L’Europe a connu quatre fois plus de cas de rougeole en 2017 qu’en 2016, soit 21 315 personnes infectées, et 35 décès. Un pays sur quatre est touché. La France n’est pas épargnée, avec 1 424 cas déclarés au 3 avril 2018 depuis le 6 novembre 2017, selon Santé publique France.
L’ampleur de cette épidémie de rougeole, associée au risque de réintroduction du poliovirus en Europe et à une vaccination antigrippale bien loin de l’objectif de 75 % pour les personnes âgées n’a pas laissé indifférente la Commission européenne. Celle-ci prépare depuis décembre 2017 une feuille de route se confrontant à trois problèmes : la baisse de la couverture vaccinale, les ruptures de stocks, et l’augmentation de l’hésitation vaccinale. L’objectif : qu’une recommandation du Conseil soit adoptée mi 2018 pour renforcer la coopération autour de la prévention vaccinale, seul outil permettant d’éliminer les maladies transmissibles, comme le précisent les Objectifs du développement durable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
C’est dans ce cadre que le Conseil consultatif européen des Académies des sciences (European Academies’ Science Advisory Council, EASAC) et la Fédération européenne des Académies de médecine (FEAM), que préside le Pr Bernard Charpentier, publient 10 recommandations pour améliorer la vaccination.
Adapter les réponses selon les pays…
Au vu de l’extrême hétérogénéité des taux de couverture vaccinale en Europe, les Académies insistent sur l’importance d’identifier les problématiques pays par pays pour mettre en place des interventions sur-mesure. Elles suggèrent de recourir à l’outil de l’OMS « TIPS » (tailoring immunization programmes). Au lieu de viser une « normalisation des programmes de vaccination » (en termes de calendrier et de doses) comme le suggère la commission européenne, « effort énorme et vain », les Académies préfèrent favoriser l’échange de bonnes pratiques, pour comprendre comment certains pays parviennent à maintenir un taux élevé de vaccination, ou encore dans quelles conditions l’obligation vaccinale peut se révéler pertinente. Elles suggèrent le développement de registres et d’une carte des vaccinations, à l’échelle européenne.
...et selon les publics
Pour lutter contre l’hésitation vaccinale, les Académies invitent à distinguer trois catégories d’antivaccins, pour mieux cibler les messages : les opposants, qui rejettent en bloc toute information et tendent l’oreille aux théories du complot, les réticents, qui restent ouverts aux connaissances scientifiques, et les hésitants, plus anxieux qu’hostiles. Avec l’aide de sociologues, des stratégies doivent être développées pour s’adresser surtout aux deux derniers groupes d’individus, lit-on.
Des priorités dans les programmes, et des listes de vaccins
Il faut reconnaître que tous les vaccins ne se valent pas, que ce soit en termes d’efficacité ou de santé publique, et partant, définir des priorités dans les programmes, en tenant compte des besoins spécifiques des pays et des risques d’épidémies, exhortent les scientifiques.
La recherche sur les vaccins existants mais sous-optimaux et sur de nouveaux vaccins est urgente, alertent les Académies. Pour les premiers, elles citent en particulier le vaccin contre la grippe. « Plutôt que chercher à augmenter la couverture vaccinale, la priorité doit aller à la recherche d’un vaccin universel et éminemment protecteur », écrivent-elles. Elles invitent également à revoir la politique vaccinale du BCG, qui en outre, fait l’objet de ruptures de stock, et à travailler sur les vaccins antipoliomyélites. Elles demandent à la Commission européenne de favoriser à l’échelle européenne les partenariats publics-privés.
Enfin, les Académies se proposent de produire une liste de vaccins à améliorer et à développer, qui servirait à fixer des priorités dans l’agenda européen.
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