Le Quotidien du pharmacien.- Votre dernière étude économique portant sur l’activité des officines françaises* montre que globalement l’année a été un des meilleurs crus depuis 10 ans sur le plan de l’évolution globale des chiffres d’affaires ! Quel éclairage doit-on donner à cette tendance positive ?
Philippe Becker.- Déjà on peut dire que la tendance globale recouvre, comme toute moyenne, des situations très disparates : la crise sanitaire a rebattu les cartes. Chacun sait qu’il y a eu des pharmaciens perdants qui ont souffert des confinements et des mesures restreignant la liberté de circuler ou d’aller à son travail et des pharmaciens gagnants qui, par leur situation dans les quartiers ou les bourgs ruraux, ont récupéré des flux de clientèle.
Il faut se garder de tirer des conclusions hâtives de phénomènes liés à une crise sanitaire sans précédent. Depuis quelques mois, les situations se normalisent à nouveau. Le point positif, qu’il faut marquer comme un tournant dans l’activité officinale, c'est la forte percée du service au sein des officines. Certes, l’impérieuse nécessité de tester et de vacciner dans le cadre de la pandémie en est la cause, mais les officinaux, après quelques semaines de réglages, ont maîtrisé ces nouvelles activités et ont su ainsi donner un certain lustre à leur mission de professionnels de santé.
Les petites officines ont-elles bénéficié de cette conjoncture et pourront-elles s’en sortir ?
Christian Nouvel.- Certaines ont pu voir leur activité bondir, mais c’est assez marginal car elles souffrent globalement d’un mauvais positionnement commercial : souvent situées dans des hypercentres devenus déserts ou dans des communes sans médecin, elles ne peuvent espérer compter sur la crise sanitaire pour remonter la pente. Notre étude le montre une nouvelle fois, les pharmacies qui réalisent un chiffre d'affaires hors taxes inférieur à 750 000 euros voient celui-ci dévisser de 1,92 %.
D’ailleurs, les données diffusées il y a quelques semaines par l’Ordre des pharmaciens laissent apparaître une poursuite des fermetures à un niveau proche des années précédentes. En dépit des effets économiques du Covid 19, les tendances de fond ne changent malheureusement pas pour cette typologie de pharmacies.
Concernant la répartition des activités au sein des officines, quelles ont été les locomotives ?
Philippe Becker.- Ce ne sera pas un scoop que de dire que les masques, les gels hydroalcooliques et certains dispositifs médicaux, comme les thermomètres, ont boosté le chiffre d’affaires de la plupart des officines. Cette performance aurait pu être largement meilleure si les produits avaient été disponibles en temps et en heure.
L’activité médicament recule très légèrement, mais il faut probablement y voir un effet lié au premier confinement qui avait vidé les salles d’attente des cabinets médicaux. On peut aussi noter que les pathologies hivernales ont été moins fréquentes, et ont donc eu moins de conséquences, du fait de l’adoption des gestes barrières, ce qui a freiné à la fois la dispensation des médicaments remboursables et non remboursables sur ces classes thérapeutiques.
Vous n’évoquez pas l’impact des tests et des vaccins dans l’évolution de l’activité ?
Christian Nouvel.- Notre étude couvre uniquement l’année 2020 et, de ce fait, ne prend pas en compte des services qui n'ont démarré qu’en fin d’année 2020 et en 2021 pour les vaccins. Cependant, ces deux missions accordées aux officinaux auront sans aucun doute un impact très positif sur les chiffres d’affaires de l’année en cours.
Vous passez aussi en revue l’évolution de la marge brute qui, selon vous, est l’indicateur clé pour juger de la santé de la pharmacie d’officine française.
Philippe Becker.- Le résultat est un peu décevant lorsque l’on approche la marge brute en pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes puisqu’il y a une légère baisse, quelle que soit la typologie d’officine étudiée. En revanche, l’analyse qui se fonde sur une variation en valeur absolue est plus positive puisque, en moyenne, il y a une progression de l’ordre de 9 000 euros sur l’ensemble de l’année 2020. Il n’échappera à personne que le facteur qu’il faut prendre en compte pour expliquer cette croissance est l’augmentation de l’activité qui a contrebalancé une baisse en valeur relative déjà amorcée au cours des années précédentes.
En résumé, les années de croissance de l’activité, le taux de marge brute rapporté au chiffre d’affaires baisse, et c’est l’inverse lorsque l’activité chute !
Christian Nouvel.- C’est un bon raccourci qui témoigne de la complexité des mécanismes qui encadrent réglementairement et conventionnellement les calculs de la marge, des honoraires et de la ROSP en pharmacie. C’est un maquis inextricable où nous-mêmes experts-comptables perdons ce qu’il nous reste de connaissances en latin !
Lors de notre début de carrière, le taux de marge unique sur les médicaments remboursables était, bien avant la MDL, de 33,44 %, nos clients et tous les pharmaciens appliquaient, dans la joie et la bonne humeur, un taux unique sur la parapharmacie de 40 % et à peu près la même chose sur l’OTC ! Aujourd’hui il faut quatre tableaux Excel pour expliquer l’inexplicable…
Vous prônez par conséquent un retour à la simplicité !
Philippe Becker.- Nous pensons que pour bien gérer une entreprise il faut savoir manier les trois chiffres clés, qui peuvent être différents selon l’activité. Concernant la pharmacie d’officine, la marge brute en est un. Inutile de faire croître son chiffre d’affaires si, à la clé, la marge brute ne suit pas. Aujourd’hui il faut être ingénieur en informatique pour apprécier la conséquence d’une décision basique. C’est cela qui nous inquiète car il y a une dérive technocratique qui nuit à la visibilité !
* L'étude peut être commandée gratuitement sur https://bit.ly/3z2mXqG.
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