Sous couvert d’anonymat, un pharmacien de Haute-Saône explique dans un article publié par « L’Est républicain » pourquoi il a décidé d’afficher un « mur des voleurs » dans son officine : des vols de plus en plus nombreux depuis le début de l’année et quatre plaintes qui n’ont pas abouti même si elles étaient étayées par des images de vidéosurveillance. Les larcins concernent souvent des produits cosmétiques vendus à des prix modiques mais qui, additionnés, ne sont pas sans conséquence sur la santé économique de l’officine. Alors, pour dissuader les voleurs de revenir se servir dans ses rayons, le pharmacien a affiché les photos de ses voleurs au-dessus de son comptoir. Une initiative qui n’est pas inédite mais, dans le cas de cet officinal, les visages des personnes soupçonnées de vol ont été floutés. « On identifie quand même le physique et la corpulence de la personne. Le voleur qui se reconnaît ne va pas revenir », explique le pharmacien au quotidien local.
Présomption d’innocence
Diffuser des photos de personnes sans leur consentement, même si ces dernières se sont rendues coupables de vol, est cependant une pratique illégale. L'article 226-1 du code pénal indique clairement que le fait de « fixer, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé », constitue un délit, passible d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. De plus, afficher la photo ou une image représentant un individu en lien avec le qualificatif de « voleur » peut aller à l’encontre de la présomption d’innocence et exposer la personne à l’origine de l’affichage de la photo à un risque de plainte pour diffamation. Si la loi sur ce sujet paraît parfaitement claire, qu’en est-il si les images de personnes sont floutées comme c’est le cas avec ce pharmacien de Haute-Saône ?
Cette précaution est-elle suffisante pour protéger le titulaire d’éventuelles poursuites ? Me Éric Thiébaut, avocat pour le cabinet Juris Pharma et inscrit au barreau de Nevers, met en garde les officinaux qui seraient tentés d’imiter cette initiative. « Il n’y a pas que le visage qui peut permettre d’identifier une personne. Un tatouage, un piercing, une bague, une coupe de cheveux, un grain de beauté… Tous ces éléments peuvent suffire à faire un lien avec un individu », souligne l’avocat, flouter seulement le visage est donc loin d’être suffisant pour être dans la légalité. « Si cela va jusqu’au tribunal, l’officinal peut écoper d’une sanction pénale (voir ci-dessus), vraisemblablement une amende s’il n’est pas récidiviste. Le pharmacien n’est pas non plus à l’abri d’une sanction disciplinaire venant du Conseil national de l’Ordre. » En conclusion, si elle peut être tentante et avoir un réel effet dissuasif, l’idée d’afficher « un mur des voleurs » dans son officine peut donc être extrêmement risquée pour un pharmacien, même si ce dernier utilise des images floutées.
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