« La baisse de 0,5 % en 2015 de la consommation de médicaments résulte d’une nouvelle diminution des prix (-4,0 %) et d’une hausse modérée des volumes (+3,6 %) » (Compte de la santé 2015, DREES*). Pour la 15e année consécutive, la DREES constate une augmentation des volumes, parce qu’elle traite d’une façon linéaire le chiffre d'affaires (CA) prix public de la consommation médicamenteuse comme nous, nous traitons le montant de la marge de notre réseau.
Il est admis que la France est la plus grosse consommatrice de boîtes par habitant (du en grande partie au conditionnement du paracétamol et à son remboursement). Cette consommation est de 48 boîtes par an et par habitant, or si l’on reprend les augmentations de volumes relevées par la DREES avec son mode de calcul (+ 3 % par an de 2010 à 2013, 6,60 % en 2014 et 3,6 % en 2015), la consommation de boîtes par habitant serait passée de 48 boîtes en 2010 à 58 boîtes en 2015, sans que quiconque ait relevé cette augmentation de 10 boîtes par an (+ de 20 %). Il est à noter que si l’on affecte les augmentations de volumes détectées chaque année par la DREES depuis 2000, la consommation annuelle de boîtes par habitant dépasserait largement les 75 boîtes !
Les analyses linéaires sont devenues impossibles
Les écarts de PFHT entre références étant dans un rapport de 1 000 à 5 000 pour les médicaments que nous dispensons à l’officine et dans un rapport de 1 000 à 14 000 en intégrant la rétrocession hospitalière, et notre rémunération n’étant plus linéaire depuis plus de 25 ans et se situant dans un rapport de 1 à 120 entre références en 2015 (1 à 100 depuis janvier 2016), les analyses linéaires des montants macroéconomiques du CA prix public ou de la marge du réseau n’ont plus aucune signification et sont même carrément impossibles.
« Les indices de prix des médicaments (spécialités remboursables et spécialités non remboursables) sont calculés par l’INSEE » (Compte de la santé 2015, DREES).
Le prix du médicament remboursable est réglementé et, en 2015, le réaménagement de la rémunération de la profession, lié à la baisse du prix public d’un nombre conséquent de références à PFHT élevé programmée dans le PLFSS, a entraîné une diminution du prix moyen du médicament remboursable calculé par l’INSEE à partir de l’indice des prix à la consommation. Le traitement linéaire du CA de la consommation ville des médicaments remboursables (division du CA par le prix moyen) aboutit donc à une augmentation mécanique des volumes quand le prix moyen baisse.
En 2014 la rétrocession hospitalière des médicaments pour l’hépatite C a représenté un CA supplémentaire de 1,1 Mds d’€. Traité linéairement par la DREES, ce CA aurait été responsable d’une grande partie de la progression de 6,6 % des volumes en 2014, avec 110 millions de boîtes dispensées alors qu’en réalité moins de 80 000 unités l’ont été.
Un schéma inadapté depuis longtemps
L’évolution de la consommation ville en médicaments suit l’augmentation naturelle des traitements chroniques aboutissant à une augmentation faible mais régulière des volumes de médicaments à PFHT élevé. Le traitement linéaire de ce CA par la DREES masque cette réalité en utilisant un schéma inadapté depuis très longtemps, puisqu’il est acquis que, comme le volume total des médicaments remboursables n’a que très peu varié depuis plus de 10 ans, les variations de CA en prix public ne sont plus liées aux variations de volumes mais aux variations de leurs typologies.
En corroborant les chiffres statistiques de la profession avec ceux du LEEM et ceux de la DREES, il apparaît un décalage important sur les CA des médicaments remboursables et non remboursables fournis par la DREES qui sont régulièrement surévalués.
Pour 2015, le CA des médicaments remboursables donné par la DREES est de 27 Mds d’€ alors que le CA statistique de la profession est de 25,9 Mds.
Avec un CA PFHT de 18,6 Mds d’€ et des prix publics encadrés, le CA prix public peut être apprécié précisément et se rapproche du CA statistique de la profession. Un même CA PFHT, avec des volumes connus et des marges réglementées, ne peut pas engendrer deux CA prix public différents et celui de la DREES, établi par l’INSEE sur un nombre de pharmacies très supérieur à celui du réseau (Ferrante, INSEE 2014), est incohérent.
Pour les médicaments non remboursables, le CA de la consommation fourni par la DREES est aussi surévalué si on le compare aux statistiques professionnelles et aux volumes d’achat donnés par le LEEM pour les mêmes raisons que précédemment.
En abandonnant les analyses linéaires, qui font apparaître des augmentations de volumes inexistantes ou qui font disparaître la concentration des dépenses, au profit d’analyses qualitatives sur les volumes et le CA prix public, on arrive à des résultats tout à fait différents.
Pour les volumes, les médicaments de la réserve hospitalière rétrocédés ou dispensés en officine représentent moins de 8,5 millions de boîtes annuelles, soit moins de 0,3 % des volumes et n’influent donc pas sur la moyenne de boîtes consommées annuellement par habitant.
En CA prix public, ces mêmes médicaments représentent 6 Mds d’€ et influent directement sur la dépense moyenne par habitant puisqu’ils représentent une dépense annuelle moyenne de 92 € par habitant.
En tenant compte de la surévaluation du CA de la consommation ville de 2,4 Mds d’€ et du CA de la réserve hospitalière de 6 Mds, la dépense médicamenteuse globale ville se rapportant aux 48 boîtes par habitant et par an aurait été en réalité de 25,4 Mds en 2015 soit une dépense moyenne de 390 € par an et par habitant, très proche de la moyenne européenne, au lieu des 520 € publiés par la DREES.
Changer d'approche
Les comptes de la santé donnent chaque année des conclusions qui ne peuvent qu’encourager les pouvoirs publics à poursuivre leur stratégie de baisse de prix puisque la dépense médicamenteuse est systématiquement liée aux volumes. Mais on ne peut plus passer à côté du fait que quelques centaines de milliers de personnes occasionnent près de 20 % des dépenses médicamenteuses ou que les 17 millions de chroniques représentent 90 % de cette dépense.
Notre rémunération est liée à la ventilation de nos dispensations. Si les dispensations pour 17 millions de chroniques représentent 90 % de la dépense, elles représentent la plus grosse partie de notre rémunération avec un peu moins de 40 % des dispensations annuelles.
Il nous faut donc changer l’approche que nous avons de la répartition des dépenses de santé ou de la répartition de notre rémunération. Pour cela, nous devons abandonner les analyses linéaires et adopter les analyses qualitatives seules aptes à nous permettre de proposer une réforme cohérente s’appuyant sur une analyse objective de la dépense médicamenteuse pour un mode de rémunération adapté à la typologie de nos dispensations.
* Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques
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