Titulaire à Valence, dans la Drôme, Gilles Brault-Scaillet a vendu presque autant de vaccins au cours de la première journée de la campagne de vaccination que durant du tout le mois d'octobre l'an passé.
« Nous avons vacciné plus de 60 personnes en une seule journée, c'est du jamais vu, explique-t-il. » Si ce sont essentiellement des patients munis de bons qu'il a accueillis le 13 octobre, Gilles Brault-Scaillet a aussi dû éconduire « une petite vingtaine de personnes qui n'était pas dans la cible ». Pas de comportements agressifs à déplorer pour le moment, les patients qui n'ont pu être vaccinés se sont montrés compréhensifs. « J'ai tout de même accepté de vacciner certaines personnes hors cible, car elles sont en contact avec des personnes vulnérables. Nous savons qu'elles sont de bonne foi car nous les connaissons depuis longtemps. On interroge ceux qu'on connaît moins, notamment sur leur mode de vie, pour savoir s'il est justifié ou non de les vacciner », détaille le pharmacien drômois. Il a en tout cas bien perçu le stress lié au Covid chez certains de ses patients. « Parfois ils ne savent plus où l'on en est mais ils étaient bien au courant qu'il y avait un risque potentiel de pénurie avec ses vaccins, donc ils ont voulu venir dès le premier matin », analyse-t-il. Au troisième jour de la campagne, la pharmacie de Gilles Brault-Scaillet ne désemplit pas et l'officinal attend avec impatience de recevoir les nouvelles doses qu'il a commandées.
« Ne pas vacciner tout le monde, ça m'horrifie »
Dans sa pharmacie du 8e arrondissement de Paris, Jean-Luc Leroy a très vite dû regarder comment il pourrait commander de nouvelles doses de vaccins. « Je suis presque à court et je n'ai été sollicité que par des patients qui avaient un bon. Environ 10 % d'entre eux n'étaient pas venus l'an dernier, l'ambiance générale les a poussés à franchir le pas », observe-t-il. Conscient qu'il devra certainement attendre fin novembre pour recevoir de nouvelles commandes, Jean-Luc Leroy ne comprend pas les consignes sanitaires des autorités qui ont rappelé que le vaccin antigrippe devait être administré aux patients prioritaires et non à toute la population. « Le Covid, nous en avons pris conscience dès le mois de janvier, nous savions qu'il serait plus important encore que les autres années de vacciner contre la grippe cet automne. Alors que l'on nous dise, à nous les pharmaciens, que nous ne devons pas vacciner tout le monde, j'en suis personnellement horrifié », s'émeut-il.
« Des livraisons anarchiques »
Le 14 octobre, une longue file d'attente court de la boulangerie voisine jusqu'à l'entrée de l'officine de Pierre Martin*, dans le 19e arrondissement de la capitale. La veille, pas moins de 77 patients ont été vaccinés par son équipe. « C'est vrai qu'on s'attendait à avoir du monde mais pas à ce point-là. À ce rythme, je vais écouler en 3 jours ce que je vendais en 2 mois et demi. Les médias ont beaucoup insisté sur le risque de rupture et les gens ont un peu paniqué », regrette-t-il. Autre problème qu'il tient à évoquer : les livraisons « désordonnées », voire carrément « anarchiques » de certains laboratoires. « Certains de mes confrères et consœurs n'ont pas été livrés du tout, fait-il remarquer. Je pense que ça va se calmer dans les prochains jours, mais ce qui est sûr, d'ores et déjà, c'est nous allons plus vacciner que l'an dernier. »
« Il faut respecter les consignes »
Titulaire à Trappes, une ville populaire de 30 000 habitants dans les Yvelines, Mustapha Larbaoui n'a, lui, pas tout à fait vécu la même journée que ses confrères. « Au vu de la médiatisation du sujet, je m'attendais à ce que ce soit le rush, mais lors du premier jour j'ai vacciné sensiblement le même nombre de personnes que l'an dernier. Peut-être est-ce dû au fait que la population d'ici est moins bien informée ou que le degré d'acceptation est moins important. Il est toutefois possible que cela s'améliore au fil des jours », analyse-t-il avec optimisme. En revanche pour le pharmacien trappiste, réserver le vaccin aux patients de la cible ne devrait souffrir aucune contestation chez les officinaux. « Bien sûr que ça m'embête de refuser le vaccin à un patient, mais ne pas bien faire mon travail ça m'embête encore davantage. Pour rendre la vaccination obligatoire, il nous faudrait au moins 40 millions de doses et ça, c'est une autre histoire. La réalité c'est que nous devons respecter les consignes de la CNAM, être légaliste, penser en priorité aux gens âgés ou qui ont des comorbidités comme cela est prévu », juge-t-il.
* Son prénom et son nom ont été modifiés.
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