Jusqu'au 31 janvier, les grandes et moyennes surfaces (GMS) sont autorisées à vendre des autotests Covid. Une victoire pour les acteurs du secteur, qui ne sont pas privés d'attaquer durement les pharmaciens depuis plusieurs jours. Alors que les officinaux sont désormais invités à délivrer deux autotests pris en charge par l'assurance-maladie aux cas contact, ils doivent faire face aux tensions d'approvisionnement.
Considéré longtemps comme le parent pauvre des tests Covid, l'autotest est sans conteste la star de ce début d'année 2022. Autorisée à les vendre jusqu'à la fin du mois, la grande distribution ne s'est pas privée d'en garnir ses rayons, et de le faire savoir, tout en adressant des tacles appuyés aux officinaux, seuls à pouvoir les commercialiser jusqu'à présent. Le 30 décembre, Michel-Edouard Leclerc a annoncé que son enseigne les vendrait « à prix coûtant », soit au prix d'1,24 euro l'unité. « L'ouverture à la concurrence profite au consommateur, (elle) fait baisser les prix des autotests. Nos acheteurs obtiennent des prix de plus en plus compétitifs », a claironné le président du comité stratégique du groupe E.Leclerc sur « BFM TV ». Boite de 5 autotests à 9,75 euros chez Carrefour et même à 6,20 euros dans les magasins Système U… l'ouverture de la vente aux GMS, jusqu'au 31 janvier, a en effet permis de casser les prix. Dans les journaux télévisés, des directeurs de grande et moyenne surface se gargarisent du service rendu à la population. Ils ne manquent pas de critiquer les pharmaciens, coupables selon eux de ne pas toujours conseiller les patients sur leur mode d'utilisation.
Ce revirement sur les autotests a bien sûr été vivement critiqué pas les représentants des pharmaciens. Une décision « incompréhensible et risquée pour la santé publique » ont dénoncé de concert le CNOP, l'USPO, la FSPF, l'UDGPO, Federgy et l'ANEPF dans un communiqué. « Le gouvernement a pris une décision sans aucune concertation avec les professionnels de santé, ni stratégie définie (...) Nous attendons du gouvernement une clarification immédiate et une stratégie pour que les patients symptomatiques et contacts n’échappent pas, par l’utilisation d’autotests, au suivi de l’épidémie », avaient demandé les 6 organisations le 29 décembre. Un appel auquel l'exécutif a répondu, d'une certaine manière, en autorisant la prise en charge de deux autotests pour les personnes officiellement déclarées comme cas contact. Ce qui risque d'accentuer un problème auquel les pharmaciens sont déjà confrontés : celui de l'approvisionnement.
Les chiffres sur les ventes d'autotests donnent en effet le tournis. Avant même qu'ils ne soient commercialisés en GMS, six millions d'autotests ont été achetés lors de la semaine précédant Noël si l'on en croit le décompte d'Olivier Véran. Il y a une semaine, près de 6 pharmacies sur 10 se trouvaient déjà en rupture selon les chiffres du porte-parole de l'USPO, Gilles Bonnefond. Le changement de doctrine sur les cas contacts ne va rien arranger, alerte la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP), Carine Wolf-Thal, qui s'en est émue sur « France Info ». « Ça va être très compliqué car la nouvelle stratégie a été annoncée hier (dimanche). Les pharmaciens n'ont pas anticipé les commandes massives d'autotests qui vont arriver dès aujourd'hui (...). Les distributeurs de tests ont été asséchés par la grande distribution », regrette-t-elle. Si les officinaux peinent, et vont peiner, à se réapprovisionner auprès des grossistes, la GMS, elle, n'a pas les mêmes soucis. « Pas d'inquiétude sur les stocks, les volumes sont au rendez-vous ! », plastronnait Michel-Edouard Leclerc ce week-end.
Des propos tenus par le ministre de la Santé devant la commission des lois de l’Assemblée nationale le 29 décembre montrent en tout cas que les GMS avaient parfaitement préparé leur affaire. « Les pharmacies ont distribué plus d’autotests en quelques jours que sur les six derniers mois de l’année. De l’autre côté, il y a des acteurs des GMS qui avaient acheté des autotests, je ne sais pas combien, qui ont dit pouvoir les mettre à disposition sur la période », a déclaré Olivier Véran.
De son côté, OCP déplore cette attitude qui est probablement, en grande partie, responsable des ruptures de stocks ponctuelles que les répartiteurs pharmaceutiques et les pharmaciens ont rencontré ces dernières semaines. « Il est anormal qu’en France des acteurs parient sur une autorisation de vente et constituent en toute discrétion des stocks précieux alors que des tensions d’approvisionnement existent. De tels comportements génèrent souvent des pénuries et désorganisent totalement le circuit de ville, la chaîne d’approvisionnement des pharmacies », dénonce Hubert Olivier, président d'OCP.
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