En 2020, la rémunération du réseau officinal a fait un bond de 66 millions propulsant l'activité sur le médicament remboursable à 6,751 milliards d’euros. Un sommet jamais atteint depuis neuf ans comme en atteste la synthèse communiquée à la profession, le 30 juin lors de l’Observatoire de la rémunération (1). Cette hausse de 1 point par rapport à l’année précédente s’inscrit dans la lente remontée observée depuis 2018 après que l’économie officinale a atteint un fond abyssal un an auparavant.
Mais cette performance n’est qu’apparente. Car les missions Covid (distribution de masques et réalisation de tests antigéniques) jouent en trompe-l’œil sur un tableau en vérité beaucoup moins éclatant. Une fois soustraite la contribution « Covid » de 180 millions, l’économie officinale retombe à 6,571 milliards d’euros, un niveau même inférieur à celui de 2018. Il est vrai que la baisse programmée de la marge réglementée a contribué à infléchir ce poste à 1,307 milliard d’euros, contre 1,792 milliard en 2019 et 2,514 milliards en 2018 !
Sans compter une ROSP génériques qui a poursuivi sa chute à 70 millions quand elle atteignait près du double en 2017. Au total, les rémunérations autres que la marge remboursable s’érodent à 1,323 milliard d’euros (1,372 milliard en 2019). Il est vrai que la crise sanitaire a peu favorisé les nouvelles missions, entretiens pharmaceutiques, bilan de médication ou encore TROD angine. Si ce n’est la vaccination antigrippale dont le succès a permis à sa rémunération de bondir de 15 millions d’euros en 2019 à 22,70 millions d’euros un an plus tard.
Négocier pour revaloriser
Ces constats démontrent à quel point il serait hasardeux de miser sur les compensations – éphémères - du Covid pour consolider un réseau qui nécessite bien d'autres ressources. Dans son analyse, Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), tient à souligner l'effritement de la rémunération officinale. « Entre 2016, année de référence pour l’avenant 11, et 2020, le réseau officinal a perdu en cumulé 370 millions d’euros, soit 5,6 points des 6,673 milliards d’euros de la rémunération de 2016 ! », relève le président de la FSPF. Il rappelle pour mémoire que la convention précédente avait rapporté en cumulé 800 millions d’euros au réseau, soit 12 % de ce qu’il gagnait en 2012 (6,467 milliards d’euros).
Le président de la FSPF voit dans cette synthèse les signes inquiétants d’une fragilisation et l’argument majeur en faveur d’une nouvelle convention pharmaceutique. « Nous allons devoir redéfinir, dès cet automne lors de l’ouverture des négociations conventionnelles, une nouvelle trajectoire pour l’économie officinale des cinq ans à venir. Il n’est plus possible que la pharmacie subisse les évolutions d’un marché du médicament marqué par une baisse du nombre de produits délivrés et par une hausse des médicaments très chers, très complexes mais peu rémunérateurs. L’activité traditionnelle de l’officine n’est plus correctement rémunérée pour faire vivre 150 000 personnes », déplore Philippe Besset.
Il ne s’agit pas de modifier en profondeur les fondamentaux, quoiqu’un autre dispositif devra se substituer à la ROSP génériques. Et que la rémunération à la boîte, qui a perdu quelque 104 millions (2,483 milliards d’euros en 2020), nécessite une révision. Philippe Besset entend avant tout obtenir une revalorisation significative des paramètres existants. Il fixe les minima à 60 millions d’euros supplémentaires par an, nécessaires, selon lui, au réseau pour fonctionner. Par conséquent, pour compenser les baisses de prix et faire face à la hausse des charges, les honoraires devront évoluer de 700 millions d'euros. « Pour mémoire, lors de l’avenant 11 de 2017, 350 millions d’euros avaient été mis sur la table par l’assurance-maladie, et cela n’a pas suffi », ajoute Philippe Besset.
Nouvelles inquiétudes
Soucieux d’amorcer les négociations sur des bases réelles, Philippe Besset a demandé au directeur général de l'assurance-maladie, Thomas Fatôme, que les données du premier semestre 2021 soient intégrées à la base des négociations. Car en dépit d’une reprise indéniable de l’activité économique marquée par une hausse de 4,17 % du chiffre d’affaires global, et même de 5,68 % sur les ventes de médicaments (2), les cinq premiers mois de l’année risquent d’être pénalisés par un infléchissement de la marge officinale.
Comme l’a exposé, Joël Lecœure, expert-comptable, dirigeant du cabinet LLA et président du réseau CGP, à l’occasion des amphis de l’officine (3), un chiffre d’affaires dont la dynamique est essentiellement soutenue par la part croissante des médicaments chers n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie de l’officine.
Ces ventes qui composent désormais 20 % du chiffre d’affaires ne permettent en rien d’enrayer ni la baisse des honoraires de dispensation (-9,7 %), ni l’érosion de la marge officinale. Or, alerte l’expert-comptable, « quand l’honoraire diminue, c’est la marge qui se réduit ! ».
(1) Suivi des rémunérations conventionnelles du pharmacien, soit 80 % de la marge bilan de l’officine.
(2) Organisés le 30 juin par la FSPF.
(3) Données CGP.
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