Une pratique gravée dans le marbre
Si ce texte constitue une avancée indéniable pour les patients confrontés à la raréfaction du temps médical, il n’est pas à proprement parler une révolution pour l’exercice officinal. Le statut du pharmacien correspondant signe cependant la reconnaissance des compétences cliniques du pharmacien et des liens qu’entretiennent avec lui ses patients.
Prévu dans un espace de confidentialité, cet échange avec le patient formalise, de fait, des pratiques déjà bien installées, tout particulièrement depuis le début de la crise sanitaire. En 2020, le pharmacien s’est ainsi vu confier, face à la nécessité de la continuité des soins, le renouvellement des traitements chroniques, des TSO et des stupéfiants. « Ce statut installe l’officinal comme un partenaire santé. Le pharmacien correspondant fait tomber les murs », se félicite Gilles Conan, trésorier de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Asclepios dans le Centre-Val de Loire.
Exercice coordonné, un passage obligé
Car pour être désigné « correspondant », le pharmacien doit obligatoirement être passé par la case « exercice coordonné », c’est-à-dire appartenir à une équipe de soins primaires (ESP), une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) ou une Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Autant dire que peu de pharmaciens peuvent aujourd’hui revendiquer ce statut. Cette restriction ne satisfait pas les syndicats qui souhaitent d'ailleurs un assouplissement du statut des équipes de soins. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) réclame pour le pharmacien correspondant le droit d’exercer son activité en coordination avec le médecin traitant, et ce, même en l’absence de structure territoriale de collaboration interprofessionnelle.
Pour autant, l’inscription du pharmacien correspondant dans un exercice coordonné répond à la logique du gouvernement et à sa volonté d’obtenir la coordination des professionnels de santé à marche forcée. Pour rappel, l’avenant 21 à la convention pharmaceutique, signé le 29 juillet 2020, conditionne à partir de 2022, le versement des ROSP pharmaciens « qualité de service » à la participation de l'officinal à une forme de coordination pluriprofessionnelle.
Le patient choisit, mais le médecin décide
Le libre choix du patient est respecté puisque c’est à lui de désigner son pharmacien « correspondant », même si l’officinal peut l’informer du dispositif en lui en présentant les avantages. Sous réserve que le médecin ait au préalable mentionné cette possibilité sur l’ordonnance, en indiquant : « renouveler tout ou partie des traitements ». Mais tout n'est pas si simple. Ainsi, le syndicat des médecins libéraux (SML), vent debout devant ce qu’il dénonce comme un transfert de compétences, incite les médecins « à inscrire systématiquement la mention "ordonnance non modifiable" ».
Aussi, pour fluidifier les relations médecins-pharmaciens, le décret prévoit que le projet du dispositif définisse en amont « les modalités d’information du médecin » en cas de renouvellement ou d’ajustement de posologie.
En tout état de cause, le pharmacien autorisé au renouvellement et à l’adaptation de posologie doit les mentionner sur l’ordonnance, et le cas échéant, dans le DP ou le DMP, signale le décret.
Une intervention limitée
Ce n’est donc qu’à la condition expresse de détenir l’accord du prescripteur, que le pharmacien peut agir sur la posologie ou le renouvellement partiel ou total du traitement. Le cas échéant, la durée maximale de la prescription et l’ensemble des renouvellements réalisés par le pharmacien correspondant ne peuvent excéder douze mois, comme le précise le texte du décret.
Les deux syndicats de la profession demandent que les missions du pharmacien soient élargies. Au suivi de l’observance, à l’orientation diagnostique en cas de soins non programmés, voire à la dispensation protocolisée pour la FSPF, à l’accompagnement des douleurs chroniques, du diabète, de l’hypertension, de l’insuffisance cardiaque, de la grossesse ou encore de l’allaitement, en ce qui concerne l’USPO. Cette dernière souhaiterait également que le patient puisse être acteur de son parcours de soins en étant à l’initiative de la coordination des professionnels de santé qu’il aura choisis.
Un statut fixé dans le cadre conventionnel
L’USPO a signé en novembre 2019 l’avenant n° 19 qui inscrit dans la convention pharmaceutique le pharmacien correspondant. Restent à préciser les modalités de déclaration auprès de l'assurance-maladie des officinaux volontaires. Pour l’heure, l’option retenue est un formulaire CERFA qui permet de désigner le pharmacien correspondant, à l’instar de celui existant pour le médecin traitant, explique Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. Cependant, une dématérialisation pourrait intervenir avec une inscription en ligne sur le compte ameli pro.
De même, les conditions de rémunération sont loin de satisfaire les syndicats. Selon eux, le rôle du pharmacien correspondant doit être valorisé directement, et non par le biais d'une structure administrative (ESP, MSP, CPTS). Ce dossier de la rémunération reste pour l'instant ouvert et sera porté aux prochaines négociations conventionnelles.
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