Le Quotidien du pharmacien.- Quel a été votre réaction en découvrant que 30 % des places en 2e année de pharmacie étaient vacantes à la rentrée ?
Vincent Lisowski.- Nous sommes très inquiets. Si on maintient ce cap, nous allons vers de graves problèmes pour la pharmacie sur les territoires. L'an dernier, nous avions l'impression que la réforme commençait à s'installer, que le climat était en train de s'apaiser… Cette année on ne peut que faire le constat suivant : le système ne fonctionne pas encore, notamment au regard du recrutement au niveau de la filière pharmacie. À Montpellier, 196 places sont pourvues en 2e année sur 237 disponibles. Au niveau national, le taux des remplissages des UFR est très hétérogène. Certains ont réussi à pourvoir toutes les places alors que pour d'autres le nombre d'étudiants inscrits correspond à seulement 40 % du numerus apertus.
Comment expliquer ce phénomène ?
Il y a plusieurs explications. Il y a une fuite des étudiants vers l'étranger, en particulier vers la Belgique pour intégrer plus facilement les études de pharmacie. Par ailleurs, on entend souvent que la pharmacie souffre d'un problème d'attractivité, mais je dirais plutôt qu'elle pâtit d'un manque de visibilité dans le système actuel. Il existe des jeunes qui veulent faire pharmacie mais ils se retrouvent dans un système qui ne leur permet pas d'y accéder. Ils sont mis en compétition avec d'autres étudiants, capables d'avoir de meilleurs résultats, mais qui, eux, se dirigent davantage vers médecine ou odontologie. La pharmacie est encore trop souvent perçue comme un second choix.
Faut-il revoir la réforme de A à Z ?
Pour nous, doyens des facultés de pharmacie, il n'est pas question de remettre totalement en cause la réforme. Elle défend des objectifs légitimes : notamment améliorer la santé mentale des étudiants qui était mise à rude épreuve avec la PACES. Sur ce point, cependant, il n'est pas certain que le système actuel soit encore idéal. Nous sommes aussi très attachés à l'idée de diversification des profils et à la marche en avant des étudiants dans leur cursus. Cela dit, le constat à l’issue de cette seconde année d’application de la réforme est très problématique pour la filière pharmacie. Reste à savoir si celui-ci est structurel ou non. Qu'en sera-t-il dans 3 ans ? Nous ne le savons pas, mais ce qui est certain c’est que la pharmacie ne peut pas se permettre d'attendre autant de temps pour voir si la situation s'améliore ou non.
Quelles solutions peut-on concrètement envisager ?
Ce n'est pas simple de trouver des solutions rapides à mettre en place et qui s'inscrivent dans le cadre de la réforme. Une idée que nous défendons : pouvoir permettre aux étudiants de choisir la filière pharmacie dès l'inscription sur Parcoursup. Les universités doivent aussi poursuivre le travail de communication qui existe déjà au niveau des lycées, expliquer aux jeunes que nous sommes un métier en pleine mutation. L'enjeu global ce n'est pas seulement la profession, c'est aussi l'accès aux soins. On a confié aux pharmaciens de nouvelles missions parce qu'il est parfois difficile pour les patients d'avoir accès à un médecin, pour la vaccination par exemple. Si nous avons un problème de sous-recrutement structurel, c'est tout le système qui sera déstabilisé, dans l'ensemble des métiers de la pharmacie.
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