Depuis 6 mois, le député des Bouches-du-Rhône (GDR) préside la mission d’information sur les médicaments, lancée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. D’une soixantaine d’auditions sont nées 200 pages d’un rapport qui propose de refondre de A à Z la politique du médicament en France. De la recherche académique à la distribution pharmaceutique, les députés ont émis 31 propositions.
« La situation critique que nous avons vécue pendant la pandémie, avec des pénuries, la lenteur à développer des vaccins, était déjà là. C’est l’aboutissement d’une décennie de problème sur le médicament », soutient Jean-Louis Touraine, professeur de médecine et député LaREM du Rhône, co-rapporteur de la mission d’information. Désormais, « toute la chaîne du médicament doit être revue d’urgence », souligne-t-il.
Plus de transparence sur les prix des médicaments innovants
Parmi les 31 propositions, les députés s’attaquent sans détour au prix du médicament et aux marges dégagées par les industriels. « Nous partageons le constat des dégâts que fait la financiarisation du secteur pharmaceutique. La santé est désormais fortement marchandisée, nous avons besoin de politique de santé publique », pointe Pierre Darrhéville.
Les députés proposent ainsi un ensemble de mesures pour encadrer le prix des médicaments. Entre autres : obliger les laboratoires - au-delà d’un certain niveau de prix - à rendre transparent les coûts de recherche et développement, de marketing, les bénéfices dégagés et les prix pratiqués dans les autres pays. À moyen terme, les députés souhaitent également une fixation des prix à l’échelle européenne.
« Aujourd’hui, pour développer une thérapie innovante, l’industriel va racheter une start-up, parfois plusieurs milliards d’euros. Sauf que sur les 10 aventures entreprises, une seule va aboutir, mais il souhaitera tout de même se rembourser. Et vendra son produit très cher, bien au-delà du réel coût de production », détaille Jean-Louis Touraine.
Ruptures de stock : des sanctions plus lourdes pour les industriels
Pour pallier les pénuries de médicaments, les députés exigent de « renforcer les sanctions contre les industriels et certains grossistes qui ont des pratiques abusives, aux conséquences inacceptables pour le patient », indique Audrey Dufeu, député LaREM de Loire-Atlantique, et co-rapportrice de la mission. Les sanctions pourraient donc désormais non plus se fonder sur le chiffre d’affaires du médicament en question, mais sur celui de toute l’entreprise, pour être plus lourdes.
« Lors des auditions, nous avons eu écho d’industriels qui rationnaient leur production pour créer des pénuries, et ainsi augmenter la demande. Nous souhaitons que l’ANSM soit dotée de moyens humains et financiers supplémentaires pour aller évaluer la réalité de ces pénuries sur sites », précise Audrey Dufeu.
Autre proposition pour remédier aux ruptures de stock : l’instauration d’un groupement à but non lucratif ou un réseau public/privé, capable de produire des médicaments d’intérêt thérapeutique majeurs fortement soumis aux risques de pénuries. « Sur le modèle du Civica américain, pour assurer une chaîne d’approvisionnement de ces molécules essentielles, pilotée par le public », poursuit Audrey Dufeu.
Inciter à la prescription de génériques
Les ruptures de stock sont parfois la conséquence d'un désintérêt des industriels pour certaines molécules vieillissantes, génériquées et peu rentables. Le rapport propose plusieurs mesures pour les inciter à poursuivre cette production essentielle : engager automatiquement des révisions de prix - à la hausse - pour ces spécialités vitales ou encore conditionner les hausses de prix à un engagement de l’entreprise à approvisionner le marché français.
Les dépenses sur le médicament sont également dans le viseur des députés, qui souhaitent une plus forte incitation à la prescription de générique. Alors que les génériques représentent 80 % du marché des médicaments remboursables en Angleterre ou en Allemagne, ce taux est de seulement 40 % en France.
« Il faut fixer un prix plancher pour encourager les industriels à se saisir des génériques », propose Audrey Dufeu. Des dispositifs incitatifs qui pourraient aussi cibler le médecin. Les députés plaident ainsi pour la mise en place d’un honoraire de 1 euro à 1,50 euro par consultation pour les médecins qui atteindraient un objectif de prescription dans le répertoire des génériques.
La création d'un Haut-commissariat au médicament
Enfin, parmi la trentaine de propositions, l’une est plus urgente que les autres, selon Jean-Louis Touraine : elle vise à créer un Haut-commissariat aux produits de santé. Un « chef d’orchestre du médicament », qui chapoterait une stratégie unique pour les différentes agences (HAS, ANSM, CEPS, CNAM).
« Nos agences réglementaires sont trop nombreuses. Le temps de mise sur le marché et d’évaluation est 3 ou 4 fois plus long en France qu’en Allemagne, à cause de ces allers-retours entre les différentes agences », précise Jean-Louis Touraine, qui appelle à un sursaut rapide de toute la chaîne du médicament. « C’est le moment ! »
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