– Merci Madame, dit le vieil homme en reboutonnant sa manche de chemise.
Karine s’assoit au petit bureau de la salle Pasteur, face au patient qu’elle vient de vacciner contre la grippe saisonnière.
– On se voit donc la semaine prochaine pour la vaccination contre la Covid.
– Oui. C’est peut-être bête mais je ne tenais pas à recevoir les deux piqûres le même jour.
– Pas de souci. C’est vous qui décidez Monsieur. Restez assis le temps que je fasse les papiers. Je vais prendre votre Carte Vitale s’il vous plaît…
Lorsqu’elle sort de l’espace de vaccination, Karine sourit. Elle est heureuse de retrouver le terrain. Depuis qu’elle est députée, son emploi du temps chargé ne lui permet plus de passer des journées entières à l’officine ; ce qui lui manque le plus est le contact avec ses patients. À l’heure de la fermeture, elle aperçoit ses deux adjointes en pleine discussion, peu pressées de partir.
– Eh bien vous n’allez pas déjeuner ?
– Karine, vous avez vu ? répond Kenza en lui tendant son smartphone.
– Ah, Leclerc et ses obsessions…
– Ça m’énerve. Hier soir, je regardais le « Meilleur pâtissier », pour voir où en est notre petite Alice, et je tombe sur cette pub stupide, s’agace Marion.
- « Vu le prix des médicaments en libre accès, il y a de quoi avoir peur d’un simple rhume », et blablabla. Toujours le même refrain avec ses docteurs en pharmacie. MEL veut avoir l’opinion publique de son côté, comme d’habitude.
– C’est de la manipulation psychologique. Comment peut-on autoriser de tels mensonges ? Et personne ne bouge dans la profession…, poursuit Kenza.
Karine sourit en regardant la vidéo :
– Il ferait mieux de promouvoir les gestes barrières, parce que le type qui éternue sans se protéger, voire sans mettre de masque, ce n’est pas un exemple à suivre, qu’on ait des médicaments ou non.
– Qu’est-ce qu’on peut faire ?
– On ne fait rien, répond la titulaire en haussant les épaules. Il est libre de faire de la publicité contre le monopole pharmaceutique. Moi aussi ça me révolte, mais je ne pense pas que les Français tombent dans le panneau. Je pense même que cette publicité peut desservir MEL. Depuis la crise des agriculteurs, beaucoup se rendent compte du petit jeu que font les enseignes de grande distribution sous prétexte de la course aux petits prix.
– Si rien n’est fait au niveau national…
– Oh non, rien ne sera fait. Ce serait trop coûteux…
– Mais si rien n’est fait au niveau national, peut-être que nous, à la pharmacie, nous pourrions accentuer notre communication sur les prix, propose Marion dont l’expérience de chef de projet en marketing dans l’industrie pharmaceutique resurgit soudain.
– C’est-à-dire ?
– Sur tout l’OTC par exemple, on identifie les gammes pour lesquelles nous n’avons pas monté les prix depuis six mois, et on ajoute une pancarte « prix stables », ou un truc comme ça.
-C’est une contre-attaque intéressante, mais je ne veux pas non plus que la Pharmacie du Marché se transforme en Pharmacie Supermarché.
– On pourrait sinon indiquer « ce prix inclut le produit et les précieux conseils de votre pharmacien », suggère Kenza.
– Mesdames, je pense qu’on peut réagir à notre niveau en effet. On se prévoit un temps pour cela… venez avec vos propositions. Demain, dans la matinée. J’en parle à Julien.
(à suivre…)
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