LA LOI HPST a cinq ans. Il n’est pas sûr pourtant que le bilan de son application soit bien épais. La plupart des objectifs qui y étaient fixés sont encore loin d’être acquis : meilleure coordination des soins, meilleur accueil des patients, tout cela dans une perspective intégrant également les contraintes économiques liées à la gestion de la santé en France. Pas facile de faire mieux avec moins d’argent. Dans ce cadre, les nouvelles technologies avaient et ont toujours une carte à jouer essentielle, de façon à rendre tangibles ces gains en matière de soins tout en respectant les contraintes économiques. Et plus encore pour les pharmaciens qui, d’une certaine manière, doivent lutter pour s’imposer comme acteurs à part entière dans la chaîne de soins. Même si leur position paraît évidente ainsi que le souligne Emmanuel Fretti, directeur général d’Isipharm : « dans le cadre d’une prise en charge des patients à la sortie de l’hôpital, le pharmacien reste toujours le référent, pour les médicaments, le matériel médical », le constat n’est pas toujours des plus réjouissants. Ainsi, Patrick Decker, directeur commercial d’Alliadis, observant l’essor des maisons de santé pluridisciplinaires, remarque qu’ils ne sont pas toujours concernés par ces créations, essentielles, selon lui, pour bâtir une meilleure coordination des soins. Résultat, ils risquent d’être les grands oubliés de la loi HPST s’ils ne font pas l’effort de conquérir une position centrale.
Une grande diversité d’offres
Mais la loi HPST est tellement vaste que cela concerne la quasi-totalité des objectifs de la pharmacie : impossible de l’envisager sous un angle global, c’est point par point que les officines peuvent s’y attaquer. Et en cela, les officines tous comme les spécialistes de l’informatique ne peuvent le faire qu’à partir du moment où le cadre légal est précis. C’est ainsi qu’après la Convention de 2012, organisant les relations entre les pharmaciens et l’Assurance-maladie, et l’avenant qui a édicté l’année suivante les règles relatives aux entretiens pharmaceutiques dans le domaine des AVK, l’ensemble de la profession se voit adresser de toutes parts des offres destinées à les aider, par le biais de produits et services, à gérer les entretiens pharmaceutiques. Les éditeurs de logiciels le disent en substance, la prudence est de mise, et tout ce qui vient des autorités, de l’Assurance-maladie à l’ASIP en passant par les ARS, est scruté, attendu, suivi à la lettre.
Deux fers au feu.
Dans le domaine des entretiens pharmaceutiques, les offres émanent des éditeurs de LGO, des groupements, des grossistes répartiteurs, parfois de laboratoires ou de nouveaux venus dans le monde du logiciel pour officines. Il arrive même que certains acteurs mettent deux fers au feu, à l’instar d’Astera, qui propose deux offres distinctes, la première, un service dédié conçu par la CERP Rouen, et la seconde, les fonctionnalités déjà existantes de Leo, le logiciel de gestion d’Isipharm et leurs évolutions. La coopérative a ressenti la nécessité de proposer une offre de services distincte, baptisée Mission Entretien Santé. « C’est un service que nous proposons, basé sur une plate-forme collaborative Internet, une pharmacie virtuelle qui aide nos clients dans sa démarche pour la mise en place et le déroulement des entretiens pharmaceutiques », explique Oana Crépin, responsable marketing répartition et VPC de la CERP Rouen. « Nous les avons interrogés sur leurs besoins, ils nous ont demandé méthodes et accompagnement. » La pharmacie virtuelle permet de dire quelles sont les tâches de chacun dans le cadre des entretiens pharmaceutiques, de former les titulaires à ces entretiens, notamment en montrant ce que sont de bons ou de mauvais entretiens. Ici, la technologie a avant tout valeur pédagogique, et utilise les outils multimédias pour parvenir à ses fins, comme par exemple la présence en voix off d’un coach tout aussi virtuel que la pharmacie proposée par cette plateforme. Mais rappelons qu’elle s’insère dans une offre de services plus globale, dans laquelle un coach, un vrai, aide à préparer les entretiens pharmaceutiques, de l’aménagement de l’espace conseil à l’accueil au comptoir. Ce service exclut le maniement de la donnée santé, apanage de Leo, le LGO de la coopérative.
C’est d’ailleurs l’argument principal avancé par les éditeurs de LGO : ce n’est pas comme si l’on ne partait de rien, affirment-ils en substance. « Cela fait 25 ans que les pharmaciens utilisent l’informatique et archivent de nombreuses informations, notamment relatives aux patients », déclare ainsi Emmanuel Fretti. Les éditeurs de LGO ont eu le temps de se préparer et de préparer les pharmaciens aux nouvelles missions prévues par la loi HPST. Ainsi les campagnes de prévention mises en place par exemple par Pharmagest, sont facilitées par la possibilité pour le pharmacien de puiser dans le réservoir d’informations contenues par le LGO : « en observant l’historique de délivrance, ainsi que des critères liés à l’âge, au sexe, il est facile d’identifier les patients directement concernés par une pathologie et d’entreprendre une action de sensibilisation auprès d’eux », affirme Jérôme Lapray, responsable marketing de l’éditeur. « Sur la totalité des campagnes que nous avons menées, 50 000 patients ont été interrogés, avec une participation de 1500 à 2000 pharmacies à chaque campagne, soit 15 % de nos clients », ajoute-t-il.
Suivi scrupuleux des consignes administratives.
Cela étant, l’existence de ces données ne suffit pas en elles-mêmes pour aborder la question des entretiens thérapeutiques. Les grands éditeurs de LGO ont ou s’apprêtent à proposer des applications dédiées. Pour Alliadis, c’est chose faite depuis près d’un an, avec « Mon suivi patient », une application cloud : gestion des rendez-vous, historique des entretiens, le suivi scrupuleux de ce que demande l’administration, notamment au niveau des questions et donc mises à jour autant que nécessaires. Pharmagest pour sa part s’apprête à lancer sa propre application, qu’il doit présenter à Pharmagora : la gestion des rendez-vous avec les patients, la messagerie avec eux, leur historique et l’historique de leurs entretiens, la connexion avec différents appareils, tensiomètres, ou encore l’intégration de suivi de constantes sont par exemple les caractéristiques de cette future application, également proposée en mode cloud. Dans les deux cas, les éditeurs avancent leur capacité à héberger des données de santé (grâce aux agréments adéquats obtenus auprès du Ministère de la Santé).
Ces avantages – données pré existantes combinées avec une application dédiée et hébergement – représentent-ils un avantage décisif ? Pour Geoffroy Vergez, directeur général d’Observia, un jeune éditeur, spécialisé surtout dans l’observance des traitements, « l’existence de données relatives aux patients sur un support unique est certes alléchante, mais seul le D P a vraiment légitimité à recueillir de telles données, ce qui à terme devrait sans doute être le cas. » Cet éditeur a été amené à travailler sur les entretiens pharmaceutiques à la demande de ses clients alors que sa spécialité est l’observance des traitements, ce qui est d’ailleurs lié au moins par rapport aux objectifs de la loi HPST, un meilleur parcours de soins passe aussi par une meilleure observance des traitements. « Une fois sur deux, le patient n’a pas compris soit le traitement, soit la pathologie elle-même », évoque Geoffroy Verrez. D’où la volonté de la société de proposer un outil interactif afin d’impliquer le pharmacien avec un support qui évolue en fonction de la compréhension du patient. Le logiciel Observia, commercialisé avec l’aide du laboratoire Sandoz (voir le Quotidien du Pharmacien du 10 mars dernier) permet par exemple de commenter une vidéo sans son en fonction des réactions du patient.
Coordination des soins.
La « légitimité » des acteurs sur ce créneau très précis des entretiens pharmaceutiques n’est pas un débat en soi, c’est au pharmacien de se faire son idée en fonction de ses besoins précis, informatique, conseil ou… rien, comme le prouve le témoignage de Laurent Mingeau (voir encadré ci contre), qui s’est lancé dans les entretiens pharmaceutiques avec comme seul support informatique le document pdf en ligne de l’Assurance-maladie. Faut-il également se projeter dans l’avenir, puisque finalement, le plus important est encore en gestation ? Les grands éditeurs travaillent sur des architectures qui permettront une meilleure coordination des soins entre les différents professionnels de santé, objectif stratégique de la loi HPST. Alliadis, par exemple, entend bien utiliser le potentiel que son appartenance au groupe Cégédim lui apporte. Présent auprès de 23 000 médecins et 17 000 paramédicaux, et les 9 000 clients pharmaciens d’Alliadis, le groupe développe des plates-formes susceptibles de s’articuler entre elles. Mais ce potentiel ne peut se concrétiser qu’à partir du moment où les autorités publiques auront édicté des règles claires. Le principal enjeu selon Patrick Decker est la sécurité des applications et des échanges. Les maisons pluridisciplinaires sont un cadre d’expérimentation idéal selon lui, « il ne s’agit pas d’avoir une seule informatique pour tous, mais un point de ralliement acceptable par tous. » Les leaders du marché du logiciel officinal ne sont pas seuls sur les rangs, Observia par exemple entend bien être un acteur à part entière en termes de technologie au service de la loi HPST.
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