COMMENT améliorer l’observance des traitements et la compréhension des prescriptions ? Au Royaume-Uni, les autorités sanitaires ont misé sur les pharmaciens pour s’acquitter de ces tâches. À l’origine de cette démarche, un constat. Trop de patients souffrant de maladies chroniques ne suivent pas leur traitement. Pire, ils passent à côté d’une prise en charge adaptée. Ainsi, 91 % des patients asthmatiques ne savent pas utiliser leur inhalateur. Autre exemple, la moitié des patients hypertendus sont dépistés. « Or, parmi ces derniers, seulement 50 % sont traités, dont 50 % de manière optimale… De sorte que l’on peut dire que seulement un cinquième des patients reçoivent un traitement adéquat », expose Fin Mc Caul, président de la fédération de la pharmacie indépendante (IPF) au Royaume-Uni.
Face à ces constats - et sachant que devant des urgences saturées, les patients britanniques se rendent chez le pharmacien en premier recours, avant même le généraliste - le National Health Service (NHS) a renforcé les missions des officinaux au cours de la dernière décennie.
Faites le bilan.
Ainsi, dès 2005, le pharmacien est chargé de réaliser des bilans personnalisés d’usage des médicaments. Baptisé MUR (pour Medicine Use Review), ce service financé par le NHS s’adresse à toute personne qui prend plusieurs médicaments, et en priorité à ceux qui consomment des médicaments à haut risque (AINS, anticoagulants, antiplaquettaires, diurétiques), aux patients sortis de l’hôpital et dont la prescription a été modifiée, aux patients atteints de maladies respiratoires (asthme, BPCO…), et enfin, aux patients à risque ou atteints d’une maladie cardio-vasculaire et prenant régulièrement plus de quatre médicaments.
« En pratique, le pharmacien propose au patient de discuter de son traitement et le reçoit dans une espace de confidentialité. Il lui demande s’il sait à quoi servent ses médicaments, s’il les prend bien, s’il respecte les posologies, s’il ressent des effets secondaires et lesquels », explique Sue Sharp, P-DG du Comité de négociation en services pharmaceutiques (PSNC) au Royaume-Uni. Cette rencontre est aussi un moment privilégié pour le patient, car il pourra poser toutes les questions qu’il souhaite sur son traitement. Enfin, le pharmacien remplit un formulaire faisant le bilan de l’entretien, dont un exemplaire sera remis au patient et un autre adressé au médecin. « La rémunération est de 34 euros pour un entretien de MUR », ajoute Sue Sharp.
Cinq ans après la mise en place de ce service pharmaceutique, le succès est au rendez-vous. Selon un sondage national, 93 % des patients déclarent qu’ils suivront les conseils du pharmacien concernant leur traitement, et 84 % estiment que leurs connaissances sur leurs médicaments et la façon dont il faut les prendre se sont améliorées. Près de 58 % ont trouvé le MUR très utile. De leur côté, 80 % des pharmaciens déclarent avoir fait des recommandations aux patients durant le MUR, essentiellement des remarques concernant le mode de vie et l’observance. Quant aux médecins, au début très réticents, la moitié d’entre eux a fini par reconnaître que le service MUR a été bénéfique pour les patients.
Les quatre cibles du NMR.
Ensuite, en octobre 2011, un second service concernant l’analyse des prescriptions par le pharmacien a été lancé, toujours financé par le NHS. Il s’agit du NMR ou « nouveau service de médecine ». Ce service est proposé par le pharmacien aux patients qui viennent de commencer un nouveau traitement dans l’asthme/BPCO, le diabète de type 2, l’hypertension ou un traitement antiplaquettaire/anticoagulant. L’objectif final est d’améliorer dans ces quatre cas l’observance des patients, d’augmenter leur implication dans la gestion de leur traitement, de réduire le gaspillage de médicaments, de limiter les admissions à l’hôpital en raison d’effets secondaires, etc.
« En pratique, dans le cadre du NMR, les pharmaciens britanniques rencontrent les patients à trois reprises (recrutement, 7-10 jours, puis 28 jours). La rémunération est de 32 euros pour une intervention », détaille Sue Sharp. Selon les données recueillies en 2012, plus de 90 % des pharmaciens ont fourni au moins une fois ce service. Avec un bilan positif, puisque l’observance s’est améliorée de 10 %, selon une étude menée en 2014 (65 % dans le groupe témoin versus 75 % dans le groupe NMS).
Un dossier médical numérique.
Au-delà de ces suivis très cadrés, d’autres services ont été proposés dans les officines : la vaccination, le suivi contraceptif, le sevrage tabagique… Ces offres font souvent l’objet de contrats entre l’échelon local du NHS et les pharmaciens. Ces derniers sont soumis à la visite d’un inspecteur qui contrôle la qualité de la prise en charge. « Ce processus de contrôle a qualifié le travail de la plupart des pharmaciens de satisfaisant », regrette presque Fin MC Caul, qui souhaiterait encore davantage de rigueur.
Par ailleurs, d’autres initiatives sont intervenues au cours des dernières années, comme la mise en place d’un dossier médical pharmaceutique doté d’un service de prescription électronique transitant par un cloud. Cette innovation parachève le positionnement du pharmacien dans le suivi du traitement. « Avant, les prescriptions mettaient deux jours à nous parvenir. Aujourd’hui, il suffit de deux minutes et, le plus souvent, elles arrivent à l’officine avant le patient », se félicite Fin Mc Caul. Mais surtout, 95 % des patients disposent d’un dossier médical électronique. Grâce à cela, « 50 % des médicaments prescrits le sont aujourd’hui par voie électronique et je reçois sept ordonnances sur dix en format électronique », constate le pharmacien.
Autrefois réduit aux urgences et aux gardes du week-end, le dossier médical numérique s’est étendu à toutes les prescriptions. Il notifie également les allergies. « Tous les pharmaciens l’utilisent pour vérifier les ordonnances », affirme le président de l’IPF. De quoi faire pâlir la France qui peine à mettre en place le dossier médical partagé.
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