Le Quotidien du pharmacien.- Êtes-vous de plus en plus souvent confrontés à des fausses ordonnances ?
Yorick Berger.- Oui ce phénomène augmente. Je détecte une fausse ordonnance tous les deux jours en moyenne. Le Covid, la téléconsultation et l'arrivée des médicaments chers en officine ont été des facteurs d'accélération. Aujourd'hui, les cas les plus fréquents de fausses ordonnances concernent des comprimés qui agissent sur le système neurologique et peuvent se vendre dans la rue, en premier lieu la prégabaline, la drogue du pauvre. Il y a aussi beaucoup de fraudes autour de l'Ozempic. Repérer un fraudeur n'est pas évident car il n’y a pas de profil type.
Le pharmacien peut-il agir efficacement contre ce problème ?
Environ 90 % des ordonnances problématiques viennent de l'hôpital. Notre problème c'est aussi et surtout qu'il est quasi-impossible de joindre les prescripteurs. Il n’est pas toujours simple non plus de faire remonter les problèmes à la police, nous n'avons pas forcément le temps d’aller porter plainte au commissariat. Rien n'est facilité pour nous permettre d'être efficace. En Île-de-France nous avons un outil comme ASAFO* mais cela ne suffit pas. Il n'est pas connecté aux LGO, n'est pas assez rapide, la base de données n'est pas complète… Il faut aussi avoir conscience que les fausses ordonnances ressemblent souvent à de vraies ordonnances, parfois plus que les vraies justement ! J'ai eu le cas récemment d'un patient traité pour un cancer qui venait pour un médicament à 7 000 euros. Sur l'ordonnance le nom d'un médicament avait été barré et un autre avait été écrit hâtivement à la main. Cette ordonnance avait tout pour paraître suspecte, pourtant elle était bonne.
Les autorités compétentes vous semblent-elles conscientes de ces difficultés ?
Nos autorités de tutelle ne nous écoutent pas sur ce sujet, elles ajoutent de la complexité à un système qui l'est déjà et méconnaissent le terrain. Quand vous avez devant vous un fraudeur qui peut devenir agressif, il n’est pas forcément possible de suivre une méthode pensée dans un bureau. Mon équipe et moi-même n'avons pas peur mais il y a de l'inquiétude oui. On se dit que l'on n’a rien à gagner à intervenir car si on appréhende un fraudeur on peut alors faire face à un comportement violent. D'un autre côté si l'on ne fait rien, on laisse le système se casser la figure… Des outils il y en a, je pense notamment à l'ordonnance numérique, même si elles sont très longues à traiter. Quand on voit qu'elle se déploie en ville mais pas à l'hôpital alors que la majorité des problèmes viennent de là on se dit qu'on marche sur la tête. Si l'on veut aider les pharmaciens à agir encore plus efficacement contre ce problème, il faut aussi songer à les rémunérer car cela génère du travail supplémentaire et cela fait faire des économies à l'État. Il faut que l’on puisse joindre les prescripteurs, il faut plus de qualité au niveau des prescriptions hospitalières et des progrès sur le numérique car sur ce dernier point nous avons beaucoup de retard.
* Alerte Sécurisée aux Fausses Ordonnances : site mis à la disposition des pharmaciens d'île de France
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