Le Quotidien du pharmacien.- Comment pouvons-nous définir l’OBO, le « owner buy out » ?
Joël Lecoeur.- Il s’agit d’une opération appelée communément « vente à soi-même ». Un pharmacien qui exerce en entreprise individuelle peut créer une structure société style SELARL à laquelle il revend son fonds de commerce. À ce titre, il réalise une partie de son patrimoine professionnel par le biais de la vente. C’est un montage qui existe depuis de nombreuses années. Les premières ventes à soi-même remontent, en pharmacie, au milieu des années 1990. Le décret d’application sur les SEL date du mois d’août 1992, les premiers OBO en pharmacie ont eu lieu dès 1993-1994. Si ce pharmacien exerce déjà en société, il a la possibilité de vendre ses parts à une SPF-PL, la société de participation des professions libérales. Cela lui permet là aussi de réaliser une partie de son patrimoine professionnel.
Quel est l’intérêt pour le pharmacien d’envisager un « OBO » ?
L’intérêt est surtout de réaliser une partie du patrimoine professionnel car, souvent, la part prépondérante du patrimoine du pharmacien est son outil de travail, sa pharmacie. L’OBO lui permet donc de réaliser une bonne partie de son patrimoine professionnel tout en restant en exercice dans sa propre officine. Dans les années 1980, la tendance était au nomadisme, les pharmacies changeaient de mains tous les 5 à 7 ans. Si le pharmacien en place dans l’officine souhaite la garder jusqu’à son départ à la retraite, l’opération d’OBO lui permet de sécuriser son projet et de joindre l’utile à l’agréable en réalisant un capital sans changer de vie professionnelle.
Quels peuvent être les aspects fiscaux ou financiers intéressants ?
L’aspect principal est surtout patrimonial et financier c’est-à-dire que cela permet de faire un arbitrage entre patrimoine professionnel et patrimoine privé, de réaliser une partie du patrimoine professionnel au bénéfice du patrimoine privé. Cela permet aussi de répartir le risque patrimonial car nous pouvons nous poser la question du prix des officines dans 10 ou 20 ans, donc peut-être faut-il mieux « tenir que courir », réaliser une partie de son prix tant que la pharmacie a encore une certaine valeur. Il s’agit alors de réendetter la pharmacie à un niveau acceptable et de faire fructifier ce patrimoine à l’extérieur. Vous faites fructifier ce patrimoine privé, lequel peut être de plusieurs ordres : l’acquisition d’une résidence principale ou secondaire, des investissements immobiliers locatifs, des placements financiers ou autres, voire l’investissement dans d’autres pharmacies. L’intérêt est surtout patrimonial, la mise en place d’un OBO par la seule approche fiscale serait une erreur.
Alors justement, l’OBO peut-il protéger le patrimoine personnel ?
Concernant la protection du patrimoine personnel, elle est en rapport avec le nouvel emprunt contracté. En fait, c’est le nouvel emprunt qui va servir à financer l’OBO. Il faut limiter les garanties. Les garanties principales sont soit le nantissement du fonds de commerce, soit le nantissement des parts sociales. Et il faut éviter, autant que faire se peut, de donner trop de garanties personnelles. Si le pharmacien doit donner une caution, il faut bien évidemment la délimiter tant dans son montant que dans sa durée. On peut considérer que sur un nouvel emprunt de 1 500 000 euros, un montant de 150 000 à 300 000 euros de garanties personnelles devrait suffire pour garantir le banquier. Il ne faut donc pas « remettre sur la table » la totalité de son patrimoine personnel ainsi dégagé.
Si on se place du côté de la fiscalité, l’OBO est-il un moyen de l’optimiser ?
Il faut éviter de parler de fiscalité car, dans la notion d’OBO, deux notions sont fondamentales : l’abus de droit et l’acte anormal de gestion. L’abus de droit est caractérisé par le fait de réaliser un montage pour éluder principalement de la fiscalité, de payer des impôts, donc il ne faut surtout pas aborder le principe de la fiscalité. Il n’y a pas d’économies fiscales, il y a simplement une optimisation patrimoniale, la fiscalité n’est pas le débat. Pour éviter l’abus de droit et l’acte anormal de gestion, l’opération doit se faire dans des conditions normales, c’est-à-dire que la valorisation de l’officine servant à faire l’OBO soit conforme au marché, au prix moyen des officines. Ce montant ne doit pas être sous-estimé ni surestimé car l’administration fiscale pourrait requalifier le montage, d’où l’importance de le réaliser dans des conditions normales.
Quelles sont les conséquences économiques pour l’entreprise ?
En réalité, il n’y a pas vraiment d’économie fiscale puisque l’on réendette la structure, on rembourse un nouvel emprunt. S’il s’agit d’une cession d’entreprise individuelle, l’impôt sur les sociétés remplacera l’impôt sur le revenu. Si on rachète des parts de société, on va pouvoir remonter les dividendes finançant l’emprunt sous le régime mère-fille. Il faut savoir qu’en OBO, le régime de l’intégration fiscale n’est pas possible puisque l’amendement Charasse ne permet pas de déduire les intérêts d’emprunt. Il faut vraiment oublier la notion de fiscalité, et encore une fois raisonner par une approche patrimoniale. L’intérêt de l’OBO est d’optimiser le patrimoine et surtout de réaliser une partie du patrimoine professionnel au profit du patrimoine personnel. Je pense que s’il y a qu’une seule notion à retenir, c’est celle-là. Si nous abordons uniquement le côté fiscal, je pense que nous avons tout faux.
La vigilance s’impose donc. Quels conseils donner aux pharmaciens ?
Il faut être prudent sur l’OBO. La nouvelle société constituée qui rachète le fonds ou les parts sociales ne doit pas se retrouver en difficulté financière. Il convient donc de vraiment bien calibrer l’opération, que le montage soit sécurisé et que la nouvelle structure puisse faire face sans difficultés aux échéances de son nouvel emprunt. Il faut vraiment s’entourer de professionnels spécialisés, qu’il s’agisse d’un expert-comptable ou d’un avocat spécialisé dans l’officine. Ce sont des opérations relativement complexes sur des sujets où il ne faut pas faire n’importe quoi. L’élément fort à retenir est : j’ai trouvé la pharmacie qui me convient, je n’ai pas forcément la velléité à en changer mais nonobstant, tant que je n’ai pas réalisé mon capital professionnel, si je peux le faire tout en restant en activité dans l’officine que j’ai choisie et que je peux l’exploiter une dizaine d’années… Je pense que c’est une bonne opération à conseiller aux pharmaciens, mais il faut la manier de façon prudente et responsable.
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