C’EST À l’hôpital Bégin, dans le Val de Marne, avec le diabète, puis à travers un réseau de soins, que Martial Fraysse, président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France, a développé cette expertise. Les tentatives d’alors l’ont amené à concevoir de nouveaux objectifs : assurer au patient appropriation et acquisition de compétences, lui permettre de maîtriser sa maladie et éviter les incidents ou accidents de parcours.
La mise en place des entretiens pharmaceutiques dans son officine (Fontenay-sous-Bois) a conduit l’ensemble de son équipe à mieux appréhender l’abord du patient. Volontariste, il se projette dans l’avenir avec des actions d’accompagnement : « On pourrait ajouter un nouvel onglet dans le DP : séances d’ETP, connaissances et compétences acquises ou non. »
Titulaire dans le Gard (Les Salles du Gardon), Brigitte Bouzige a créé une Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA). Cette association de 21 professionnels de santé (pharmaciens, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, podologues, orthophonistes et diététiciens) a permis « de renforcer la proximité et les échanges entre les disciplines », souligne-t-elle. Après une formation partagée de 40 heures, le choix s’est porté sur le retour à domicile des patients hospitalisés, avec des objectifs clairs : « Établir le lien entre l’hôpital et le médecin traitant, fournir les informations utiles au pharmacien pour le traitement à délivrer, prévoir et organiser les autres soins, dans le but d’une autonomie du patient et de la baisse du risque de réhospitalisation. » Soumis à l’agence régionale de santé (ARS), ce projet d’ETP déjà soutenu localement donnera lieu au recrutement d’un coordinateur à mi-temps.
Valorisation de l’ordonnance.
Un tout autre constat a motivé le Dr Michel Mazuez pour découvrir l’ETP via un DU (diplôme universitaire). Médecin généraliste depuis trente ans, il exerce en cabinet de groupe dans une zone rurale (Chaux-de-Crotenay, dans le Jura) et aspire à faire évoluer sa façon d’aborder les soins « face à une pratique générale peu efficace dans la gestion des maladies chroniques pour lesquelles un taux d’échec de 10 à 20 % semble tolérable ».
Une collaboration est mise en place avec les pharmaciens pour une meilleure valorisation de l’ordonnance auprès de certains types de patients : diabète, HTA et sujets âgés polymédiqués. « Mes confrères ont été interpellés par leur récente pratique de l’entretien pharmaceutique. » Pragmatique, il pense procéder à des actions simples « afin de convaincre progressivement les plus frileux ». Son attente : « à quand le DMP et son évolution vers un partage réel 2.0 patients-soignants ? ».
Le métier de pharmacien change, et en réponse à ces mutations, Hélène Lecocq a choisi la démarche qualité. Son officine d’Issy les Moulineaux (Hauts-de-Seine) est certifiée ISO-9001 depuis deux ans. Impliquée auprès de plusieurs réseaux ville-hôpital, la multidisciplinarité lui a permis d’enrichir son approche du patient. Son groupement professionnel l’a aidée dans cette avancée. « Le conseil et les pratiques professionnelles ont été orientés vers un accueil personnalisé du patient et une optimisation des dépenses de santé. Les actions sont adaptées aux adjoints ou aux préparateurs ; c’est très satisfaisant et cela soude l’équipe ». Les limites ne sont pas sous-estimées : manque de temps, déficit de rémunération, nécessité de formation complémentaire…
Améliorer les pratiques.
Philippe Savoldelli, titulaire à La Celle Saint-Cloud (Yvelines) est diplômé en ETP (DU) depuis 2013. « Les techniques abordées au cours de ma formation ETP m’ont permis de démarrer les entretiens pharmaceutiques avec plus de sérénité. » Il analyse les possibilités d’une pratique éducationnelle codifiée à l’officine. « L’ETP, avec sa composante multidisciplinaire, reste possible pour les pharmaciens en intégrant un projet existant ou en cours de création. Le temps nécessaire à l’élaboration d’un programme et le temps disponible à l’officine sont en net décalage à ce jour. » Pour lui, « le choix d’une thématique courante est primordial : la douleur chronique en ambulatoire, par exemple, afin de ne pas reléguer l’ETP en activité marginale » ; référence au programme proposé par l’URPS pharmaciens IdF avec le réseau Pallium autour du patient douloureux.
Les motivations, on le voit, sont multiples, et si l’intérêt s’impose, les réserves sont habituelles : défaut de temps, période peu propice aux expérimentations, visibilité réduite en terme financier… Derrière ces propos, on retrouve une « certaine peur » bien identifiée par les formateurs « face à une posture de soignant remise en cause par ces pratiques partagées. L’action et le temps permettent souvent de redonner du sens à ce nouvel engagement », selon J.-F. Léger (université des patients Pierre et Marie Curie).
Les attentes sont vives pour un déploiement facilité d’une ETP ambulatoire ; pour beaucoup il reste une méconnaissance des accès aux formations adaptées, aux programmes ou aux actions d’accompagnement, au partage associatif, et aux aides financières jugées trop peu nombreuses. « La ville doit rester le premier recours dans l’intérêt de tous, nous rappelle Martial Fraysse. Nous ne sommes pas en retard ; l’appropriation est progressive ; formons-nous ; le DPC nous le permet. »
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