies) résultant principalement d’une sollicitation trop intense ou prolongée, ou d’un mouvement répété. On distingue la tendinose, qui correspond à un état de dégénérescence du tendon et qui n’est pas inflammatoire, ou les paraténonites ou ténosynovites, qui, elles, correspondent à une inflammation du tendon.
Physiopathologie
Entorse externe de la cheville
L’entorse de la cheville est la plus fréquente des entorses. Elle représente 20 à 25 % des traumatismes sportifs. Dans 90 % des cas, c’est le ligament latéral externe de la cheville qui est touché, avec une torsion du pied vers le dedans (mise en inversion), souvent lié à un faux pas dans l’escalier, sur un chemin…, sans qu’une chute soit nécessairement associée. Plus rarement le ligament latéral interne est atteint, notamment lors d’un traumatisme violent chez le sportif (football, ski…).
La gravité des lésions va de la simple élongation ligamentaire à la rupture complète. On distingue trois stades d’entorse du ligament latéral de la cheville :
- Stade I ou entorse bénigne (contusion) : un des faisceaux du ligament latéral externe est étiré sans rupture ni arrachement. Le patient présente un œdème modéré antéro-latéral. Il existe un point douloureux à la palpation. Le patient peut bouger sa cheville. L’appui est le plus souvent possible ;
- Stade II ou entorse moyenne (distension) : à ce stade, il y a rupture complète d’un faisceau du ligament et éventuellement étirement ou rupture partielle d’un autre faisceau. Le patient présente un œdème avec ecchymose (saignement lié à la déchirure), il a pu ressentir un craquement au moment du faux pas, et il ne peut appuyer son pied. Toute la partie antérolatérale de la cheville est douloureuse. La mobilité est souvent réduite ;
- Stade III ou entorse grave (rupture ligamentaire) : à ce stade, il y a rupture totale de deux ou trois faisceaux du ligament. Le patient ressent un craquement franc et souffre d’une douleur vive immédiate (pouvant aller jusqu’à la perte de connaissance). Il présente un œdème diffus, une ecchymose importante sur toute la partie latérale de la cheville.
70 % de la population subit une entorse latérale de cheville dans sa vie, ce qui en fait la pathologie traumatique la plus fréquente.
Haute Autorité de santé (HAS)
Tendinopathies
On distingue plusieurs stades de tendinite :
- Stade 1 : douleur après l’effort disparaissant au repos ;
- Stade 2 : douleur pendant l’effort ;
- Stade 3 : douleur continue avec une gêne dans la vie quotidienne ;
- Stade 4 : rupture du tendon.
Les douleurs sont unilatérales ou bilatérales, elles surviennent surtout quand le tendon est mis en tension, mais parfois aussi au repos.
Tous les tendons sont susceptibles d’être atteints : au niveau du coude (tennis-elbow), de l’épaule (tendinite de la coiffe des rotateurs chez les nageurs, lors mouvements avec maintien de l'épaule sans soutien en abduction : maçon, peintre en bâtiment, agriculteur…), du genou (tendinite de la patte d’oie chez le cycliste, mouvements répétés et rapides du genou en flexion contre résistance ; tendinite du tendon rotulien chez le volleyeur…), du poignet ou de la main (chez les gymnastes, utilisation fréquente d’une souris informatique), de la cheville (tendinite du tendon d’Achille chez le coureur, station prolongée sur la pointe des pieds), etc.
Conduite à tenir
Entorse : une consultation pour tous
Une consultation médicale est recommandée pour tous, et le plus tôt possible chez l’adulte de plus de 55 ans, chez l’enfant de moins de 18 ans (plus de risques chez le jeune en pleine croissance), chez le sportif et lorsqu’une lésion sévère est suspectée. Il est en effet nécessaire de déterminer le type d’entorse, sa gravité, les éventuelles lésions associées.
Il n’existe pas de corrélation entre le niveau de douleur, la gravité des lésions et le mécanisme traumatique. En revanche, certains signes sont évocateurs de gravité clinique :
- Douleur persistante ou, au contraire, douleur qui évolue en plusieurs phases (douleur initiale fulgurante suivie d’une indolence presque totale durant quelques heures, puis réapparition d’un fond douloureux peu intense) ;
- Craquement audible ou sensation de déchirure ;
- Survenue très rapide de l’ecchymose et de l’œdème (dans les minutes qui suivent le traumatisme) ;
- Mouvement anormal de l’articulation ;
- Ecchymose plantaire (risque accru de fracture) ;
- Impossibilité de poser le pied à terre.
Moins de 15 % des entorses de la cheville sont associées à des fractures.
Même bénigne, l’entorse peut récidiver (dans 70 % des cas chez les sportifs). Elle peut aussi conduire à une instabilité chronique (40 % des patients) ou à une arthrose précoce de la cheville (15 à 20 %). Dans tous les cas, l’absence d’amélioration dans les 48 heures doit inciter à consulter.
Dans l’entorse, une consultation médicale est recommandée pour tous, et le plus tôt possible chez l’adulte de plus de 55 ans, chez l’enfant de moins de 18 ans, chez le sportif et lorsqu’une lésion sévère est suspectée.
Du protocole GREC au protocole POLICE
En attendant la consultation, un protocole est à mettre en place. Le protocole GREC est le suivant :
- Glaçage : appliquer du froid immédiatement et plusieurs fois par jour pendant 15 minutes : le froid réduit l’œdème par vasoconstriction. Pour limiter le risque de brûlures, la glace ne doit pas être appliquée à même la peau ;
- Repos relatif : selon l’intensité des douleurs, il peut être nécessaire de limiter l’appui ou de créer une mise en décharge complète à l’aide de cannes anglaises ;
- Élévation du membre inférieur au repos et la nuit pour faciliter le drainage de l’œdème périarticulaire et favoriser le retour veineux ;
- Compression locale avec une bande élastique ou une attelle pour limiter l’œdème.
Aujourd’hui, ce protocole GREC tend à évoluer vers le protocole POLICE où une remise en charge avec protection de l’articulation est préférée à la mise au repos, dès la phase aiguë :
- Protection : protection de l’articulation avec une attelle, et des béquilles si la pose du pied au sol est douloureuse ;
- Optimal loading : remise en appui progressive dès que possible (rééducation) ;
- Ice : glace ;
- Compression ;
- Élévation.
« On ne m’a pas fait de radiographie… »
La radiographie permet de rechercher des signes de gravité ou des lésions osseuses associées, mais elle ne doit pas être systématique. Elle est indiquée en présence d’un des critères d’Ottawa pour recherche une fracture : patient âgé de plus de 55 ans ou de moins de 18 ans, incapacité de se mettre en appui immédiatement après le traumatisme et lors de la consultation (impossibilité de faire 2 à 4 pas en appui), douleurs caractéristiques à la palpation osseuse.
Chez l’enfant, la radiographie est recommandée car les ligaments sont plus solides que les cartilages de conjugaison : si la cheville se tord, il y aura plus de risque que les cartilages se fracturent tandis que les ligaments résistent.
En cas d’entorse grave ou chez le sportif de haut niveau, une échographie est parfois indiquée. Un arthroscanner ou une IRM sont parfois indiqués quand l’entorse n’évolue pas ou en cas d’entorses à répétition.
« Dois-je arrêter l’activité physique ? »
La cicatrisation ligamentaire s’effectue en 6 semaines pour les cas les plus bénins, sous réserve d’une rééducation bien conduite, à plusieurs mois dans les cas les plus graves. La durée d’arrêt des activités physiques ou sportives dépendra de l’avis du médecin. En moyenne, elle dépend du type de sport et de la gravité de l’entorse : environ 2 à 3 semaines dans l’entorse bénigne, 2 mois dans l’entorse moyenne, 2 à 3 mois dans l’entorse grave. Lors de la reprise, une chevillère élastique peut être utile.
À noter : les sports collectifs impliquant des sauts, des réceptions ou des changements de direction tels que le handball, le basketball, le tennis, le football ou le rugby sont les sports les plus à risque. Attention aussi aux randonnées ou aux footings sur des terrains accidentés ou irréguliers.
En revanche, il est conseillé la plupart du temps de reprendre rapidement ses appuis : dans le traitement des entorses bénignes et moyennes, le traitement fonctionnel est basé sur une absence d’immobilisation prolongée (immobilisation relative par contention adhésive ou orthèse semi-rigide) et une récupération rapide de la mobilité (dès que la phase aiguë douloureuse est passée) afin de permettre le replacement de la cheville dans son contexte fonctionnel et donc de limiter la perte de proprioception.
Tendinopathies : quelles sont les complications ?
On retiendra le risque de rupture du tendon, la chronicisation avec des calcifications du tendon et de sa gaine, le syndrome du canal carpien au niveau du poignet…
Quels sont les facteurs de risque ?
Parmi les facteurs de risque :
- Répétition de certains gestes dans le sport ;
- Professions à risque : professionnels du bâtiment, agriculteurs, professions avec utilisation fréquente d’une souris informatique, port de charges lourdes, gestes répétitifs sur les chaînes de production… ;
- Prise de médicaments : fluoroquinolones, statines, corticoïdes (même avec ceux utilisés par voie locale), certains rétinoïdes par voie orale (traitement de l'acné ou du psoriasis), léflunomide… ;
- Âge et sexe : le risque est plus important chez la femme et à l’âge de plus de 40 ans ;
- Activité sportive inadaptée : entraînement excessif, sans échauffement, avec des chaussures inadaptées, manque d’hydratation, alimentation déséquilibrée… ;
- Certaines pathologies associées qui fragilisent les tendons : diabète, obésité, excès d’acide urique, maladie de Lyme… ;
- Tabagisme.
« Dois-je arrêter l’activité physique ? »
La durée de l’arrêt du sport ou de l’activité physique est adaptée à chaque situation et à l‘ancienneté de la tendinite. Le médecin déterminera au cas par cas la durée mais à titre d’exemple, des symptômes apparus depuis moins de 3 semaines peuvent nécessiter 3 mois d’arrêt de l’activité physique ou du sport, des symptômes apparus depuis plus de 6 semaines peuvent nécessiter 6 mois d’arrêt.
Les produits du conseil
L’entorse et la tendinite peuvent nécessiter une prise en charge pluriprofessionnelle : médicale (diagnostic et prescription), kinésithérapie (reprise d’activité), podologue (semelles orthopédiques prescrites dans certaines tendinopathies) et pharmaceutique, pour le conseil et l’accompagnement.
Poches de froid
Le froid agit sur les entorses (protocole « GREC » ou « POLICE ») mais aussi sur les douleurs dans les tendinopathies.
Il est possible de proposer du froid mécanique (poches dans le congélateur) ou chimique. Il existe des compresses de chaud/froid (Thermopad, Cryopad, Fortacold, Actikiné, Therapearl…), des coussins thermiques (Actipoche, Thermogel…), des poches de froid (Actimove Physiopack, Donjoy Instant cold pack, Therapearl…), des patchs (Urgo Patch…), des sprays (Tensocold…) ou roll-ons…
Contention
Dans l’entorse bénigne, une chevillère élastique, une bande cohésive ou une orthèse semi-rigide (orthèse stabilisatrice de cheville) peuvent être prescrites. Dans l’entorse moyenne, sont recommandés : un strapping (à l’aide d’une bande adhésive), un bandage cohésif de contention et de maintien à condition qu’il soit refait régulièrement, ou une orthèse semi-rigide portée pendant au moins 21 jours dans une chaussure adaptée (baskets), la peau protégée par un tissu. Dans l’entorse grave, est prescrite une orthèse semi-rigide ou rigide pendant 6 semaines.
Les bandes adhésives permettent d’atténuer les douleurs et de faire régresser l’œdème mais attention à leur perte d’élasticité dans le temps et au risque de survenue de réactions cutanées d’origine allergique.
Les bandes cohésives permettent le maintien et la compression de l’articulation traumatisée, n’entraînent pas de réactions cutanées mais sont plus difficiles à poser.
Le traitement par orthèse est quant à lui un compromis entre le traitement fonctionnel et l’immobilisation stricte. Il permet une bonne guérison et une auto-rééducation avec une mise en appui précoce.
Ces orthèses de stabilisation (Gibortho de Gibaud, Hartmann, Ligacast de Thuasne, Aircast de Donjoy, Mémoform d’Orliman, Salvacast de Cooper…) ou ces bandages cohésifs (Coheban, Lastopress, Velpeau press…) ou adhésifs sont inscrits sur la Liste des produits et prestations remboursables (LPPR).
Antalgiques
Par voie orale, le paracétamol est à privilégier pour soulager la douleur.
Localement, il est possible d’appliquer un gel ou un emplâtre à base d’AINS (ibuprofène, diclofénac, kétoprofène, acide niflumique…) dans l’entorse ou dans la tendinite inflammatoire (ténosynovite) : conseiller alors au patient de se laver les mains à l’eau et au savon après chaque application et d’éviter l’exposition au soleil.
Pour les adeptes de l’aromathérapie, penser à l’huile essentielle de gaulthérie (chez l’adulte uniquement) ou d’eucalyptus citronné pour leurs effets anti-inflammatoires (en voie locale, à diluer dans une huile). En phytothérapie, opter pour l’arnica (huile à appliquer localement, chez l’adolescent et l’adulte), ou encore l’harpagophytum (voie orale, adulte uniquement) pour ses propriétés analgésiques et anti-inflammatoires.
Testez-vous !
1. Quels sont les critères de gravité d’une entorse ?
a) l’âge de moins de 15 ans et de plus 65 ans ;
b) une sensation de déchirure ;
c) une ecchymose.
2. Le risque de récidive d’une entorse de cheville :
a) est rare (moins de 10 % dans l’année) ;
b) est 3,5 fois plus élevé dans l’année que pour un sujet sain ;
c) ne concerne que les sportifs.
3. En quoi consiste le protocole « GREC » ?
a) Glaçage-Repos-Elévation-Compression ;
b) Gainer- Renforcer-Etirer-Courir ;
c) Gonfler- Ramollir – Ecarter- Chroniciser.
4. Parmi les sports à risque :
a) le handball est pourvoyeur d’entorses ;
b) le footing est pourvoyeur de tendinite du tendon d’Achille ;
c) le tennis est pourvoyeur de tennis-elbow.
5. Quels médicaments sont responsables de tendinites ?
a) les fluoroquinolones ;
b) les pénicillines ;
c) les macrolides.
Réponses : 1-b) c) ; 2-b) ; 3-a) ; 4-a) b) c) ; 5-a).
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