ILS ONT POUR NOMS Tarceva, Iressa ou Glivec. Ces anticancéreux administrés par voie orale ont, petit à petit, gagné leur place sur les rayons des pharmacies françaises. « De fait, rappelle Danielle Roquier-Charles, si, en 2004, les ventes officinales de ces médicaments s’élevaient à peine à 100 millions d’euros, en 2011 leur délivrance en ville a représenté un chiffre d’affaires de plus de 400 millions d’euros. » La coordinatrice de la soirée « Les pharmaciens à Eurocancer », organisée par l’UTIP Ile-de-France avec le concours du « Quotidien du Pharmacien », souligne ainsi la progression constante de la galénique orale dans la prise en charge en ville des cancers. Depuis 2004, date de l’ouverture de la réserve hospitalière, une trentaine de nouvelles molécules anticancéreuses sont en effet apparues sur le marché, de nouvelles classes thérapeutiques sont nées, dont beaucoup sont disponibles per os. « Des progrès qui ont contribué à la chronicisation de la maladie cancéreuse. »
La voie injectable longtemps préférée.
Pourquoi avoir attendu les années 2000 pour développer ces formes orales ? « Parce que, bien longtemps, les spécialités injectables leur étaient préférées », explique le Dr François Lemare, pharmacien, chef du département de pharmacie clinique (Institut Gustave Roussy, Villejuif). Il y a au moins trois raisons à cela, détaille-t-il : d’abord les principes actifs antitumoraux sont cytotoxiques, donc toxiques également pour la muqueuse digestive, ils présentent une marge thérapeutique généralement étroite, enfin la biodisponibilité par voie injectable est de 100 %. À l’inverse, la voie orale présente bien sûr quelques atouts non négligeables. Le confort d’une administration en ambulatoire, mais aussi l’absence de geste invasif et le respect de la qualité de vie pour le patient traité. Côté faiblesses, les chimiothérapies administrées per os font encourir le risque de mauvaise absorption (interactions avec l’alimentation et les co-traitements), et surtout, insiste le Dr Lemare, elles pénalisent l’observance et la coordination des soins. Assurer la coordination des soins, pour le pharmacien dispensateur, c’est penser à poser quelques questions : « qui donne l’accord de traitement ? Qui est en charge du suivi ? Qui le patient doit-il prévenir ou questionner en cas d’événement indésirable ? » Quant au respect de l’observance, il revient pour l’officinal à détailler le plan de prise et à expliquer les éventuelles interactions avec d’autres traitements en cours.
Quand l’absorption est perturbée.
Comme pour de nombreux médicaments, l’absorption des antitumoraux peut être perturbée par l’alimentation ou certains co-traitements. « Pas de problème avec les repas pour ce qui concerne le Xeloda ou la Navelbine, mais on observe par exemple une baisse de la biodisponibilité (BD) avec le Nexavar, et une hausse de celle-ci avec Tarceva ou Fludara », explique le Dr Lemare. Lorsque la BD est augmentée par l’alimentation, le conseil à donner doit toujours être le même : prendre le médicament en dehors des repas pour créer des conditions parfaitement répétables. Même conseil quand le repas abaisse au contraire la BD. Plus difficile à négocier est la gestion des interactions médicamenteuses, dit en substance le pharmacien hospitalier. Les séquestrants, tels la Colestyramine et l’Orlistat, abaissent naturellement la BD des anticancéreux administrés per os. Mais avec les modificateurs du pH gastrique c’est un autre phénomène qui entre en jeu : « les antiacides, antiH2 et autres IPP modifient le pH gastrique, ce qui peut avoir pour effet d’abaisser la solubilisation du principe actif. »
D’autres interactions, d’ordre métabolique, peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur l’absorption, et donc sur l’efficacité des chimiothérapies entreprises (voir encadré). L’ensemble de ces situations doivent être bien connues des officinaux qui restent, dans ce domaine thérapeutique sensible, le dernier rempart contre l’erreur de prescription.
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques
Logigramme, formation…
Le dépistage de la cystite en pratique