Avec 544 officines (sources ARS) recensées au 1er juin 2018, l’ancienne région Auvergne déplore depuis 2012 la disparition de 40 pharmacies, dont 22 au cours de ces trois dernières années. Ce phénomène inquiétant avait déjà retenu l’attention de la profession dès la fin 2015, qui notait une augmentation notable de fermetures dans les départements de l’Allier et du Puy-de-Dôme.
Le 25 janvier 2017, l’interprofession auvergnate s’est mobilisée sur le sujet, organisant une matinée de grève très suivie à l’appel de l’USPO. Objectif : sensibiliser les pouvoirs publics sur une situation menant inéluctablement à la désertification de certains territoires. Raisons évoquées, une économie officinale dégradée, sur fond d’augmentation des charges, de baisse des marges, de négociations difficiles avec les caisses sur les indus, de facturation, de tiers payant, etc.. Autres réalités contribuant à cet état, la fragilité financière d’un espace très rural, le vieillissement accentué de la population pharmaceutique – 50,4 ans de moyenne d’âge contre 49,9 au niveau national — le retrait de nombreux prescripteurs devenus retraités, mais non remplacés, l’attractivité locale en berne.
Enrayer le déclin
Consciente du problème, l’ARS de l’ancienne région avait lancé, début 2016, un « plan de lutte » destiné à enrayer ce déclin, basé sur 24 propositions, rédigées en partenariat avec les différentes organisations professionnelles. Malheureusement, l’application de ce plan a été suspendue dans l’attente de la publication de la future ordonnance officines, et de ses décrets, annoncée pour juillet.
« Néanmoins, nous avons mis en œuvre certaines mesures, explique-t-on à l’ARS clermontoise. Nous continuons à le faire, et même nous amplifions, dans le domaine des structures de santé professionnelles de proximité, ainsi que l’expérimentation relative à la vaccination par les officinaux (grippe notamment). Par ailleurs, le projet régional de santé, publié le 14 juin dernier, pose la problématique de la désertification, avec pour objectif la garantie de l’accès aux médicaments sur tout le territoire. Bien que le maillage officinal soit globalement assuré, nous devons tenir compte des disparités spécifiques à notre territoire, et nous savons que les fragilités de ce dernier peuvent s’aggraver. »
Attendre et voir
L’ARS ex-Auvergne évoque également le schéma régional de santé qui prévoit dans les prochaines années différentes démarches, comme la poursuite du diagnostic sur la fragilité de certains départements, et les remèdes apportés : installations dérogatoires, accompagnements financiers permettant de maintenir l’offre pharmaceutique. Piste également retenue, l’accompagnement des pharmaciens dans la mutation de leur exercice – nouvelles réglementations, nouvelles missions – mais aussi encourager l’implication des pharmacies dans les MSP ou autres structures de proximité.
« La mise en œuvre des ordonnances facilitera également les transferts et regroupements dans les zones identifiées comme fragiles », complète l’Agence. Une mise en œuvre très attendue du côté syndical, sur le contenu de laquelle le nouveau président régional de l'USPO (nommé en décembre dernier), Nicolas Verdier, installé à Clermont, reste attentif. « On verra ce qu’elle détaillera, résume-t-il, mais tout ce qui est évoqué par l’ARS est évidemment réel. L’arrêt de leur plan est issu de la construction de la nouvelle grande région, mais leur analyse s’appuie sur des évidences. Contrairement aux déserts médicaux, les déserts pharmaceutiques n’existent pas dans l’ancienne Auvergne. On parlera plutôt de « zones fragiles », et vous constaterez que les fermetures ont eu lieu, pour la plupart d’entre elles, dans des bassins non sinistrés comme le Puy-de-Dôme. Les solutions au maintien des officines sont connues, entre regroupements, ou transferts, mais aussi le développement de certaines missions, comme ce que l’on pourrait appeler « les consultations pharmaceutiques » (pour médicaments de première urgence bénigne, type gastro, rhino, allergie, etc..), ou la télémédecine. Mais n’oublions pas que la cause est à aller chercher en grande partie dans la baisse du nombre de patients et de prescripteurs. Un manque de rentabilité (avec des tâches administratives grandissantes) qui met en péril notre maillage est également à retenir. Bien sûr, ce n’est pas parce que les médecins disparaissent que les malades s’en vont, il faut donc pouvoir persister à assurer la continuité des soins. Notre profession connaît des mutations, entourée de dangers menaçants, comme les ventes de médicaments peut-être bientôt dans les grandes surfaces. Notre syndicat, qui réuni en ex-Auvergne 260 adhérents (soit 50 %) reste vigilant. Nous observerons ce qui va nous être présenté, et nous réagirons. »
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