Le Quotidien du Pharmacien.- La dispensation adaptée, telle qu’elle est présentée dans l’avenant 20, constitue-t-elle une avancée dans la pratique officinale ?
Jean-Michel Mrozovski.- Ici, on veut, sans limiter la prééminence de l’ordonnance, agir sur un nombre de boîtes délivrées potentiellement inutiles, parce qu’a priori non utilisées. Dans l’absolu, on ne peut qu’être d’accord, dans la pratique, il en va autrement. Pour ce qui me concerne, une pratique officinale d’avenir doit conjuguer l’adhésion et la gestion des effets indésirables avec l'écoute du ressenti du patient. Le texte de l’avenant 20 fonde une partie de sa légitimité sur la lutte contre l’iatrogénie et l’amélioration de l’observance. À ma connaissance, aucune étude ne lie le risque iatrogène avec le nombre de boîtes délivrées pour une seule molécule. L’observance, dans ce texte, reflète une obligation faite au patient, et non pas la recherche nécessaire de son adhésion.
Dans ces conditions, peut-on considérer la dispensation adaptée comme un acte pharmaceutique ?
L’acte est formellement pharmaceutique. Il sera potentiellement utile s’il amène les différents interlocuteurs à prendre conscience que le médicament n’est pas un produit de consommation. Je considère que tout acte pharmaceutique doit bénéficier au patient. L’opinion pharmaceutique est par exemple utile à la lutte contre le risque iatrogène d’une prescription. Au Québec, le pharmacien est rémunéré lorsqu’il émet une opinion pharmaceutique et ne délivre pas. Dans le cas qui nous occupe, les rédacteurs de l’avenant définissent la dispensation adaptée comme une intervention pharmaceutique. Il est indiscutable que celle-ci à un intérêt économique pour l’assurance-maladie et potentiellement, à plus long terme, pour le pharmacien. Mais qu’en est-il pour le patient ?
Le pharmacien a-t-il par conséquent intérêt à pratiquer la dispensation adaptée ?
Pour ma part, j’ai du mal à concrétiser la mise en pratique de cette mesure. J’imagine les objections des patients qu’il faudra surmonter, et les représentations de rationnement qu’ils pourront en avoir. Selon l’avenant, le pharmacien ne pourra pas jouer sur la durée du traitement, ni sur la posologie puisqu’il est dans l’obligation de respecter l’ordonnance. Dans ce contexte, il me semble également difficile de statuer a priori sur les besoins en antalgique ou en anti-inflammatoire d’un patient.
En revanche, mes confrères peuvent s’attacher à faciliter une gestion adéquate par le patient de ses médicaments habituels. Économiquement, l’intérêt de l’assurance-maladie est tangible et indubitable. Celui du pharmacien tient un peu plus du pari. Toutefois, la dispensation adaptée peut être rémunératrice si toutes les conditions sont réunies. Cependant, cette mesure souffre d’un défaut de construction pour le pharmacien. La pharmacie doit accepter des pertes de marge et d’honoraires qui lui seront certes remboursées avec un bonus, mais avec un retard de plus d’un an pour les premiers mois. En revanche, cette dispensation adaptée est peut-être l’occasion de réfléchir avec nos patients sur une utilisation rationnelle des médicaments.
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