Mercredi 22 avril, Hervé Jonathan, sous-préfet de Bayonne, a choisi la pharmacie de Pierre Béguerie*, à Bidart (Pyrénées-Atlantiques), pour rappeler devant la presse que le pharmacien est un premier recours pour les victimes de violences familiales.
« Par ses capacités d’accueil, d’écoute, son respect de la confidentialité, il peut jouer ce rôle d’intermédiaire entre les victimes et les forces de sécurité… Il est parfois plus facile de parler dans une pharmacie que d’appeler le 17. » En Nouvelle-Aquitaine, responsables préfectoraux, élus, gendarmes, policiers, appuyés par des représentants de l’Ordre ou des syndicats de pharmaciens, ont multiplié les alertes face à la montée des violences domestiques : + 40 % envers les femmes depuis le confinement en Pyrénées-Atlantiques ; + 70 % des interventions pour violences intrafamiliales en zone police et + 21 % en zone gendarmerie en Gironde, entre le 17 mars et le 6 avril, par rapport à 2019. « Dans les Landes, nous avons diffusé auprès de tous les pharmaciens la feuille de route de l’Ordre, la liste des associations d’aides aux victimes et le code d’alerte », indique Jean Watier, pharmacien à Lit-et-Mixe (Landes) et conseiller ordinal. En effet, dès le début du confinement, le ministère de l’Intérieur et les instances ordinales ont placé le pharmacien au cœur du dispositif de signalement des violences familiales. Son appel vaut intervention immédiate des forces de l’ordre.
Formation
Une nouvelle mission qui ravit Christine Salavert-Grizet, secrétaire générale de l’URPS pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine : « C’est ce que je demande depuis des mois. L’idée n’était d’ailleurs pas toujours bien accueillie par mes collègues hommes et âgés… » Pionnière en matière de défense des femmes, elle avait déjà attiré l’attention de l’Ordre et de l’URPS en réalisant, l’an dernier, un documentaire poignant sur une pharmacienne victime de violences conjugales : « Les confrères ne sont pas toujours bien informés sur ce phénomène, précise-t-elle. Il y a beaucoup de préjugés, y compris chez les femmes. Pourtant chaque année, en France, on compte près de 150 féminicides et 220 000 femmes victimes de violences conjugales. Cela fait 10 par officine ! Il faut donc se former pour avoir la bonne attitude. J’ai suivi une formation NousToutes**, appris ce qu’il faut dire à une victime : “vous avez bien fait de venir m’en parler… la loi interdit ce que vous subissez… je vais vous aider…”. C’est aussi ce que recommande l’Ordre. Il ne faut pas aller plus loin, pour protéger nos collaborateurs, car ces échanges peuvent être très violents si l’on n’est pas préparé. »
Une mission à pérenniser
De nombreux pharmaciens souhaitent que cette nouvelle mission perdure après la crise sanitaire. « Dans les Landes, nous avons décidé de faire un bilan en fin de confinement, avec les associations et la préfecture, explique Jean Watier. Mais c’est une mission de santé publique que le pharmacien doit s’approprier, car elle génère de la confiance envers la profession. »
« Et elle sauve des vies ! souligne Christine Salavert-Grizet. Ouverte tous les jours, sans rendez-vous et avec un espace de confidentialité, l’officine est parfaitement adaptée à la prévention et au dépistage des violences familiales. »
* Président du conseil central de la section A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens.
** Deux exemples de formations gratuites en ligne proposées par :
- Le réseau féministe NousToutes (violences sexuelles et violences au sein du couple, durée 2 h 30). www.nous-toutes.com ou NousToutesOrg sur Facebook, ou Formations #NousToutes sur Twitter.
- Le Comité pour la Valorisation de l’Acte Officinal (web conférence, 40 minutes) : lutte contre l’enfermement des victimes de violence conjugale, outils opérationnels pour le pharmacien. http://www.cvao.org/
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